La Chine,2e puissance économique du monde après les Etats-Unis qui envoie
aujourd'hui ses maçons, ses électriciens, ses techniciens dans tous les
domaines , une main-d'Å“uvre qualifiée pléthorique, dans différents pays
,encadrant divers chantiers :autoroutes, barrages, chemin de fer, l'immobilier,
domaine pétrolier, travaux forestiers et agricoles etc., a développé une
expérience unique dans le domaine de l'enseignement et de la formation
professionnelle.
Les méthodes d'éducation et d'instruction initiés sous le président Mao Tso¨-tong
ne sont-elles pas le résultat du développement spectaculaire que connaît
actuellement la Chine? Ce qui est sûr,c'est qu'elles ont donné le goût des
études et de la formation diversifiée dans les métiers manuels et autres aux
chinois dès leur jeune âge,les cours théoriques donnés sur les bancs des écoles
sont accompagnés de cours pratiques dans les usines,chantiers, domaines
agricoles… Ce qui fait que son essor industriel et économique sont dus à ses
propres travailleurs et ouvriers qualifiés sans apport de main-d'Å“uvre
étrangère.
Pour arriver à exporter son savoir faire, le pays a développé une méthode
d'enseigner rare en son genre. " L'usine du monde " qu'on lui
attribue aujourd'hui est la réussite des réformes éducatives lancées, il y a
maintenant des dizaines d'années. En voici quelques principales
caractéristiques de l'action pédagogique développée dans les écoles, une
expérience assurément exclusive que Michèle Loi (1) professeur de littérature
chinoise raconte dans un ouvrage intitulé " L'intelligence au pouvoir.
"(2), son esprit, ses structures, sa récente évolution.
Ce qui semble le plus important en Chine,dans le domaine de
l'enseignement et doit être dit d'abord comme un de ces miracles dont parle
Snow qui séduisent d'emblée le visiteur accoutumé à un autre monde,c'est qu'il
n'est pas un ensemble fermé,fonctionnant sur soi,sans droit de regard et
d'initiative extérieure,réservé,dans ses frontières impénétrables,à la
population d'un certain âge. Il est la partie vivante d'un tout vivant
absolument inséparable d'elle, où se poursuit la formation complète de tous les
citoyens, de leur naissance à leur mort. D'où le second miracle : les droits de
tous y sont les mêmes, jeunes ou vieux, citadins ou villageois, " Han
" ou peuples minoritaires, filles ou garçons, niveau d'aisance et de
culture des familles. Les droits y sont les mêmes non seulement dans les
principes officiellement reconnus mais bel et bien dans leur exercice même.
Former des citoyens conscients de leur rôle dans leur pays et du rôle de
leur pays dans le monde.
« Connaître son ignorance est la meilleure part de la connaissance. »
proverbe chinois.
Tous les enseignants chinois qu'on rencontre, rappellent l'idéal que se
propose d'atteindre par l'enseignement,la République Populaire de Chine :autant
que d'enfants(autant que de chinois dès que possible avec la disparition des
séquelles de l'ancienne société) former exactement autant d'hommes et de femmes
sains et solides,d'un bon niveau technique et scientifique,ouverts à toutes les
formes de la culture et actifs dans un ou plusieurs de ses domaines,des
citoyens lucides, responsables et déterminés,conscients de leur rôle dans leur
pays et du rôle de leur pays dans le monde,que nulle démagogie jamais ne pourra
plus opprimer ni séduire. Ce qui ne veut pas dire,précisent-ils,que le but soit
atteint.
Des difficultés très sérieuses demeurent,des contradictions sont mal
résolues .Mais, fondement même et condition du progrès,elles ne sont pas
niées,et c'est tout un peuple unanime qui s'attache à dénoncer les erreurs,
héritages de conservatisme, rechutes de bureaucratisme,renaissance de
privilèges et,en gros,tout ce que la révolution culturelle a attaqué et
combattu avec la vigueur que l'on sait. Avant l'école, le jardin d'enfants;
avant le jardin d'enfants,la crèche .A côté de l'école,outre la famille :le
quartier d'habitation, qui encadre et instruit le jeune comme il aide le vieux,
le malade et quiconque se trouve frappé par le malheur(il n'y a plus
d'orphelinat en Chine :l'enfant privé de parents grandit dans sa maison et son
quartier,entouré de la sollicitude de tous),l'atelier dans l'école,la ferme
dans l'école, l'usine ou la commune jumelées à l'école,le " Palais des
petits soldats rouges " de l'arrondissement qui accueille l'enfant aux
heures de loisir et lui permet la pratique régulière de son sport favori, d'un
instrument de musique ou de tout autre art,un entraînement technique
supplémentaire,une formation scientifique plus poussée dans tel ou tel domaine
de son choix.
