Algérie

Contre la dépossession de l'Histoire



Elles sont attendues depuis un certain moment. L'homme a choisi la symbolique date du 20 août pour publier le premier tome de ses Mémoires. Enfant de l'indépendance, Saïd Sadi remonte aux années 40 pour écrire La guerre comme berceau 1947-1967. Le postulat de départ du fondateur du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) est de "lutter contre le déni de nos réalités historiques et sociologiques", écrit-il dans la préface. "Anciennes ou contemporaines, les vérités furent interdites à la jeunesse d'après-guerre, celle à laquelle j'appartiens.Coupés des sources d'information autonomes et crédibles, nous avons dû nous battre pendant de longues années avant d'accéder aux pans les plus éclairants de nos luttes et construire un projet alternatif qui a connu son apogée en avril 1980." Au lendemain de l'Indépendance, l'Algérie nouvelle laisse sur le bascôté quelques-uns de ses enfants. Le souvenir chez Sadi est encore intact. "Dès 1963, la répression de l'insurrection du FFS plongea pendant deux ans la Kabylie dans les épreuves qui n'étaient pas sans rappeler celles que nous fit subir l'armée française." Sur vingt chapitres, égrenant son parcours de jeunesse (épreuves familiales, éveil d'une conscience politique, engagement militant) d'avant-guerre et pendant la guerre, Sadi passe d'intime au tragique, avec force détails.
Son père, Amar, fut le premier à faire les frais de son engagement. Sadi se rappelle "la première soirée passée sans lui". "Plus tard, nous apprîmes qu'il avait été privé de nourriture et sévèrement interrogé (...) Il nous avait dit avoir eu très peur. Après les séances d'électricité et de baignoire, les militaires français enfermaient les prisonniers déjà affaiblis des les cuves à vin où ils les laissaient pendant plusieurs jours." À l'école, l'enfant subit ce qu'il appelle une "schizophrénie", dans la mesure où "nous absorbions, dit-il, le maximum de connaissances tout en nous braquant systématiquement contre l'autorité qui les dispensait".
Puis, au lancement de la grève des études en 1956, les écoliers du village se rendaient à la mosquée pour apprendre le Coran. "Nous récitions à tour de rôle, puis ensemble les versets que nous avions transcrits la semaine précédente sur nos tablettes en bois (...) Come nous ne parlions pas arabe, nous recourions à des moyens mnémotechniques pour retenir nos textes." Ces Mémoires sont aussi accompagnés de nombreuses photos de son village natal d'Aghribs, des fragments de textes enseignés à l'école du village, "sélectionnés chaque jour après un vote des élèves", des cahiers de cours et des photos de classe. Tant d'anecdotes, de réflexions et de constats délivrés dans ces Mémoires écrits avec force détails et une narration mettant en valeur toute une vie d'engagement.
Yasmine Azzouz
Saïd Sadi, Mémoires, La guerre comme berceau 1947-1967. (Tome I), éditions Frantz-Fanon, 399 pages, 1 200 DA. Dans les librairies à partir du 20 août 2020.


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