«Je ne souhaite pas, en vous rencontrant, cautionner par ma présence la
démarche retenue dans le cadre de vos consultations, démarche que je considère
inappropriée face à l'enjeu éminemment politique de la crise.»
Les propos sont de Mokdad Sifi,
cet ancien ministre de l'Equipement dans les années 80, devenu chef du
gouvernement au milieu de la décennie 90, c'est-à-dire dans les plus dures
années que l'Algérie post indépendante n'ait jamais connues. » Il a été donc
nommé chef du gouvernement par le président de la République d'alors, Liamine
Zeroual, le 11 avril 1994 et le restera jusqu'à au 31 décembre 1995. Une période
où il a été chargé essentiellement de préparer l'élection présidentielle par
laquelle Zeroual a été réélu massivement au nom de la paix. KZeroual
le nomme, par la suite, ministre d'Etat auprès de la présidence de la République. Et à la
faveur des élections de juin 1997, il devient vice-président de l'APN au nom du RND que présidait Tahar Benbeïbiche.
RND sur lequel Mohamed Betchine, le conseiller du
président Zeroual à l'époque, régnait en maître absolu. Sifi
et quelques-uns de ses compagnons militants aussi du RND, à l'exemple de Nourredine Bahbouh, l'ancien
ministre de l'Agriculture, constitueront, quelque temps plus tard, un front au
sein du parti et seront cette opposition au système qu'il fallait chasser à
tout prix. Et c'est ce qui a été fait. Mais ceci est une autre histoire de
pouvoir…
Invité par la
Commission nationale chargée des consultations politiques
depuis le 21 mai dernier, Sifi s'est abstenu de
monter à la présidence de la République mais a tenu à faire parvenir son avis
«à qui de droit» par sa remise hier d'une lettre de cinq pages.» Tout en
expliquant le choix de sa démarche, l'ancien chef du gouvernement constate que
«le pouvoir n'a pas su tirer les leçons de la tragédie des années 90 qui a été
le résultat de la faillite des gouvernants et de leur politique de hogra.» Il pense à cet effet que «la leçon principale de
ces années est que sans la mobilisation du peuple, l'Algérie n'aurait pas pu se
relever.» Mobilisation qui rappelle-t-il « n'a été possible que parce que le
peuple, en 1995, a
eu confiance en ses gouvernants.»
Pour l'histoire, «et pour que nul
n'oublie», l'ancien chef du gouvernement a tenu à joindre, en annexe à sa
lettre, le discours qu'il avait adressé dit-il «au nom des pouvoirs publics, à
la population de Aïn Defla,
le 31 octobre 1995, il y a 16 ans et diffusé, le soir même par la télévision
nationale.» Il a jugé d'ailleurs même nécessaire d'en choisir des passages et
de les inclure dans sa lettre qu'il a remise à la commission Bensalah. «Je sais les souffrances de la population de Aïn Defla qui n'a pas bénéficié
suffisamment d'actions de développement et qui après avoir enduré les affres du
colonialisme, a continué bien longtemps après l'indépendance, à être oubliée
des décideurs centraux,» avait déclaré le chef du gouvernement qu'il était à
cette époque où la vie se négociait quotidiennement. «C'est parce que les
gouvernants ont failli que le sous- développement économique, la misère sociale
et le sentiment de la hogra ont favorisé l'émergence
de la violence et de l'extrémisme,» avait-il dit encore. Il estime -et toujours
par un extrait tiré de son discours- que «c'est une leçon terrible que
l'Algérie paie dans le sang de ses enfants et les larmes des veuves et des
orphelins. C'est une leçon que nul Algérien, à quelque niveau que ce soit, ne
doit oublier, une leçon qui dit que : quand on sème la hogra,
on récolte la défiance. »
Malheureusement dit-il alors « cette confiance a été trahie et
aujourd'hui le peuple est complètement coupé de ses gouvernants.» De cet état
de fait, Sifi conclut que « l'initiative de ces
consultations n'a aucune utilité et écrit-il, en reprenant l'objet de
l'invitation qui lui a été adressée, -les réformes politiques cruciales et
déterminantes pour l'avenir de notre pays- ne peuvent explique-t-il «en aucun
cas être le produit de réaménagements de textes de loi qui n'auront aucun
impact sur la mal gouvernance du pays par le pouvoir actuel.»
Pour Sifi
«la crise que nous vivons est due précisément au viol de la Constitution et des
lois par les gouvernants et ce sont les gouvernants qui doivent être changés.»
Il estime qu' «en réduisant la solution de cette crise majeure à de simples
réformes juridiques, le pouvoir algérien, par cécité politique et culturelle, incompétence
et léthargie, n'a pas saisi la véritable nature ainsi que la portée de la
révolte des peuples arabes. » L'ancien chef du gouvernement souligne que «nous
vivons un moment historique où de graves responsabilités historiques doivent
être assumées par nos gouvernants et par chacun de nous. » Seulement «la
démarche retenue dans le cadre de vos consultations est susceptible, par ses
atermoiements et temporisations, d'exacerber et de précipiter un dénouement
violent de la crise, dénouement que nous voudrions tous éviter à notre nation
et à notre peuple.»
L'ex chef du gouvernement résume
clairement et précisément sa vision pour un règlement de la crise qu'il évoque
dans sa lettre. Il pense alors qu' «il importe au plus tôt d'instaurer une
période de transition conduite par un gouvernement de transition représentatif,
adossé à un Conseil de sages chargé d'amender la Constitution, d'organiser
des élections présidentielles et législatives et de veiller à libérer
immédiatement le champ politique et le champ médiatique de toute entrave.» Mokdad Sifi demande en parallèle
que «l'Armée nationale populaire devra s'engager à accompagner ce processus et
à Å“uvrer à son succès.»
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Posté Le : 02/06/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ghania Oukazi
Source : www.lequotidien-oran.com