«Le culte du souvenir est la condition de survie de l’âme d’un peuple» Marcel Proust
Qui de l’Algérois ou du Casbaoui n’a pas souvenance du célèbre Café des sports, dans la Basse Casbah, au numéro 23 de l’ex- rue Bruce, actuellement Hadj Omar.
Un vieux quartier populaire, essaimé de lieux de vestiges du patrimoine ancestral à l’évocation de l’historique mosquée Ketchaoua dans sa légende civilisationnelle des 17e et 18e siècles, transformée lors de l’invasion coloniale de 1830 en cathédrale et reconquise à la libération de la patrie, vaillamment arrachée par le peuple algérien un mardi 3 juillet 1962.
C’est dans ce prolongement de repères mémoriels à la vue des somptueux palais de Dar Aziza, de Hassan et Ahmed Pacha et de Dar El Cadi des 17e et 18e siècles, que se trouve ce fabuleux Café des sports, qui incarne un véritable symbole de résistance contre l’occupant colonialiste français.
L’empreinte indélébile de cette époque charnière de l’histoire est toujours présente en survivant aux avanies du temps et de l’oubli à travers sa belle et majestueuse fresque en mosaïque picturale.
La Casbah d’Alger : Une trame du patrimoine mémoriel et du souvenir
Une fresque de raffinement de créativité artistique d’éclat, réalisée sur de la céramique miniaturisée, dans un décor évocateur d’algérianité esthétiquement illustré par des effigies de sportifs dans des disciplines en vogue lors des années trente, particulièrement le football, sport roi, la boxe, la natation et le cyclisme.
Ce chef-d’œuvre en mouvement, intelligemment imaginatif, constitue le reluisant ornement de l’entrée principale du Café des sports à travers une symbolique messagère de nationalisme en opposition de compétitivité sportive liée à la lutte idéologique d’indépendance contre les équipes françaises adverses, tels le GSA (Galia Sport Algérois), l’OHD (Olympique d’Hussein Dey), l’ASSE (Association Sportive de Saint Eugène).
Le Café des Sports et sa légende de notoriété avec des célébrités de renom mondial, Omar Kouidri, Omar Le Noir et tant d’autres
D’abord par le football, pour avoir été le premier siège social de l’Union Sportive Musulmane d’Alger, USMA, dès sa création en 1937, pour devenir, par cette vocation, un cercle de rencontres de l’élite sportive algérienne, à l’image de Omar le Noir, boxeur de renom, champion de France et dont le manager de la consécration fut le talentueux technicien en pugilat le regretté Tahar Bellemou, président du Boxing Club d’Alger et qui est également le père de Boualem Bellemou, natif de l’ex-rampe Valée, actuellement rampe Louni Arezki, un mélomane instrumentiste surdoué en musique.
Tahar BELLEMOU et Boualem BELLEMOU, l’ex-rampe Vallée et Amar Ezzahi
Par un concours exceptionnel de circonstances de la destinée, celui-ci a aussi été la source première et précurseuse de l’avènement du célèbre Amar Ezzahi, son voisin et ami d’enfance, devenu plus tard une révélation de virtuosité de légende de la chanson populaire du renouveau.
La genèse de ce parcours a été évoquée et développée par votre serviteur en proche témoin de cette phase d’ascension créative de génie à travers des contributions thématiques évocatrices sur la presse et lors d’émissions radiophoniques et télévisées sur lesquelles nous reviendrons.
Des athlètes, gymnastes, coureurs, cyclistes se retrouvaient en ce Café des sports, tel le célèbre boxeur, Omar Kouidri, devenu une véritable icône populaire, avec son historique combat contre une vedette de notoriété mondiale, Marcel Cerdan, lors du championnat de boxe de France en 1938, à Casablanca, à qui il a donné des sueurs froides par une inoubliable leçon de professionnalisme d’art, d’engagement et de ténacité à l’issue d’une âpre prestation, où il s’est fougueusement incliné de justesse aux points, au 12e round, ceci devant l’admiration d’un public enthousiaste séduit par son élégance pugilistique et la reconnaissance sportive de son adversaire, qui était «un géant du ring», adulé par des foules de supporters à cette époque.
Ce Café des sports a également été un relais organique de militantisme, car fréquenté par des pionniers du mouvement national, à l’image de Sid Ali Abdelhamid, un membre du bureau politique du PPA/MTLD des années 40, âgé aujourd’hui de 98 ans, à qui nous souhaitons longue vie.