Entre l'école et l'université, deux années plongées au sein des masses
dans la vie des travailleurs de la production, mais ponctuées des heures
d'études théoriques.
A l'université encore et après elle, le roulement des mêmes tâches de
manuels et d'intellectuels dans un enseignement continu et assidu. Et toute la
vie toutes les écoles possibles :les cours du soir,les universités pour
ouvriers,paysans et soldats, les cercles d'études du quartier,du syndicat,du
Parti,l'heure quotidienne de philosophie et de réflexion sur les grands textes,
le bain idéologique de l'art et de la littérature mis au service de tous par au
moins autant d'équipes de production et de diffusion de la culture qu'il y a de
villages ,d'usines, d'escouades, d'universités, d'écoles et même de jardins
d'enfants.
Dans une société intensément, massivement fraternelle, tout le monde
s'efforce d'être disponible pour tout le monde, où tout le monde se sent
concerné par ce qui arrive à tout le monde et se met à son service dans le
moment même qu'il en reçoit les services. " Un petit chinois égaré dans la
rue ne saurait pas davantage s'y perdre qu'un jeune homme dans la société.
"C'est bel et bien,en effet la société tout entière qui s'efforce d'être
une école comme il s'agit bien d'un effort de tous à " se rééduquer "
,pour rejeter l'esprit de suffisance et l'égoïsme,à se mettre délibérément avec
les autres,tous les autres sans exception et considérés comme des pairs,dans
des rapports réversibles d'enseignant et d'enseigné,où jamais personne ne
détient l'autorité de celui qui sait sur celui qui ne sait pas .La révolution culturelle
a achevé de briser les autorités traditionnelles :celle du cadre sur l'homme
des masses,celle de l'intellectuel sur le manuel,celle de l'homme sur la
femme,celle des parents sur les enfants,celle de l'homme des villes sur le
campagnard,celle de l'ancien sur le jeune .Elles se tiennent naturellement les
unes les autres mais,s'il y a un domaine où elles se retrouvent toutes,c'est
justement l'enseignement .
Et s'il y a un domaine où ces dernières années ont apporté des
changements spectaculaires, c'est justement là.
L'égalité des droits de tous à l'enseignement. Il arrive qu'on se demande
pourquoi la révolution culturelle a commencé dans le domaine artistique et
littéraire d'une part,de l'autre dans les écoles et les universités .Si nous
laissons le premier point de côté,on pourrait , pour répondre sur le
second,dresser la liste de tous les états de fait,statistiques à l'appui, dont
l'existence prouvait de plus en plus clairement et en premier lieu à la
jeunesse,une jeunesse née et élevée dans les principes du socialisme,que ces
principes mêmes étaient en danger .A dix-sept ans de sa victoire, la Révolution
semblait hésiter sur la nécessité de veiller âprement sur ses conquêtes.
Officiellement au service de tous,l'école et l'université en étaient
arrivées à servir surtout les enfants des familles où le niveau culturel était
déjà élevé,c'est-à-dire les enfants des cadres .Donc ce pays où les privilèges
du " lettré "avaient été la loi pendant des millénaires,on assistait
à un phénomène que la Révolution aurait dû supprimer :la renaissance de ces
privilèges,la réapparition à brève échéance,si l'on n'y prenait garde,d'une
caste de possesseurs de la connaissance et de l'autorité qui,d'ores et
déjà,transmettait ses privilèges à ses propres enfants puisque les universités
des plus grandes villes,par exemple,étaient remplies dans de très fortes
proportions par les enfants des bureaucrates du Parti,futurs bureaucrates du
Parti. Comment on en était arrivé là ?
