Contenir l'augmentation de la température mondiale à pas plus de deux degrés supplémentaires. Difficile mais nécessaire pariL'ouverture de la COP 21 à Paris, a comme à l'habitude, donné l'occasion à quelques manifestations de protestation. C'est une tradition typiquement française.Banderoles, tambours et gaz lacrymogène. Après tout, si le sujet du dérèglement climatique concerne l'avenir même de l'humanité, les simples citoyens ont bien le droit d'exprimer leurs inquiétudes...Mais l'état d'urgence est passé par là : les manifestations sont interdites ! Dimanche, lors d'une « chaine de solidarité climatique » qui réunissait plus de 10 000 personnes, place de la République, la police est intervenue sans ménagement, en réponse ou suscitant par le fait de nombreux incidents. Résultat : 317 personnes ont été placées en garde à vue. Le président de la Ligue des droits de l'homme s'est inquiété d'un « état d'urgence permanent ». Pour Henri Leclerc, « on créé une situation de suspension d'un certain nombre de libertés qui est à mon avis, génératrice de danger ». En réponse aux inquiétudes qui montent tant dans les partis, les associations ou les syndicats, Manuel Valls a laissé entendre que la prolongation de l'état d'urgence de trois mois, adopté dans la foulée des attentats du 13 novembre, était une possibilité envisageable au-delà du 26 février. Il a répété une formule qu'il avait déjà utilisée à plusieurs reprises, à savoir que cette « restriction des libertés » avait pour objectif de « protéger nos libertés ».Rompez !Les manifestations, celles-là officielles, ouvrant la COP 21 étaient elles particulièrement impressionnantes, suivies par un public d'exception avec 150 chefs d'état, plus de 180 pays représentés, 10 000 délégués, le tout sous une sur- surveillance policière. COP 21 ' La « Conférence des parties », réunie au sein de la « Convention Climat des Nations-Unies » (CCNUCC) se déroule depuis 1992 pour la 21ème fois. Une preuve supplémentaire que si le dérèglement climatique fait l'objet d'une prise de conscience croissante, il n'est pas facile d'y trouver des correctifs communs et efficaces…Pourquoi à Paris ' Parce que les nombreux échecs précédents, et notamment ceux des sommets de la Haye en 2000 (suivi du retrait des Etats-Unis des discussions et son refus de signer le Protocole de Kyoto), de Montréal, de Lima et surtout celui de la COP 15 à Copenhague, au Danemark, en 2009 (qui avait vu l'opposition du « G2 » des pays les plus pollueurs, les USA et la Chine), avaient beaucoup refroidi les enthousiasmes. La France était la seule candidate pour organiser ce sommet qui apparait par certains côtés, comme celui de la dernière chance.9 MILLIARDS D'HUMAINS EN 2050Le sommet de Paris restera donc au moins dans les mémoires, comme le plus grand rassemblement de chefs d'état de l'histoire de la planète et porteur donc aujourd'hui de tous les espoirs. D'autant que les signaux d'alerte retentissent partout, bien au-delà de la crise climatique : les crises financières se répètent, avec leur cortège de précarité et d'exclusion, le terrorisme se globalise et brouille les notions de paix et de guerre, au point que la punition du crime prend des allures de guerre civile mondiale permanente. « Si l'on ajoute le chômage, les crises sanitaires et les menaces environnementales, on comprend comment les migrations humaines ont pu devenir un véritable désastre humanitaire alors qu'elles sont souhaitables, humainement et économiquement, et d'ailleurs inévitables pour des raisons démographiques », note Mireille Delmas-Marty.Face à te tels défis, les grands sommets internationaux sont-ils pour autant efficaces ' « La « communauté internationale » estime, déplore, s'indigne, revendique, exige, mais produit assez peu de résultats tangibles et concrets. De la guerre civile en Syrie à la crise des réfugiés, du conflit israélo-palestinien à l'éradication de la pauvreté, c'est le plus souvent son impuissance qui est mise en avant, constate Pascal Boniface de l'Iris, mais, poursuit-il, alors que les différentes