Algérie

Contribution : L'opposition doit rester fidèle au hirak en aidant le régime à s'en aller



Après 14 vendredis de manifestations grandioses, sans compter les très nombreuses et remarquables mobilisations des étudiants et des membres de différentes professions dans la capitale mais aussi dans la majorité des villes, y compris à l'étranger, les Algériens ont imposé au pouvoir les premiers changements qui pourraient déboucher sur une nouvelle République.Ainsi, nos concitoyens manifestent en masse tous les vendredis pour exprimer clairement :
? leur refus de l'actuel régime politique et le système qui le sous-tend ;
? leur détermination à mettre en place un Etat de droit démocratique.
Cette «révolution du Sourire» se réalise pacifiquement.
Il s'agit maintenant d'aborder concrètement la phase transitoire qui mènera le pays vers les grandes réformes.
Dès le 10 mars, Jil Jadid avait préconisé une phase intermédiaire pour passer d'un régime politique à un autre. Toute la conception politique de cette phase a été réalisée en fonction de deux objectifs : le démantèlement du régime actuel et le retour à des élections démocratiques respectueuses des choix du peuple souverain.
L'application stricto sensu de l'article 102 de la Constitution constituait un verrou pour maintenir l'ancien système et qu'il fallait absolument lever.
Grâce à une mobilisation exceptionnelle du mouvement populaire, cet objectif stratégique a été atteint.
La pression a, par ailleurs, été si puissante que le démantèlement du système Bouteflika a été mis en chantier. Les multiples dossiers judiciaires concernant les plus hauts responsables ainsi que les milieux d'affaires liés au précédent pouvoir ont été ouverts.
Avec l'annulation de l'élection présidentielle du 4 juillet qui est certaine, le pays vient de basculer dans l'après-régime de Bouteflika. Maintenant, tout peut advenir, le bon, comme le mauvais.
C'est là où le rôle d'une classe politique consciente des enjeux doit intervenir.
Emporté par la dynamique de la rue, une partie de l'opposition exige la victoire totale en un laps de temps très court. Une attitude radicale et impatiente peut cependant déstabiliser, cette fois-ci, l'Etat lui-même. Or, aucun Algérien ne souhaite faire subir au pays les dramatiques conséquences d'un chaos général.
L'institution militaire, qui s'est retrouvée au centre des rapports de force politique, subit de multiples pressions. La peur du changement, bien qu'inévitable, est probablement sa plus grande motivation à vouloir contrôler le processus de sortie de crise.
Après avoir tenté vainement de contenir le mouvement populaire, le chef d'état-major s'est engagé dans le processus électoral à l'ombre des dispositions constitutionnelles. Mal lui en prit, puisque le pays se trouve maintenant confronté, de fait, à un dépassement de la Constitution.
C'est dans ce cadre qu'il faut inscrire le discours du 28 mai du général Gaïd Salah.
Il n'y a maintenant plus que deux voies possibles : soit la prise de pouvoir directe par l'armée envers et contre tous, soit l'ouverture d'un dialogue avec la classe politique pour organiser une transition politique.
Si le pouvoir, à travers le chef d'état-major, n'a plus de choix politiques sinon de céder sur l'essentiel, il reste que, conformément aux traditions du pays, il a besoin de garder la face.
C'est ainsi que l'utilisation des termes «transition» et «négociation» est rejetée dans la forme, alors que dans le réel, c'est bien de cela dont il s'agit.
L'armée, dont le rôle est nécessaire dans l'accompagnement du changement de régime, pose tout de même certaines balises : la période «hors Constitution» doit être courte et devra aboutir à une élection présidentielle. Ensuite, c'est au Président légitimement élu d'engager les grandes réformes institutionnelles.
L'opposition, quant à elle, est dans une position délicate. Prise en étau entre la radicalité et l'impatience des uns et la puissance d'action du pouvoir, elle doit trouver le juste milieu pour faire aboutir les revendications du hirak tout en donnant à l'armée les assurances que le pays ne rentrera pas dans une phase de désordre.
L'opposition doit rester fidèle au hirak en aidant le régime à s'en aller.
Une erreur de positionnement ou une méprise sur les intentions des uns et des autres ou sur les rapports de force peuvent pousser l'état-major vers des décisions extrêmes qui seront à l'évidence préjudiciables pour tous.
Dans les moments de crise profonde, la sagesse doit primer sur les intérêts partisans.


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