On cite Mao : " Dans les écoles, toute activité vise à transformer
l'idéologie des élèves. "Les méthodes pédagogiques ne sont pas conçues en
Chine comme de simples moyens plus ou moins efficaces de transmettre aux
enfants des connaissances qui seraient d'ailleurs universellement justes, mais
comme la force politique d'une classe, qui décrète ce qui est juste selon son
intérêt, juste pour elle en ce qui sauvegarde sa propre survivance. Or,après
1949 la République populaire de Chine avait bien déclaré l'égalité des droits
de tous à l'enseignement,mais elle avait gardé beaucoup de la méthode et de
l'esprit de l'ancien monde féodal,quand elle n'épousait pas ,ce qui ne valait
guère mieux,le modèle soviétique plus ou moins calqué sur le modèle capitaliste
.Rien n'y manquaient les bonnes notes et les punitions,les honneurs et les
blâmes ne favorisaient pas l'apparition de nouvelles valeurs morales fondées
sur la solidarité prolétarienne et la fraternité socialiste,mais toujours et
encore le goût de la réussite personnelle,de l'accession de l'autorité,au renom
et aux privilèges matériels qu'ils confèrent. Le sous-équipement en
établissements d'enseignement de la compagne et des provinces habitées par les
minorités,la rigueur des barrières d'âge,la surcharge des programmes encombrés
de " vieilleries féodales " inutiles à la vie mais favorables à la
sélection progressive d'une aristocratie héréditaire de la culture,tout venait
contribuer à écarter des fonctions de direction les enfants des campagnes,des
travailleurs pauvres et peu instruits,des minorités.
Parallèlement à quoi se formait,au service de la "nouvelle
bourgeoisie", une idéologie correspondante,celle-là même qui a été
reproché à Lin Shaoqi et contre laquelle,les champions de la révolution
culturelle n'ont pas cessé de se battre,la théorie selon laquelle les gens
intelligents sont peu nombreux,que les études théoriques sont pour les masses
matière ésotérique et temps perdu,que la capacité de penser (et donc de
commander) est un don " naturel ",alors que Mao insiste sur le rôle
essentiel de la pratique dans l'acquisition de l'intelligence comme dans le
reste :
C'est le " bond " de la pratique à la théorie puis celui de la
théorie à la pratique qui produit dans le " creuset " de leur
rencontre l'apparition de la connaissance, le développement de l'intelligence.
Qu'on mette la théorie à la disposition des masses et l'intelligence au service
d'un monde nouveau sera l'intelligence des masses, infiniment plus puissantes
que celle d'un petit groupe de spécialistes qui, si doués qu'ils se croient,
sont limités par leur ignorance totale de la pratique.
La révolution culturelle dans l'enseignement supposait donc un certain
nombre de mesures, qui ont été prises et d'abord qu'on multiplie les
établissements d'enseignement partout où l'on avait eu plutôt tendance à les supprimer
sous divers prétextes (manque d'enseignants, préservation du niveau, priorité
de la production, obstacles géographiques, linguistiques, etc.). On a aussi,
naturellement, supprimé des programmes les choses périmées. On a refait, chacun
pour soi localement et en fonction des caractéristiques locales, des manuels
plus rationnelles (en renversant parfois des priorités pédagogiques qui
semblaient pourtant indubitables, comme savoir lire les caractères avant de les
écrire, lire et écrire avant de compter, maîtriser les secrets de l'abaque
avant le calcul écrit, etc.…
L'ex-Céleste Empire se réveille
On a gagné ainsi un temps précieux pour les familles des travailleurs,
mais on en a gagné encore davantage en changeant l'esprit des classes : lancé
passionnément dans la révolution de son école, l'enfant, considéré comme un
homme et un révolutionnaire, a cherché dans un libre échange avec ses maîtres,
ses parents et ses camarades,à apprendre plus et mieux tout en allant plus
vite. Sous l'attention générale (les chinois disent fort " la sollicitude
"), l'élève chinois ne bute guère, ne se rebute jamais. Si ses camarades
rivalisent autour de lui, ce n'est pas pour lui passer devant, mais pour l'aide
à surmonter ses difficultés. Il n'y a pas de " doués " et de "
peu de doués " mais seulement des gosses dont le milieu familial les aide
et d'autres non, l'enseignement est conçu d'abord pour ces derniers et ne fait
pas des autres de petits génies et de futurs grands seigneurs. Comme il n'y a
pas d'options, il n'y a pas dans les catégories scolaires et enfantines les
nobles et les vils. Tout le monde fait de tout : des mathématiques comme du
dessin et de la musique et, filles et garçons sans distinction dans les écoles
où la mixité est de règle, des travaux ménagers et du maniement d'armes. Tout
le monde fait aussi trois heures hebdomadaires de " politique ",
cours où l'histoire , la géographie,l'idéologie et tous les éléments divers
d'un grand problème politique sont proposés à la réflexion des enfants,pour
leur plus grand plaisir .C'est dans ces heures en particulier que
l'enseignement forme la base philosophique de ses élèves(du matérialisme
dialectique " vivant ", c'est-à-dire de la " pensée Mao "
en opposition d'une part aux deux formes d'idéalisme, métaphysique ou
dialectique, d'autre part au matérialisme figé, mécaniste , économiste, qui
paralyse le mouvement dialectique de la pensée). Les trois textes " les
plus lus " dans les petites classes, les cinq essais philosophiques dans
les grandes servent aussi à cette étude. Mais ce n'est pas en remplaçant
l'ancienne étude académique des classiques marxistes, fussent-ils les Å“uvres de
Mao, que le prolétariat ne pourra jamais assurer la relève de la cause
révolutionnaire. Il fallait donc encore autre chose que toutes ces mesures ;
rien moins que la direction idéologique et politique du prolétariat en matière
d'enseignement et c'est ce que les militants de la révolution culturelle n'ont
pas hésité à faire.
