Le putsch fut
sanglant. Les cadavres des joueurs de l'équipe de France furent jetés dans une
décharge. Celui de Nicolas Anelka a été pendu à l'entrée de la ville, et celui
de Raymond Domenech, abandonné aux chiens, n'a trouvé aucune âme charitable
pour lui donner une sépulture décente. La foule, hystérique, l'a traîné dans
les rues pendant des jours entiers, avant de le jeter dans un fossé. Les gens
passaient à côté, lui crachaient dessus, ou lui réservaient, au mieux, un
regard indifférent. Jusqu'à ce qu'il soit dévoré par les chiens.
Cette hystérie qui s'est emparée de toute la
France a étonné le monde. Comment une défaite sportive s'est-elle transformée
en un drame national, puis en une déroute politique et une affaire d'état ?
Pourquoi l'échec sportif a-t-il eu autant d'ampleur ? Les réponses risquent
d'ajouter encore au trouble actuel, car un consensus semble dominer en France :
ça va saigner. Les révélations risquent de n'épargner personne. Et ce sont les
héros de 1998, ceux qui ont permis à leur pays de remporter la seule coupe du
monde de son histoire, qui risquent, en premier, d'être jetés en pâture.
Cette génération de 1998 a joué un rôle clé
dans la crise. Elle était impatiente de prendre le pouvoir au sein du football
français. Elle était à l'affût depuis des années, et voulait à tout prix
propulser les siens aux postes de commande. Elle a d'ores et déjà imposé
Laurent Blanc comme sélectionneur, et se prépare à investir les autres
structures du football français. Mais elle a agi avec un tel acharnement
qu'elle risque de prendre le pouvoir dans un champ de ruines. Craignait-elle
que Raymond Domenech réédite le coup de 2006, quand il est allé en finale de
coupe du monde alors que personne ne misait sur lui ? Redoutait-elle un tir de
barrage qui l'empêcherait d'accéder aux postes de commandes face à quelque
imprévu ? Toujours est-il qu'elle a fait preuve d'un incroyable acharnement, à
l'image de Christophe Dugarry, le plus faible des joueurs de 1998, qui a joué
le rôle de porte-parole de ce clan, se montrant méprisant envers les joueurs et
arrogant envers les dirigeants. A l'écouter, Nicolas Anelka est devenu un
déséquilibré, Frank Ribery un caïd, Eric Abidal un petit voyou de quartier et
William Gallas un fainéant qui a décidé d'aller vivre à l'étranger. Des propos
ouvertement diffamatoires, à la limite du racisme.
La génération de 1998, forte de sa coupe du
monde et du championnat d'Europe remporté dans la foulée, a réussi à imposer un
consensus, auquel la presse s'est pliée. On a alors découvert un fonctionnement
étonnant du système médiatique français : tout le monde était unanime pour
tirer dans le même sens. Ceux qui n'étaient pas d'accord n'ont pas eu
l'occasion de s'exprimer une seule fois. Silence dans les rangs. On ne fait pas
pire chez les petits dictateurs africains. Pourtant, rien ne garantit que cette
génération fera mieux lorsqu'elle arrivera au pouvoir. Elle a, devant elle, un
exemple édifiant, celui de la génération Platini. Celle-ci a réalisé deux brillantes
coupes du monde, en 1982 et 1986, et remporté le championnat d'Europe dans
l'intervalle. Pressée elle aussi de prendre le pouvoir, elle a copieusement
insulté Henri Michel, le sélectionneur de la fin des années 1980, pour le
pousser à la démission et imposer Michel Platini à la tête de la sélection. Ce
fut un énorme fiasco. L'équipe de France a alors raté deux coupes du monde de
suite, celles de 1990 et 1994.
Au niveau des clubs, c'était l'ère Tapie,
celle du bling bling et des combines, avant la lourde chute en enfer. C'est
dire que le putsch de cette semaine permet, certes, de se débarrasser d'un
entraîneur atypique, le plus controversé de l'histoire du football français,
mais rien ne garantit qu'il apportera les solutions au football français.
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Posté Le : 24/06/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abed Charef
Source : www.lequotidien-oran.com