A 35 ans, Marouane Jebbar, marocain d'origine installé en Côte d'Ivoire, se positionne comme un entrepreneur de premier plan avec "Côte d'Ivoire Drone", qu'il a créée en 2017. Leader incontestable de l'industrie du drone dans le pays, cette société a été classée deuxième meilleure start-up africaine par Airbus. Portrait.
Côte d'Ivoire Drone fait partie des 10 start-ups sélectionnées - les autres se trouvent au Kenya, en Éthiopie, en Afrique du Sud et au Mali - parmi 314 candidatures de 19 pays africains. Pendant six mois, de janvier à juin 2019, celles-ci ont bénéficié de l'Africa4Future, un programme d'accélérateur et d'incubateur proposé par Airbus en partenariat avec l'agence allemande de coopération internationale pour le développement (GIZ).
A l'issue du programme, Côte d'Ivoire Drone s'est classé 2e parmi les dix start-ups.
"La start-up sud-africaine classée première a créé un logiciel qui détecte les mouvements de carburant dans les ailes de l'avion pendant les turbulences. Parmi les neuf start-ups restantes, c'est Côte d'Ivoire Drone qui s'est distinguée par son stade de maturité, car les autres en sont encore au prototypage ou cherchent des financements", explique au micro de Sputnik Marouane Jebbar.
Les dix start-ups africaines ont par ailleurs décidé de créer l'African Aerospace and Remote Data Alliance (AARDA), une association pour défendre les droits des utilisateurs de drone et pour essayer de mettre en place une législation africaine pour l'utilisation des drones civils.
Le projet est soutenu par Airbus et la GIZ. Marouane Jebbar a été élu vice-président de l'association.
Cette première consécration internationale vient récompenser plusieurs années de travail et d'innovation d'une start-up qui a officiellement été constituée en octobre 2017.
Mais bien avant que Côte d'Ivoire Drone ne voit le jour, il y a Marouane Jebbar, venu visiter en 2012 la Côte d'Ivoire pour juste une semaine, mais qui tombe sous le charme de ce pays sur lequel il avait "quantité de préjugés distillés par les médias". Le spécialiste en cyber-sécurité qui a passé près d'une décennie à travailler au sein de multinationales, décide alors de s'installer à Abidjan.
"Parfois, les bonnes choses qui nous arrivent dans la vie, on ne les a pas forcément programmées", confie au micro de Sputnik Marouane Jebbar.
Réparateur de drone
En 2014, Marouane Jebbar fait ses premiers pas dans l'univers du drone, uniquement par besoin. A l'époque, il avait créé www.city.ci, le premier site internet de promotion des établissements et lieux touristiques en Côte d'Ivoire. Après le crash du drone utilisé pour la collecte des photos, l'ancien pilote de chasse, qui a des notions en électronique et robotique, essaie de le réparer lui-même, avec succès. En publiant sur son profil Facebook les différentes étapes de la réparation, il se forge, sans le vouloir, une réputation de réparateur de drone à Abidjan.
"Des inconnus ont commencé à me contacter, parfois même de l'extérieur de la Côte d'Ivoire, pour leur venir en aide sur leur drone tombé en panne. Quand j'ai vu l'intérêt, j'ai senti que la niche des drones peut donner quelque chose d'intéressant en Côte d'Ivoire, j'ai alors décidé de me spécialiser dans ce domaine", explique Marouane Jebbar.
Il crée alors "Abidjan Drone Labs", une page Facebook où à travers des vidéos et photos, depuis le confort de sa maison, il explique, entre autres, comment mieux utiliser les drones, les monter, les réparer. Très vite, il se constitue une clientèle, au point même où certains clients de la sous-région ouest-africaine n'hésitent pas à prendre l'avion pour venir faire réparer leur drone.
L'engouement est tel qu'il se met à faire de la réparation, de la revente de drones et pièces pendant environ deux ans, jusqu'à ce qu'une grande entreprise ivoirienne de caoutchouc lui propose un important contrat de fourniture de drone et de formation de télépilotes qui lui fait comprendre qu'il est temps de créer une société.
Côte d'Ivoire Drone voit donc le jour en octobre 2017. Marouane Jebbar recrute et démarre l'aventure avec deux jeunes ivoiriens, dont l'un, Honoré Soro, est aujourd'hui chef de projet, et l'une, Christelle Mambo est passée directrice de Côte d'Ivoire Drone. Quant à Marouane Jebbar, il est actuellement le PDG du "JB Group" dont fait partie désormais Côte d'Ivoire Drone.
