Algérie - Contes et légendes d'Algérie

Contes populaires pour enfants : Un indéniable impact pédagogique



Contes populaires pour enfants : Un indéniable impact pédagogique
Parmi les multiples genres qui relèvent de la tradition orale en Algérie, les adultes constatent que ce sont surtout les contes qui plaisent aux enfants. Quelle place occupaient-ils dans la culture de l’enfant avant que le livre n’y fasse son entrée ?



Et bien, les contes étaient racontés surtout dans le cadre des veillées familiales. A l’origine, ils représentent une culture d’adultes, mais rien n’empêche que des adultes s’en soient servis dans une visée pédagogique. On peut, entre autres, mentionner «Baba Salem», «Bou Saâdia», «Djeha», «Al Alghaz», etc. Cependant, il ne s’agit pas là de contes inventés dans une visée éducative, mais simplement de contes du répertoire utilisés pour leur possible dimension «d’avertissement» et de «dissuasion». En voici quelques-uns ci-après qui peuvent nous édifier sur la puissance de l’indéniable impact pédagogique qu’ils ont sur l’esprit de l’enfant :



Conte de Kabylie sur le jeune homme-serpent



Il était une fois une jeune femme qui n'avait pas d'enfant. Un jour, à la fontaine, elle formula le désir d'avoir au moins un enfant, ne serait-ce qu'un serpent... Comme dans beaucoup de contes, ce vœu fut exaucé. Elle eut un beau garçon. C'était un beau jeune homme certes, mais qui, à l'intérieur de la maison, se transformait en serpent. Et tout le village se moquait de lui... Quand il fallut le marier, ses parents cherchèrent loin, très loin, des jeunes filles qui ne connaissaient pas l’histoire extraordinaire du jeune homme-serpent. Un jour, la plus belle des jeunes filles à marier se penchant sur la fontaine entendit une voix – celle d’une fée ou d’une sorcière ?- qui lui dit que «la jeune fille qui prononcerait au jeune homme-serpent une phrase magique quand il deviendrait serpent, pourrait rompre l’enchantement»... La belle fut fiancée puis mariée. Et, le soir, dans la chambre nuptiale, une fois encore le jeune homme se transforma en serpent. Elle prononça alors la phrase magique : «Oh toi, avec qui je dois partager mon destin, ton père est plus grand que nous deux, et moi je serai toujours ton obligée.» Alors disparut à jamais à ses yeux le serpent et le jeune homme retrouva une forme humaine... Il est à peine nécessaire de dire qu’ils eurent beaucoup d’enfants... (d’après Wassila Tamzali, in «Abzim, Parures et bijoux des femmes d’Algérie», Entreprise Algérienne de Presse, Alger; Dessain et Tolra, Paris 1984).



Le chacal et le hérisson



Un chacal et un hérisson se rencontrèrent. Le premier dit à l’autre : «Combien as-tu de ruses ?

- La moitié d’une. Et toi, combien en as-tu ?

- Cent ruses et demie !»

Ils coururent toute la journée et, au milieu de la nuit, arrivèrent dans un douar. Ils s’introduisirent dans un silo plein de grains et mangèrent jusqu’à ce qu’ils furent rassasiés. Le hérisson dit alors au chacal :

«Sortons du silo. Je vais monter sur ta tête pour regarder dehors s’il ne vient personne.»

Le hérisson monta sur la tête du chacal, descendit sur le sol et, une fois à l’extérieur du silo, dit à son compagnon :

«Tu vois, je n’ai que la moitié d’une ruse et pourtant, je m’en suis sorti. Toi qui en as cent et demie, tu es pourtant resté au fond du silo.» (Conte de l’Ouarsenis)



Le chacal et le coq



Un jour, un chacal arriva dans une ferme et se mit à poursuivre la basse-cour. Un coq qui en faisait partie se réfugia sur un arbre. L’apercevant dans cette posture, le chacal lui dit :

«- C’est l’heure de la prière. N’es-tu pas mon frère ? Viens prier avec moi !»

