Algérie

Contes : Lorsque génie et folie se confondent



Un conteur n'est pas un artiste itinérant où l'entendent les gens. Il participe à  l'élaboration de l'histoire de son temps et de son pays, de la famille et de la société qui l'on  modèle sans parvenir à  le corrompre, des injustices et des bonheurs de ses contemporains. Il se doit sans doute plus encore d'être vivant parmi les vivants. Seuls des enfants peuvent encore se demander si ses contes sont utiles. Dans la riche période lyrique ou le conteur se confondait avec le Goual, il eut cette réplique du grand maître Souffi maghrebin Abderrahmane El Medjdoub, dont le nom tient de l'errance et la méditation qui ont fait de lui le prédicateur de la société maghrébine toute entière.»L'art de narrer les problèmes de la société a pour devoir de donner une issue aux angoisses,  disait t-il. Le «Medh» serait donc, une poésie lyrique par lequel les chameliers rythmaient le déhanchement des caravanes pour animer les soirées étoilées autour d'un gîte d'étape. » A ces chants de chameliers, nous dit Sidi Abderrahmane, même les chameaux sont sensibles au point qu'en les entendant ils oublient le poids de leurs charges et la longueur du voyage et qu'ainsi excités étendent leurs cous n'ayant plus d'oreilles que pour le «meddah». Ils sont capables de se tuer à  force de courir ». Or nous dit toujours Cheikh Abderrahamane, en s'appuyant sur louanges de Sidi Hadi Berak Ledjmal (dresseur de chameaux),ces chants de «meddah» ne sont rien d'autre que des poèmes pourvus de dialogue et monologues. En effet,  cette poésie populaire qu'est le «medh» est aussi un art musical, plus précisément une mélodie, cette émotion musicale qui aboutit à  l'extase. Cette culture populaire revêt une immense richesse, bien qu'elle fût surtout transmise oralement pour enrichir la connaissance de ce patrimoine poético-musical qu'est la narration. Son origine est un conte mélodique issu d'une culture authentiquement bédouin qui remonte au XXIe siècle, et emprunte modes au «melhoun», sous une forme littéraire profane en contradiction avec la structure classique de la(Qasida). Il est un imposant corpus de poèmes et de chants véhiculés par une double tradition orale et manuscrite, représentant un art plus élaboré des formes de versification en arabe dialectal. Les exodes de populations ont eu toujours de grands impacts sur la vie culturelle des sociétés et notamment sur leur production musicale. Ces impacts peuvent aussi revêtir la forme d'une mutation linguistique. On peut puiser de multiples exemples dans l'histoire socioculturelle du Maghreb. La venue des tribus hilaliennes en Afrique du Nord sous les Almohades a eu pour conséquence de féconder le «medh», cela avait donné naissance à  la poésie chantée dite «Chi'r al-Malhoun» laquelle devait sceller la communion arabo-berbère. Quand vint le moment de conquérir l'Andalousie, un grand mixage se produit alors dans cette rencontre entre trois cultures, l'ibérique, l'amazighe et l'arabe qui finit par accoucher de la musique andalouse. De même, l'afflux des Noirs de l'Afrique subsaharienne a introduit le gnawi alors que tout près de nous, plus exactement au 19e siècle, l'exode vers la Casbah d'Alger a eu pour effet de faire éclore la musique châabie. Mais tous ces genres musicaux s'appuient sur un substrat commun ou du moins entretiennent avec lui des liens étroits. Ce substrat c'est le «Medh» étymologiquement «mélodique» qualificatif qui s'applique au «Â poème ». Déclamées en arabe dialectal et en amazigh selon le principe de l'art poétique, les qacidates (poèmes) sont devenues avec le temps une sorte de koinè musicale maghrébine. Cette koinè se déploie sous formes diverses. Malhoun et châabi en Algérie, Malouf en Tunisie et «Â qacida du ghazal » au Maroc. 


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