Maîtrise de la Chaîne des drones
Pour sa première année d'existence, Côte d'Ivoire Drone réalise un chiffre d'affaires de 120 millions de francs CFA, un montant qui surpasse toutes les espérances de son fondateur, qui était hébergé durant les premiers mois de son installation en Côte d'Ivoire par sa s?ur cadette. Celle-là même qui l'avait invité à visiter le pays et qui lui avait prêté les fonds pour s'acheter le premier drone à partir duquel tout a débuté. Entre temps, le jeune entrepreneur trouve également l'amour auprès d'une Ivoirienne qu'il épouse et qui est business manager au sein de Côte d'Ivoire Drone.
La société est la seule du marché ivoirien à maîtriser toute la chaîne de l'industrie du drone, depuis la fabrication sur mesure à la commercialisation, en passant par la réparation et la formation de télépilotes professionnels civils et militaires. Elle est active dans le domaine des mines, de l'agriculture de précision, des BPT et génie civil, l'inspection industrielle. Elle possède par ailleurs son propre logiciel (le premier en Côte d'Ivoire) de traitement et analyse de données collectées par drone, qu'elle commercialise.
Actuellement en plein recrutement de techniciens et commerciaux, en vue de son expansion, JB Group, outre Côte d'Ivoire Drone, compte quatre entités et emploie 11 personnes, toutes ivoiriennes. Le groupe a signé en juin 2019 un partenariat avec l'Institut National Polytechnique Houphouët-Boigny (INPHB, institut d'excellence ivoirien) de Yamoussoukro, en vue de la formation gratuite à la technologie de drone.
En Côte d'Ivoire, la conception générale que l'on se fait du drone est cet appareil utilisé pour la couverture aérienne d'événement culturels ou encore sportifs. Mais, Marouane Jebbar milite à son échelle pour faire évoluer cette conception
"Avec un drone civil on peut réaliser tellement de choses. On peut faire de l'agriculture de précision et calculer le rendement d'une plantation, on peut détecter des maladies, lutter contre la déforestation en plantant des graines, les catastrophes naturelles comme les incendies ou les inondations, prévenir les embouteillages, faire de la surveillance, notamment des frontières dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Avec le drone, on peut vraiment trouver des solutions à tout, ça dépend juste de l'imagination et de la créativité", détaille pour Sputnik Marouane Jebbar.
En Afrique, depuis quelques années, des réflexions sont menées pour une utilisation optimale des drones, afin d'améliorer le bien-être et les conditions de vie des populations. C'est le cas notamment au Sénégal où depuis janvier 2019, deux geeks élaborent un drone pour lutter contre le paludisme, qui demeure un problème de santé publique. Concrètement, ce drone, une fois opérationnelle, servira à répandre de l'insecticide dans des zones où se développent les moustiques, vecteur de la maladie. Une initiative similaire sera lancée fin août au Rwanda par le gouvernement, en partenariat avec une société locale de drone. Par ailleurs, au Cameroun, un jeune ingénieur de 25 ans est en train de développer un drone pour surveiller les frontières et prévenir les attaques de Boko haram dans l'extrême nord du pays.
Avec le partenariat d'Airbus et de la GIZ, Marouane Jebbar ?uvre actuellement à mettre sur pied la fondation "Africa Drone Valley", qui sera le premier centre de formation à la technologie de drone civil en Côte d'Ivoire et en Afrique
L'industrie du drone est en plein essor en Côte d'Ivoire mais, Marouane Jebbar, par ailleurs président de l'Association Ivoirienne des Professionnels de Drones Civils (AIPDC), voit peser sur elle une "menace qui pourrait tout remettre en cause".
En effet, l'Autorité Nationale de l'Aviation Civile de Côte d'Ivoire (ANAC) a décidé d'appliquer une réglementation sur l'usage des drones jugée "trop contraignante et contre-productive" par de nombreux professionnels. Cette réglementation fait, entre autres, obligation aux professionnels de payer la somme de trois millions de francs CFA (4.573 euros) pour obtenir la licence d'exploitation valable durant cinq ans. Et pour la renouveler, il faut payer 1,5 millions (2.286 euros) chaque année.
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Posté Le : 11/09/2019
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Le Maghreb
Source : www.lemaghrebdz.com