Algérie

Copenhague, ou les mesquineries des temps présents



Curieuse impression que celle de côtoyer des sommités et de s'imprégner de ce qu'elles ont de profondément humain,

dans le lointain absolu des ressentiments terre à terre et de pouvoir aller jusqu'à blaguer pour créer une ambiance bon enfant.

Kofi Annan, l'ancien secrétaire général de l'ONU, Manuel Barroso, le président de la Commission de l'Union européenne, le prix Nobel d'économie Joseph Stiglit, et d'autres hommes de l'élite des élites du monde, pour parler avec une simplicité mordante de la qualité de la vie et de la profondeur des humains.

 En ce début du mois d'octobre, la capitale danoise, Copenhague, sème une vision et une prospective pour l'humanité telle que souhaitée par tous les peuples du monde. Dépouillée de l'immédiat et des exigences du temps présent, mais consciente que les hommes restent des hommes. Vulnérable en prise en permanence avec la mesquinerie des temps modernes et l'instinct de survie ou celui à l'opposé du trop-plein de vie qui font des ravages.

 Le mérite d'un tel sublime défilé revient à l'organisation Project Syndicate, qui regroupe pas moins de 439 journaux du monde entier, qui publient par son biais les réflexions éminentes de vrais politiques qui savent de quoi ils parlent et qui maîtrisent leurs sujets. Une aubaine pour les petits journalistes que nous sommes, trop impliqués dans les contingences quotidiennes, broyés par l'étau de l'instantané.

 Une ministre japonaise de la Défense, un ancien chef d'Etat mexicain, une ministre danoise de l'Environnement, des professeurs d'universités américaines, une pléthore d'éminences grises, tous dans un défoulement paisible du verbe et de la raison pour avouer, par de vraies questions, une puissance criarde à repenser la terre.

 Comment discerner entre les discours et les faits ? Comment se libérer du profit ? Comment arrêter le massacre de ce que la terre a produit en plusieurs millénaires et qui s'en va en quelques années ? Comment des peuples qui n'ont pas les mêmes préoccupations peuvent-ils parler le même langage et regarder le monde avec un même oeil ?

 La politesse des intervenants, malgré leur réalisme, a mal caché une superbe évidence. Elle se résume à poser le problème de l'égalité et de la justice humaines. Par un langage simple, dépouillé de populisme, ils ont clairement demandé ce que signifiait la qualité de la vie pour un Allemand et un Suédois et pour un Togolais et un Indien. Les uns tendent vers le raffinement dans l'existence, les autres s'évertuent dans la lutte pour la survie. Le réchauffement de la planète n'est donc pas seulement une affaire d'artifices de gestion de l'environnement, mais une grande question sur la dignité humaine et le droit de vivre sainement. C'est aussi une interpellation de l'histoire qui se manifeste par des mouvements de population incessants qui n'ont de changés que leurs attirails.

 L'environnement n'est pas seulement une histoire de CO2 mais une bien plus grosse histoire de la vie de l'humanité, avec ses spasmes partout dans le monde, et dont la lecture peut être facilement faite dans le regard d'un enfant palestinien ou dans les larmes d'une fillette de Somalie.

 La ministre danoise de l'Ecologie voit très juste quand elle prévient que la déferlante des peuples du Sud vers le Nord va s'accentuer et elle ne saurait s'avouer vaincue en butant sans cesse contre des murs chimériques, érigés à contre-courant des empreintes du temps.

 Parler de l'environnement suppose des tonnes d'a priori. Prendre en charge d'une manière sérieuse la qualité de la vie renvoie à reformuler le monde et aller fouiner dans les bonheurs et les misères des peuples et aller trifouiller dans les poubelles humaines pour analyser ce qui nourrit les esprits et les coeurs des êtres humains.

 Les guerres et les conflits ne sont-ils pas en définitive qu'une des manifestations de la cupidité des hommes qui pose le vrai problème de l'environnement ? Le réchauffement de la terre n'est-il pas en fin de compte que la conséquence de l'étroitesse de vues des humains et ne pose-t-il pas, tout compte fait, le problème de la justice et de la dignité humaines ?

 Tous les conférenciers et les intervenants n'ont pas tourné autour du pot. Libérés sans aucun doute des contraintes des intérêts des Etats, soulagés des partitions verbales officielles, les esprits vidés des enjeux trop immédiats. Même les officiels, ministres et chefs de gouvernement qui ont fait le déplacement à Copenhague, ont, dans leurs prises de parole, jeté leurs masques, pour revenir à la simplicité de l'énoncé du problème. Baigner pour certains d'entre eux dans l'apparente utopie d'un forum, quand bien même mondial, organisé par une grande association non gouvernementale, était une aubaine pour renouer avec l'humanisme devenu si rare et pour avouer ce que la terre devrait être.

 Mais d'aucuns n'étaient pas dupes. Tous les participants sans exception avaient conscience que l'harmonisation de la vie des humains était incompatible avec l'ingéniosité des égoïsmes et des cupidités des Etats. Les uns trop jaloux pour l'étalage de leurs richesses, quelques-uns s'agrippant à la queue d'un défilé d'aisance pour avancer et quitter le sous-développement.




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