Le coq répliqua :

«Comment pourrais-tu prier ? Attends au moins que vienne l’imam !

Le chacal : «Qui est l’imam ?

-Il arrive, c’est un lévrier.

-Alors priez sans moi, mon ablution n’est plus valable !

-Nous t’attendrons !

-Non non, priez sans moi, on ne trouve de l’eau qu’à deux ou trois jours d’ici !» (Conte de la région d’Ouargla)



Djeha et ses belles babouches neuves



Un jour, Djeha se rendit à la mosquée pour faire sa prière du vendredi.

Il quitta ses belles babouches neuves, fit ses ablutions et pria. Quand il eut fini, il constata avec consternation la disparition de ses belles babouches neuves. Furieux, il s'adressa aux personnes présentes et leur dit :

«- Si demain je ne retrouve pas mes babouches, je ferais ce que mon grand-père, dont vous connaissez la légendaire méchanceté, fit en pareille circonstance dans un autre endroit. Je vous aurais averti.» Sur ce, il s'en fut.

Le lendemain, les gens du village vinrent, craintifs, pour lui annoncer la bonne nouvelle : «-Djeha, on a retrouvé tes babouches. Cependant nous sommes très curieux de savoir ce que ton grand-père fit.»

Djeha chaussa ses belles babouches neuves et leur répondit : - «Il en racheta des nouvelles. Moralité : voleurs de babouches, prenez garde au «grand-père» de Djeha !



Le conteur aveugle de La Casbah



Le conteur aveugle, qui fut autrefois un bon artisan et offrait aux regards un faciès maigre, intelligent, puise donc le plus souvent ses ressources dans le Coran et quelques légendes islamiques. Il arrive cependant que, stimulé par la chaleur ou tracassé par quelque démon visible, (...) il éprouvait le besoin de rajeunir les figures de son jeu, d’y mêler d’autres personnages du folklore. Cela peut advenir s’il sent son auditoire un peu las des sempiternelles historiettes, s’il s’aperçoit, au déplacement de l’air, qu’un spectateur quitte la place avant la fin du récit, ou si quelque jeune homme se permet de lui poser des questions par trop insidieuses et tendant surtout à ramener le débat sur des problèmes directement inspirés d’une époque plus contemporaine.

L’aventure du beau chanteur algérois et de la malheureuse chanteuse tunisienne brûlée vive par un amant jaloux l’arrosant de pétrole pendant son sommeil... La façon dont le cafetier de la rue de la Girafe découvrit que son serviteur le volait et comment il trouva une bonne ruse pour le surprendre...

Non seulement le conteur parlait mais il sifflait, hurlait, imitait le crissement des sauterelles, le bruit du moteur d’avion, le sursaut de l’épouse surprise en flagrant délit, le voleur saisi, le hoquet de l’ivrogne, le bruit de houle de la mer, les soupirs d’agonie des hommes murés à fond de cale, puis encore il faisait des gestes, mimait des coquetteries, des révoltes, des abandons. Ce n’était pas seulement un récit mais un spectacle. Il paraissait nombreux à lui seul, infiniment variable, protéiforme enfin. De temps à autre, il est vrai, pour reprendre le souffle, pour se reposer, il invoquait Dieu, obligeait l’assistance à faire de même...

Et, n’ayant cessé de se balancer d’arrière en avant, d’avant en arrière, il ajoutait un nouveau trait à sa merveilleuse arabesque ... (Lucienne Favre, «Tout l’inconnu de La Casbah», Alger1933)

Ainsi, est-il couramment tenu aujourd’hui pour évident que «les contes, c’est pour les enfants». En sélectionnant des contes et en les publiant sous forme de livres à l’intention des enfants, les éditeurs nationaux confortent cette opinion et en donnent une «confirmation» tangible.

Kamel Bouslama


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