conférences des Nations unies sur le climat depuis 1992 ont échoué à se conclure sur un accord à la fois général et contraignant, la conférence de Paris risque d'être la première à réussir, sur la base des leçons tirées des échecs précédents ». Pourquoi ' Parce que, selon ce chercheur, les dangers sont tels que les divergences d'intérêts entre les nations devront nécessairement être surmontées. Il y a pourtant, face à l'équation énergétique, presque autant de situations différentes que de pays différents : entre les pays émergents, qui estiment qu'ils ne doivent pas briser la croissance à laquelle ils ont droit, les pays développés qui ne se sont pas souciés de l'environnement auparavant, ceux qui pensent que le charbon est le combustible le moins cher, même s'il est le plus polluant, les pays qui ont déjà travaillé sur leur transition énergétique, d'autres qui n'ont pas cette culture, d'autres dont l'économie est basée sur l'exportation de matières fossiles… mais les divergences doivent être dépassées car, assure Pascal Boniface, « le réchauffement climatique est certainement le sujet le plus grave pour l'avenir de l'humanité. C'est la possibilité de vivre sur Terre qui est en jeu ».L'humanité, enfin consciente, rassemblée, unie face à un danger aussi commun que nuisible à tous : ça serait effectivement une première !L'un des problèmes principaux que le genre humain a déjà le plus grand mal à réguler est sa propre croissance numérique : nous étions 1,5 milliard au début du XXème siècle, 7 milliard aujourd'hui et 2 milliards d'habitants supplémentaires vont peupler la terre d'ici 2050. Et pourtant, on n'a en moyenne moins d'enfants. Selon les calculs des spécialistes, les taux de natalité étaient de 80 naissances pour mille habitants de la préhistoire aux jusqu'au Moyen-âge, de 30 pour mille en moyenne à l'ère moderne et à 23 naissances pour 1000 habitants en 2011. Mais nous sommes toujours plus nombreux, entrainant plus de demandes, plus de consommation, plus de production, plus de pollution…AGIR ! MAIS COMMENT 'Trois semaines avant l'ouverture de la COP 21, l'Agence Internationale de l'Energie nous dit que trois énergies fossiles fortement émettrices de gaz à effet de serre verront croître leur consommation dans le monde d'ici 2040. En dépit des efforts d'économie d'énergie annoncés dans les pays développés, l'AIE prévoit que la demande de pétrole continuera de croître de 900.000 barils par jour d'ici 2020. Cette hausse de la production ralentira ensuite en rythme annuel pour atteindre 103,5 millions de barils par jour en 2040 contre 91 millions de barils par jour en 2014. Parallèlement, l'AIE prévoit que la consommation de gaz augmentera de 50% d'ici 2040 et que le gaz de schiste, qui libère beaucoup de gaz à effet de serre lors de son extraction, assurera 60% de cette croissance de la production. La demande de charbon augmenterait même de 0,4% par an d'ici 2040, contre + 2,5% par an ces dernières années.Le nucléaire pourrait être une énergie de substitution mais il comporte également sa somme de dangers. Reste enfin le solaire. Le ministre algérien des ressources, Abdelouhab Nouri a rappelé, dans ce sens, que plusieurs programmes sont « déjà en cours » en Algérie qui dispose d'inépuisables réserves d'énergie solaire, argumentant que certaines régions enregistrent « plus de 3600 heures d'ensoleillement. C'est un véritable gisement inépuisable », a-t-il estimé.Mais L'humanité croissante doit d'abord se nourrir. « L'agriculture sera-t-elle au centre de la COP 21 ' » s'interroge Pierre Jacquemot de l'Iris. C'était la revendication la « Conférence climat des agriculteurs » qui vient de se tenir avec des représentants d'organisations professionnelles agricoles des cinq continents. Dans sa relation au climat, l'agriculture présente en effet trois caractéristiques : elle figure parmi les responsables de son dérèglement, elle en souffre largement et elle est partie prenante dans la solution. Mais elle ne sera pas vraiment au centre des débats parisiens.CONTRAINTES, CONTRAINTESEn