Algérie

Contre l'oubli et la marginalisation


Ras-le-bol n Vingt-trois ans après les événements d'octobre 1988, la mémoire collective n'a pas oublié les journées sanglantes qui ont fait plus de 500 morts.
Vingt-trois ans après, que reste-t-il de cette «révolution» qui était le premier pas vers la démocratie qu'on continue à vouloir étouffer ' Rien, c'est le black-out qui entoure encore cette terrible manifestation qui s'est transformée en cauchemar pour beaucoup d'Algériens, mais les blessures restent indélébiles. «Elles le resteront tant la vérité demeure cachée», nous dit Nacer B., une victime des événements qui traîne à ce jour des blessures sur une bonne partie de son corps. Pour les familles des 500 victimes fauchées par les balles pendant les émeutes, la plaie reste ouverte. Seules les familles des victimes, quelques associations et des fervents démocrates évoquent encore cet événement historique qui a ouvert le pays au multipartisme, et donné naissance à la presse indépendante et aux libertés individuelles. Mais que reste-t-il de ses acquis ' «Pas grand-chose du fait de l'absence sur le terrain des partis d'opposition qui sont réduits à leur plus simple expression. Plongés dans un sommeil inquiétant, leur réveil ne dure que le temps d'une campagne électorale», ajoute le père de Nacer, un ancien militant de l'ex-parti unique. Quant à la presse indépendante, mis à part quelques titres, «elle est tributaire du bon-vouloir des opérateurs économiques qui lui accordent quelques subsides en publicité», nous dit Rachid, une victime des événements d'octobre, actuellement chargé de communication au niveau d'un important organisme public.
Cependant, même si l'Algérie s'est ouverte à l'investissement étranger, elle offre l'image d'un pays encore plus malade. Les médications qu'on a soi-disant tenté de prodiguer à la situation explosive des Algériens au lendemain d'un certain 5 octobre 1988, n'ont pas eu les effets escomptés. «C'est le désenchantement général. Le pays est encore sous l'emprise des problèmes objectifs et subjectifs qui le tiennent en tenailles depuis des décennies», explique Abdelkader Bouzina, un économiste rompu aux rouages économiques. Selon notre interlocuteur, «le pari démocratique s'est transformé dramatiquement en une grande supercherie où il n'y a de place que pour la figuration, la gabegie et la prédation économique. Quant à la situation sociale, elle n'a guère évolué depuis», conclut-il.
En effet, même s'il y a eu de nouveaux riches, la pauvreté est omniprésente, elle a même gagné des ménages qu'on croyait à l'abri du besoin. «La paupérisation accélérée depuis les événements du 5 octobre 1988, touche de larges pans de la société, a balayé les dernières valeurs et effacé les derniers repères jusqu'à conduire une part non négligeable de la jeunesse, intellectuelle ou sans qualification, à l'exil. Voilà comment les tenants du système actuel ont répondu à une jeunesse avide de bien être», rétorque Mouloud Naceri, une autre victime des événements d'octobre 88. Ce n'est pas le cas de ce patron d'un salon de thé au centre d'Alger qui est venu se joindre à la discussion. «Les jeunes de l'époque, qui ont investi la rue et dont beaucoup ont, hélas, payé de leur vie le cri de révolte contre la misère et la ''hogra'', étaient-ils manipulés ' Ont-ils réellement manifesté l'expression émouvante d'un rêve de liberté et de démocratie '», nous interroge-t-il. Vingt-trois ans plus tard, les questions sont toujours pendantes. Les jeunes d'aujourd'hui qui font toujours face au chômage, semblent épouser une autre forme d'expression. Leur détresse les pousse à un exil périlleux. Les candidats à cet exil sont d'ailleurs appelés «harragas».
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