Ouvriers, paysans, soldats…tous étudiants
Au cours de l'automne 1968, les usines désignèrent des ouvriers pour
participer à la révolutionnarisation de l'enseignement. Membres du Comité
révolutionnaire de chaque école ou université, ils participèrent à la "
lutte -critique- réforme " qui changea non seulement les programmes, le
cycle des études et l'état d'esprit, mais veilla surtout à renouer des liens
étroits entre le monde des travailleurs et celui de l'enseignement.
Non seulement les élèves et les étudiants, comme c'était déjà le cas
avant la révolution culturelle, participèrent au travail productif quelques
heures par semaine et quelques mois par an, dans l'effort général pour
fusionner dans les individus mêmes les capacités manuelles et les capacités
intellectuelles, les deux catégories se mêlèrent étroitement. Tous les jeunes
diplômés de l'enseignement secondaire rejoignirent pour deux ans la production.
Comme ceux d'entre eux qui reviendraient poursuivre les études supérieures ne
le feraient pas avant deux ans, on recruta immédiatement chez les ouvriers, les
paysans et les soldats en exercice, des étudiants travailleurs à qui on demanda
l'effort d'acquérir des connaissances techniques supérieures et scientifiques.
Il y a aujourd'hui des universités spéciales pour ce genre de
travailleurs, qui puisent les intellectuels, chercheurs et cadres, parmi les
ouvriers et paysans expérimentés, mais surtout les étudiants des universités
ont tous désormais une pratique d'au moins deux ans dans la production.
Depuis que le système fonctionne ainsi, beaucoup d'entre eux, à l'appel
de Mao, se sont installés dans les régions les plus déshéritées, qu'ils ont
puissamment aidées à revivre, en y apportant leur enthousiasme et des
connaissances neuves. S'ils reviennent dans les universités, c'est de toute
façon pour en repartir, dans ce mouvement de navette qui est celui de toute la
Chine Des ouvriers et des paysans sont venus enseigner dans les écoles,des
ouvriers et des paysans ingénieurs (phénomène de moins en moins rare) dans les
universités. Les professeurs d'avant, renforcés dans leur nombre(la Chine
manque d'enseignants, surtout pour l'encadrement qu'elle désire) et dans leur
idéologie(par la participation aux écoles du 7 mai comme tous les cadres),
appliquent le principe des " trois tiers ", c'est-à-dire qu'un tiers
d'entre eux enseigne pendant qu'un autre se livre à la recherche, un troisième
travaille dans la production,en général avec les étudiants. Aucune rupture ni
entre leurs différentes activités, ni entre eux-mêmes et les travailleurs,
entre eux-mêmes et les étudiants. La critique des uns aux autres est sans
âpreté (tout le monde poursuit le même but) mais avec une liberté dont nous
n'avons guère idée.
L'oser penser, oser parler, oser agir " de la révolution culturelle
n'a pas été bel et bien un style de travail et de vie à l'échelle d'un peuple,
un peuple immense certes, où beaucoup reste à faire, mais un peuple où
désormais plus personne n'est mineur devant personne, où personne ne traite
plus personne en enfant, pas même les enfants.
C'est devenu un lien commun de dire qu'en Chine plus personne n'a faim.
Il faudrait oser dire plus souvent qu'il s'agit de bien autre chose maintenant
: la volonté unanime de réaliser un rêve qui défie les utopies les plus
audacieuses de l'humanité. Demain en Chine, un milliard 300 millions de
travailleurs, un milliard 300 millions d'intellectuels du même coup. Un
milliard 300 millions d'écrivains et d'artistes, un milliard 300 millions de
philosophes sortis de leurs bibliothèques et reconstruisant leur monde de leurs
mains.
Leur monde qui est aussi le nôtre…
-1) Traductrice de poètes chinois contemporains.
-2) Edition Maspero.
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Posté Le : 10/07/2014
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abdelhamid Benzerari
Source : www.lequotidien-oran.com