Avec une prodigieuse mémoire, celui-ci a aimablement reconstitué, à la demande de l’auteur de ces lignes, un pan d’histoire de ce café, illustré par cette émouvante photographie ci-dessus de l’année 1946, où il a identifié parmi l’assistance ses compagnons et amis au souvenir de Amrani Abdelkader, cousin de Saïd Amrani, membre dirigeant du PPA/MTLD et Ali Zaïd, le premier président de l’USMA, et tant d’autres, hélas aujourd’hui tous disparus.
A ce propos et pour évoquer en la circonstance l’œuvre littéraire intitulée
Au Café, du monumental Mohamed DIB, les cafés populaires ont sociologiquement constitué des espaces privilégiés de rencontres et d’échanges en structures mobiles d’organisation et d’activités militantes depuis l’avènement de la glorieuse Etoile nord-africaine en 1926, jusqu’à la guerre d’indépendance.
Par ailleurs, le Café des sports a aussi été un vivier d’épanouissement culturel qui rassemblait les érudits, poètes et chanteurs, où les figures emblématiques du patrimoine lyrique et musical de la chanson chaâbie : Hadj M’hamed El Anka, Hadj M’rizek et d’autres interprètes en symbiose artistique de résistance contre la stratégie coloniale de déculturation ont animé d’inoubliables soirées ramadhanesques dont le souvenir qui a fait date est générationnellement perpétué à ce jour.
Ceci, dans un contexte de lutte perpétuelle contre l’occupant colonialiste en une rivalité implacable avec les formations françaises pluridisciplinaires de football, boxe, natation, athlétisme et autres, où l’étendard représentatif d’algérianité était incarné par les prestigieux clubs du MCA (Mouloudia Club Algérois 1921), de l’USMA (Union Sportive Musulmane Algéroise1937), de l’USMB (Union Sportive Musulmane de Blida 1932) de l’OMSE (Olympique Musulmane de Saint Eugène 1944) ainsi que des noms héroïques à l’évocation du gymnaste de talent le Chahid Ahmed Ghermoul et des boxeurs de renom mondial, Omar Kouidri, Chérif Hamia, pour ne citer que ceux-là.
De cette féconde tranche d’histoire du Café des sports, hélas entièrement démoli aujourd’hui, il ne subsiste que cette merveilleuse fresque picturale miraculeusement en parfait état, d’où émane encore l’âme de l’épopée du lieu.
Un patrimoine historique et culturel majeur de citadinité à sauvegarder pour une réappropriation citoyenne de fragments précieux de la mémoire collective de La Casbah d’Alger à transmettre par devoir en legs en direction de la jeunesse et des générations montantes.
Mission de longue haleine, salutaire et motivante orientée vers une perspective laborieuse pour laquelle contribue inlassablement notre association, dont la vocation essentielle demeure la pérennisation des valeurs d’algérianité de la société, à travers l’épanouissement et le rayonnement de son patrimoine culturel matériel et immatériel.
Pour une culture patrimoniale citoyenne dès l’école
La communauté éducative et universitaire demeure à ce propos le levain d’éveil privilégié pour la préservation et la réappropriation générationnelle de ce patrimoine par son enseignement dès l’école aux paliers cycliques secondaires et supérieurs.
Dans ce contexte, une approche pédagogique encadrée a été précédemment initiée avec les élèves du lycée Frantz Fanon de Bab El Oued qui, lors d’une visite des vestiges à la Citadelle de Bab Jdid ont révélé leurs aspirations par une véritable démonstration d’attachement au patrimoine, avec une avidité de connaissances qu’ils ne cessaient d’exprimer aux spécialistes de la filière, ravis par l’intérêt suscité auprès de cette frange studieuse de juvénilité.
Une application fondamentale de savoir scientifiquement et culturellement requise pour l’Algérie qui est un gigantesque musée à ciel ouvert dans son incommensurable étendue géographique chargée d’une très dense histoire d’immensité universelle.
Celle-ci est matérialisée en repères culminants avec ses vestiges marqueurs d’existence de 2,4 millions années sur le site de Boucherit, près de Sétif, qui ont ainsi hissé l’Algérie au prestigieux classement paléontologique de berceau de l’humanité au rang mondial de 2e pays après la doyenne, Gona, et ses 2,6 millions d’années, en Ethiopie.
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Posté Le : 20/05/2019
Posté par : patrimoinealgerie
Source : EL WATAN