ouverture de la COP 21, François Hollande a courageusement appelé à un accord de Paris « universel, différencié et contraignant » : en clair, des efforts de tous, peut-être adaptés à chaque pays, mais avec des sanctions à la clé pour les rétifs. Objectif : contenir une élévation de la température mondiale à pas plus de 2 degrés d'ici la fin du siècle. Mais les 146 contributions des pays qui sont arrivés aux Nations-Unies prévoient un résultat de 2,7°au mieux. C'est mieux que les 4° à 5° qui seraient intervenus si rien n'avait été fait mais c'est loin d'un retour à la normale. En limitant la hausse à +2°C, certaines conséquences du changement climatique restent inévitables. Avec la montée du niveau des mers, Tokyo, New York, Bombay, Rio ou Shanghai vont voir nombre de leurs quartiers passer sous les eaux, sans parler des petits Etats insulaires comme les Maldives ou les îles Marshall, ou des bassins fluviaux du Bangladesh, du Vietnam ou d'Egypte... Plus de 2 degrés ' Canicule, pluies diluviennes, crues, tempêtes et cyclones, fonte des pôles et des glaciers…Le succès de la COP21 repose sur sa capacité à faire accoucher les 195 Etats liés à la convention de l'ONU sur les changements climatiques, d'un mécanisme de révision à la hausse de leurs engagements, revu tous les cinq ans. L'autre condition du succès est d'obtenir des pays riches, la garantie qu'ils tiendront leur promesse de verser tous les ans à partir de 2020 les 100 milliards de dollars destinés aux pays du Sud pour qu'ils s'adaptent aux conséquences du changement climatique.Quant aux sanctions éventuelles, tout accord international a par définition une limite intangible : la souveraineté de chaque état. Un Etat n'est soumis au droit international que s'il choisit, souverainement, d'adhérer à un traité. C'est ainsi que les Etats-Unis n'ont ratifié ni la Convention sur la diversité biologique de Rio de 1992, ni le protocole de Kyoto de 1997. Les Etats-Unis refusent d'emblée toute contrainte financière et ce pays comme les deux autres grands pollueurs de la planète, la Chine et l'Inde ont fait savoir qu'ils n'accepteront en aucun cas aujourd'hui des dispositifs inquisitoriaux.Dernière difficulté majeure, le dérèglement climatique menace un monde globalisé qui a placé au-dessus de tout le libéralisme économique, la libre circulation des biens, des services, de l'argent (mais pas des hommes) et surtout au-dessus de toutes les contingences, la liberté sacrée des entreprises, guidées par l'objectif de maximisation à court terme de leurs profits. Or, la contrainte devra aussi s'exercer fortement sur les entreprises, jusqu'ici habituées à faire ce qu'elles voulaient…Mais 39 grands groupes français ont solennellement promis jeudi à Paris de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Mieux, Bill Gates, l'ex PDG de Microsoft et l'homme le plus riche du monde, s'est engagé avec les PDG de Facebook, d'Amazon, Linkedin, Ali Baba, Virgin, Free et quelques autres à investir plusieurs milliards de dollars (combien, on ne sait pas) dans les « énergies propres » . On est sauvés !Plus positif : rarement un sommet entre états n'aura été aussi commenté. Via la presse, les télés, les radios, le Net et les téléphones mobile, l'opinion publique mondiale est informée et peut se mobiliser face au danger commun. Les avis des 7 milliards d'humains pèseront sur les 195 chefs d'états de la planète. « Un accord prouverait que tous les pays du monde peuvent, alors que leurs intérêts sont tout à fait différents, se mettre d'accord sur un sujet essentiel, chacun faisant des concessions, des sacrifices, des compromis. Bref, ce serait l'ébauche d'une véritable communauté internationale sans cesse évoquée, jamais rencontrée jusqu'ici » conclut Pascal Boniface.Et bon, si tout n'avance pas assez vite, il y aura toujours en 2016, la COOP 22 à Marrakech et l'année d'après, la COP 23, à Bali...
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 03/12/2015
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Pierre Morville
Source : www.lequotidien-oran.com