Une nouvelle constitution est en vue. Mais le mystère demeure: quelle
constitution, pour quels objectifs ?
Après une honnête carrière de diplomate, ponctuée par un poste
d'ambassadeur en Arabie Saoudite, M. Mohamed Saïd ne voulait pas prendre sa retraite.
Proche de l'ancien ministre des Affaires étrangères Ahmed Taleb Ibrahimi, il a décidé de l'accompagner dans l'aventure des
élections présidentielles avortées de 1999. Dans la foulée, il était devenu la
cheville ouvrière du parti Wafa, que M. Ibrahimi voulait lancer.
Face au refus délibéré du ministère de l'Intérieur d'agréer son parti, M.
Ibrahimi a sagement décidé de se retirer pour écrire
ses mémoires. Mais M. Mohamed Saïd ne voulait pas en rester là. Il a décidé de
créer une autre formation politique, le PLJ (Parti de la liberté et de la
justice). Et là, encore nouveau refus. Mais qu'importe. Il se porte candidat
aux présidentielles de 2009, avec la vague promesse de voir son parti agréé
s'il contribue à donner un peu de crédibilité à l'élection. Mais au bout du
compte, c'est la déception: son parti n'est toujours pas agréé.
Et puis, nouvelle surprise. En ce
mois de mai 2011, M.
Mohamed Saïd est la première «personnalité» à être reçue dans le cadre du
nouveau dialogue engagé par le président Abdelaziz Bouteflika.
Au centre du dialogue, figurent une nouvelle constitution ainsi qu'une nouvelle
loi sur les partis. Mais que peut dire M. Mohamed Saïd à la commission du
dialogue à ce sujet? Que peut-il proposer à un pouvoir qui a refusé de lui
reconnaître le droit de créer un parti ? Et si la loi sur les partis est
amendée, qui garantit à M. Mohamed Saïd que demain le ministère de l'Intérieur
acceptera d'agréer son parti ?
Cette duplicité de la part de M. Mohamed
Saïd n'a d'égale que l'arrogance d'un pouvoir qui se place résolument au-dessus
des lois, et qui estime qu'il n'a pas à justifier ses décisions. Les ministres
de l'Intérieur qui se sont succédé depuis l'avènement de M. Abdelaziz Bouteflika n'ont jamais jugé nécessaire de justifier leur
refus d'agréer des nouveaux partis. Ils se sont contentés de déclarations plus
proches du mépris que de l'argumentaire juridique.
Toute l'ambiguïté de la crise
algérienne est là, dans cette relation équivoque entre un pouvoir qui
fonctionne à côté de la loi, et des «opposants», du moins une partie d'entre
eux, dont l'attitude semble conforter cet état de fait, quand ils acceptent de
faire le jeu d'un pouvoir qui les méprise et auquel ils donnent pourtant ce
minimum de crédibilité qui le fait vivre. Cette relation douteuse entre pouvoir
et opposition a fini par donner une vision folklorique de la vie politique, et tiré vers le bas la perception qu'ont les Algériens de leurs
dirigeants.
Parler de débat politique dans ces
conditions devient, disons, utopique, pour rester dans les limites de ce
qu'accepte Le Quotidien d'Oran. Et le dialogue engagé cette semaine le confirme
parfaitement. On parle de 250 partis et personnalités qui devraient être reçues,
dans une interminable procession où chacun remettra ses propositions à la
commission du dialogue. Et dans un tel rituel, toutes les propositions se
valent. Toutes les questions méritent d'être posées. On peut aussi bien engager
un débat sur les bienfaits d'un parlement bicaméral que sur le contrôle des
partis politiques.
M. Liamine Zeroual avait changé la
constitution. Abdelaziz Bouteflika l'a fait deux fois,
et il veut aller à un troisième amendement. Abdelaziz Belkhadem,
chef du FLN, a accompagné six amendements ou changements de constitution, en 1976,
1988, 1989, 1995, 2002 et 2008. Pour quel résultat ? Toujours le même: à chaque
changement de constitution, le pouvoir en place veut un nouveau texte, et il se
sert des autres partenaires politiques pour l'imposer. Le résultat n'offre
jamais de surprise. On assiste à un plébiscite plutôt qu'à un vote.
La tradition semble s'être
définitivement imposée. Chaque président doit imposer sa constitution. A-t-il
une idée claire de ce qu'il veut, ou s'agit-il d'une opération destinée à
marquer l'histoire ? Vise-t-il réellement à changer la vie politique du pays et
les institutions ? Seule la constitution de 1989 a réellement changé la
donne politique. Toutes les autres visaient à codifier un rapport de forces
conjoncturel.
La constitution voulue par le
président Bouteflika ne semble pas encore se dessiner,
même si lui-même a affirmé sa préférence pour un régime présidentiel. Mais pour
quoi faire ? Peut-il exister un régime où il aurait plus de pouvoirs que dans
la situation actuelle de l'Algérie ? Peut-il trouver un système institutionnel
où il met au pas le parlement, le gouvernement, la justice, les citoyens, les
entreprises, la diplomatie et les partis, et où il peut interdire les partis, les
associations et les journaux qui ne lui plaisent pas ?
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Posté Le : 25/05/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abed Charef
Source : www.lequotidien-oran.com