Avec le plan solaire méditerranéen et
Desertec, le Maghreb se prépare à investir massivement pour exporter de
l'électricité verte vers l'Europe. Mais quand l'Europe sera-t-elle demandeuse, en
volumes commerciaux significatifs, de cette fourniture ? «Pas avant 2020-2025
au moins» affirme un haut fonctionnaire à Bruxelles.
Un point de vue contesté… qui aurait pu
conforter la prudence algérienne.
« Pour exporter de l'électricité vers
l'Europe il faut trois conditions. D'abord qu'il y ait des excédents
d'électricité, ensuite qu'il y ait des infrastructures, enfin qu'il existe des
règles» annonce d'entrée Olivier Silla chef du département relations internationales
à la direction énergie de la Commission européenne. Or, à faire rapidement le
point, sur ces trois conditions le compte est loin. «Le Maghreb importe de
l'électricité en 2010 » rappelle le haut fonctionnaire européen, 500 mégawatts,
en moyenne annuelle, de l'Espagne vers le Maroc. Dans l'état actuel des
capacités, les interconnexions disponibles – avec celles lancées – sont
suffisantes. Il n'est pas nécessaire d'ajouter un câble sous-marin dans
l'immédiat». Enfin, le chantier de la mise en commun de la réglementation du
marché de l'électricité est lancé. Mais il aura besoin de temps. Voilà, décliné
tranquillement sur un ton neutre et implacable, «la réalité d'aujourd'hui» des
ambitions maghrébines d'exporter une bonne partie des 20 gigawatts d'électricité
d'origine renouvelable prévus en 2020 du sud méditerranéen vers l'Europe.
L'intervention de Olivier Silla était une des nombreuses communications
effectuées lors d'un séjour d'études organisé à Bruxelles avec des spécialistes
maghrébins par la fondation Friedrich Neumann sur le thème des énergies
renouvelables. Elle a eu l'effet d'une douche glacée. Car elle laisse entendre
qu'avant «l'horizon de 2020-2025», les plans européens de production
d'électricité verte (éolien, solaire photovoltaïque, solaire thermique,
biomasse, géothermie, hydraulique, océanique) ne laisseront pas beaucoup de
place encore à l'importation du sud méditerranée. Si l'on ajoute au fait que la
demande européenne en renouvelable peut être encore satisfaite par l'offre intérieure
«regardez le plan allemand de production d'électricité éolienne en off shore»,
la décroissance des coûts du kilowattheure du solaire thermique, le grand atout
du Maghreb, ne serait pas suffisante, selon Olivier Silla pour le rendre
compétitif à cette échéance des dix à quinze ans, surtout qu'il faudra lui
ajouter des coûts de transports vers le réseau européen.
Sur le papier l'exportation peut commencer
demain
L'Europe s'est fixé comme objectif
ambitieux de produire 20% de sa consommation d'électricité à partir d'énergies
renouvelables en 2020. Le plan solaire méditerranéen lancé dans le cadre de
l'UPM, vise à satisfaire une partie de cette demande d'électricité verte en
importation des pays sud-méditerranéens. Desertec le projet pharaonique, piloté
par l'industrie allemande, qui veut fournir, en 2050, 15% de toute
l'électricité consommée en Europe à partir, essentiellement, du solaire du
Sahara et du Moyen-Orient, est venu emballer le mouvement sur la rive sud. A
Ouarzazate au Maroc, un projet de centrale thermique solaire à concentration
(CSP) devrait produire 500 mégawatts en 2014, seuil exigé par les industriels
européens de la filière pour accepter de localiser leur activité dans les pays
sources. Le plan solaire méditerranéen s'est doté également d'une initiative
industrielle, Transgreen, qui vise à réaliser les infrastructures de transport
de l'électricité à partir du Maghreb et du Moyen-Orient vers le marché
européen. L'ONE, l'office de l'électricité au Maroc, a adhéré à Transgreen,
début octobre et semble être déjà, sur le principe assuré de vendre ses futures
excédents sur le marché espagnol et européen. L'article 9 de la directive
européenne «énergie et climat» autorise en effet les pays tiers à vendre de
l'électricité d'origine renouvelable sur le marché européen et permet aux pays
membres qui l'importeraient de la comptabiliser dans leur quota des 20%
d'électricité verte en 2020. Dans le réseau, le Maghreb est prêt à envoyer de
premiers électrons verts. La dorsale de 400 kVa qui relie les trois pays
Tunisie, Algérie, Maroc, se poursuit vers l'Espagne en attendant la connexion
de l'Italie à la Tunisie. Sur le papier, le Maghreb peut donc exporter vers
l'Europe de l'électricité solaire ou éolienne dès demain s'il dégage des
excédents. Pourtant cela pourrait être un peu plus compliqué. Et l'intervention
de Olivier Silla n'était pas la seule, à Bruxelles, à le laisser entendre. Un
chercheur, Georg Zachmann de l'institut Bruegel, a de son côté insisté sur la
difficulté à constituer un marché européen intégré de l'électricité. «Les
conceptions des réseaux demeurent largement nationales, les bourses régionales
de l'électricité lancées n'ont pas encore décollé», et le troisième paquet des
mesures de Bruxelles pour finir de décloisonner ce marché n'est pas prêt encore
de donner ses effets.
«Le potentiel est au Maghreb, et il va
décoller…»
Pour Tewfik Hasni, spécialiste algérien
des énergies renouvelables et fondateur de NEAL, la filiale de Sonatrach et
Sonelgaz dédiée aux énergies alternatives, le discours «pessimiste» sur l'essor
rapide de la part de marché du renouvelable sud méditerranéen dans la
consommation européenne, n'est pas tout à fait neutre. «Il est dû au fait que
les Européens ne se sont toujours pas mis d'accord sur leur modèle de consommation
énergétique à venir. Les pressions françaises en faveur de l'électricité
nucléaire sont importantes. De même qu'au nord de l'Europe, la Russie qui,
contrairement à l'Algérie, n'a pas de grande réponse à la sortie du modèle
énergétique fossile, tendra à maintenir le gaz en bonne place dans le bilan
énergétique européen». Les Tunisiens proposent 14 projets de renouvelables dans
le cadre du plan solaire méditerranéen. Les Marocains sont déjà lancés dans
leur programme. L'Algérie annonce le sien «avant la fin de l'année» vient de
déclarer, Youcef Yousfi son ministre de l'Energie et des Mines. Tout cela pour
exporter plusieurs gigawatts d'électricité verte vers un marché européen
indécis ? «Une bonne partie des 20 gigawatts prévus seront exportables dès avant
2020 à partir du Maghreb, et, sans doute, principalement à partir de l'Algérie,
qui détient le plus fort potentiel de solaire thermique et le gaz pour
développer la génération hybride. Cela n'attendra pas au-delà» pronostique
Tewfik Hasni. «Il suffit que les acteurs se rencontrent pour mettre en place le
modèle économique de cette nouvelle industrie. La courbe des coûts elle est
très favorable. En 2020 le kilowattheure d'électricité solaire thermique
coutera environ 15 centimes d'Euro. C'est-à-dire autant qu'un kilowattheure
d'origine fossile. Au-delà c'est le solaire thermique qui sera le moins cher».
Et cela les initiateurs de Desertec l'ont intégré dans leur agenda 2050.
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Posté Le : 26/10/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : El Kadi Ihsane,De Bruxelles
Source : www.lequotidien-oran.com