Algérie

Coup au moral



Le salaire, triplé des députés, donne un coup - mauvais, bienentendu - au moral des enseignants. Le Syndicat national des enseignantsuniversitaires (CNES) a exprimé avec véhémence son incompréhension face à uneaugmentation de 300%, unique dans les « annales des hausses de salaires» de la République.

Les enseignants universitaires, il faut le relever, ontl'assurance d'avoir le soutien de la majorité de l'opinion publique, pour quiles députés sont payés à ne pas faire grand-chose. Et cela ne relève pas d'unantiparlementarisme de mauvais aloi mais, bien au contraire, du sentiment de nepas avoir de vrai Parlement. Les Algériens, à qui l'on ne cesse de dire qu'uneaugmentation de salaire doit être liée à une augmentation de la production etde la productivité, ne voient pas quel est le grand apport des députés en cedomaine. La «productivité» en textes de loi ne relève même pas de leur «labeur»et les Algériens sont nombreux à penser qu'ils sont adoptés sans même être lus.

Il serait cruel de rapporter ici ce que disent crûment lesAlgériens au sujet du travail accompli par les députés. Par contre, ils saventque les enseignants travaillent durement et dans des conditions souventdifficiles. Comment dès lors en comprendraient-ils la mise en garde du CNES quifait valoir le signal démoralisant pour les fonctionnaires qui est envoyé parle triplement du salaire des députés !

Le premier effet de cette hausse, qui fait jaser dans leschaumières, a été de convaincre les syndicats que les augmentations de salairesobtenues sont très largement insuffisantes au regard des largesses octroyéesaux députés. De manière lapidaire, on confirme qu'il vaut mieux «se placer»dans les circuits de la rente politique plutôt que de s'investir dans lesétudes et le savoir. L'amertume des universitaires est d'autant plus grandequ'ils ont dû mener des batailles homériques pour obtenir quelquesaugmentations de salaires. Dans un pays qui a déjà connu une forte migrationd'universitaires et de cadres, cette affaire n'est pas faite pour retenir ceuxqui ont l'intention de suivre ceux qui les ont précédés en exil.

Certes, dans un fonctionnement parlementaire dynamique eteffectif, le salaire octroyé aux députés ne serait pas exorbitant. Le problèmeest que nul n'ignore en Algérie que le Parlement n'a rien à voir avec cettearène où l'on travaille et l'on se bat. Nul n'ignore que la vie de député n'arien d'harassant. Et qu'elle est tout le contraire de celle d'un enseignantuniversitaire qui doit essayer, dans des conditions difficiles, de transmettredes connaissances à ses étudiants.

En s'exprimant avec véhémence au sujet du triplement dessalaires des députés, le CNES dit craindre que la politique «de deux poids, deuxmesures» ne soit annonciatrice «d'une autre hémorragie du corps des enseignantschercheurs vers d'autres cieux plus cléments fondés sur la reconnaissance del'élite et du savoir». C'est en effet un risque dans un pays où le sens du«placement» dans les circuits politiques est beaucoup plus rémunérateur que laquête du savoir et sa diffusion.




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