Algérie


Cop 21
138 millions de foyers africains composés de personnes vivant avec moins de 2,50 dollars par jour dépensent chaque année 10 milliards de dollars dans l'énergie.À la veille de la tenue de la conférence des parties sur le climat (CoP21), qui s'ouvrira le 30 novembre courant à Paris, la Banque mondiale publie un rapport Shock Waves : Managing the Impacts of Climate Change on Poverty, qui tire la sonnette d'alarme sur les répercussions d'une absence de décisions vigoureuses dans ce forum mondial. "Le changement climatique empêche déjà une partie de la population mondiale de s'extraire de la pauvreté, ils seront plus de 100 millions de personnes qui pourraient tomber sous le seuil de pauvreté à l'horizon 2030 sans la mise en ?uvre d'un développement rapide et solidaire qui ne nuise pas au climat." Les auteurs du rapport estiment que les chocs dus aux événements extrêmes risquent de réduire à néant les progrès difficilement accomplis en causant des pertes irréversibles et en faisant retomber dans la pauvreté les personnes touchées, notamment en Afrique et en Asie du Sud. "Lorsque les troupeaux de bétail sont décimés par la faim ou que les récoltes sont détruites à cause de la sécheresse, c'est l'assise économique des paysans qui est détruite." C'est alors l'extrême pauvreté ou le mirage de l'exil.Pour les auteurs du rapport, une éventuelle augmentation de la pauvreté résultera avant tout de facteurs agricoles. Le changement climatique pourrait réduire, à l'échelle mondiale, les rendements de culture dans une proportion pouvant aller jusqu'à 5% en 2030 et 30% en 2080. Après les problèmes agricoles, les facteurs les plus pesants sont les effets de l'augmentation des températures sur la santé et la productivité de la main-d'?uvre. En Afrique, le changement climatique pourrait entraîner une hausse des prix des denrées alimentaires de 12% en 2030 et 70% à l'horizon 2080. Lorsqu'on sait que plus de 60% des dépenses des ménages dans le continent vont à la consommation alimentaire, c'est la survie même des populations qui est en jeu.Prix des énergies fossiles et absence d'infrastructures : le dilemmeAucun développement n'est possible sans la disponibilité de l'énergie. C'est valable pour l'industrie, l'agriculture et tous les services. La lutte contre le changement climatique implique "une offensive généralisée contre les émissions de gaz à effet de serre (GES)" pour écarter la menace à long terme que le réchauffement fait peser sur la réduction de la pauvreté.Les prix des énergies fossiles sont au centre de la problématique. 650 (621 selon d'autres sources) millions d'Africains n'ont pas accès à l'électricité, c'est la moitié de la population de notre continent. En excluant l'Afrique du Sud, un Africain ne consomme en moyenne que 162 kilowattheures (kWh) par an, alors que les autres Terriens en consomment 7000. L'Africa Progress Panel (APP), ONG présidée par l'ancien secrétaire général des Nations unies, Koffi Annan, estime que 138 millions de foyers composés de personnes vivant avec moins de 2,50 dollars par jour dépensent chaque année 10 milliards de dollars dans l'énergie. Et ce, pour se fournir en bougies, charbon, essences pour les générateurs et en bois de chauffage. Ce qui revient à près de 10 dollars par kWh, soit 20 fois plus que pour alimenter un appartement chic de Manhattan où la facture s'élève à 0,12 dollar par kWh !À supposer que les fonds existent pour électrifier l'ensemble du continent, ce qui est loin d'être le cas, une telle opération contribuera à l'explosion des émissions de GES ? l'Afrique ne générant que 2,3% des émissions de GES ? si le modèle en cours dans les pays développés est calqué sur l'Afrique. De plus, ne pas subventionner cette énergie c'est exclure la majorité des populations. À côté des budgets publics insuffisants et l'apport du Nepad (Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique) au niveau infrastructurel, l'APP et d'autres organismes, à l'instar de fondation Borlo (Energie Afrique), tentent de mobiliser des fonds. Mais sans une nouvelle approche et une mobilisation ambitieuse, l'accès durable à l'électricité risque de rester encore trop longtemps un mirage qui retarde le développement et accentue la plaie de l'exode rural et de la migration.En termes de potentialités, les richesses inexploitées en énergies hydroélectriques (renouvelables) s'élèvent à 1,844 térawatt par heure chaque année, soit trois fois la consommation annuelle de toute la région. Cette option nécessite la construction d'un réseau de transport très coûteux. Des experts, comme Mc Kinsey (cabinet conseil très investi dans les questions énergétiques), estiment qu'à l'horizon 2040, le continent peut tirer son énergie à 20% dans le solaire et plus s'il s'investit dans les fermes éoliennes. L'avantage dans ce dernier cas est un coût moindre dans l'investissement dans un réseau global. Chaque année, les gouvernements africains dépensent 21 milliards de dollars pour subventionner l'énergie fossile ; ici aussi, des réorientations sont incontournables, comme chez nous par exemple.Au plan technique, les infrastructures centralisées de production ? faisant très souvent appel aux combustibles fossiles polluants ? et l'extension des réseaux ont montré leurs limites. Le déploiement massif d'un programme d'électrification du continent africain ne peut s'envisager sans prendre en compte la diversité des territoires et des concentrations de peuplement. Une grande part reposera sur des solutions d'électrification décentralisée permises par les énergies renouvelables en complémentarité des infrastructures centralisées existantes ou à promouvoir.Par contre, "électrifier l'Afrique" et lutter contre le changement climatique passent par une aide massive au continent pour contourner le schéma de développement emprunté par les pays industrialisés avec une énergie fossile bon marché et un "permis" de polluer sans limite. Le reste est une question de volonté politique commune.R. S.




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