Algérie

Constructions non achevées : Le nouveau Constantine, Un exemple à ne pas suivre



Constructions non achevées : Le nouveau Constantine, Un exemple à ne pas suivre
Photo : Makine F. L'incivisme urbain continue toujours de gagner du terrain. Il suffit de sortir du centre de n'importe quelle grande ville algérienne, pour constater que le tissu urbain est gorgé de laideur et d'anarchie, et le phénomène couvre pratiquement toutes les banlieues et les alentours des villes, mais aussi des villages. Le cas de Constantine n’est pas isolé. En fait, à l’exception de quelques ruelles qui restent de la vieille ville, de certains immeubles datant de l’époque coloniale, et de quelques nouvelles cités, tout le reste fait honte. Il semble que de nos jours la vocation d’architecte n’est plus d’actualité, les plans se ressemblent, les constructions ne comprennent ni harmonie, ni feeling, pis encore, l’esthétique urbaine ne fait plus partie du vocabulaire algérien. C’est sans doute au fil des années 1990, 2000 que ce phénomène s’est aggravé le plus avec l’exode rural, le laisser-aller, la corruption et l’inhabilité technique. Si on admet que par la force des choses dans les quartiers pauvres et dans les bidonvilles, la loi est souvent bafouée car on construit généralement sans permis de construire, qu’en est-il alors des nouveaux quartiers des «riches» ' A Constantine, du moins il n’existe pas de banlieue originale et chic. C’est vrai qu’on ne construit pas de la même façon que les bidonvilles, plutôt des maisons confortables à l’intérieur, mais on réfléchit exactement de la même manière. De l’informel dans le formel, ou des bidonvilles huppés. «Tous les jours il y a infractions. Le problème des façades inachevées est devenu banal, il faut dire aussi que même les agents de la direction de l’urbanisme (DUCH) qui emploient des architectes censés faire des contrôles ont été formatés par un laisser-aller qui s’est généralisé», nous dit Mme Ben Abbès, architecte au (LAUTES) Laboratoire de l’Architecture à l’Urbanisme Technique, Espace et Société de l’Université Zarzara. Sa collègue, Mme Mghnous, considère, pour sa part, que cette dégradation est due au manque de savoir-vivre et à l’ignorance des gens. «On a le droit de construire sa maison comme on veut, mais la façade n’appartient pas à l’individu. C’est à l’architecte de décider, car c’est une propriété collective. Les gens ne se soucient guère de leur ville».   Et cette nouvelle tendance n’est apparemment pas près de  changer. Des «villas», excusez du terme, élevées sur quatre ou cinq étages, ont été bâties avec des plans architecturaux approximatifs, voire grossiers. D’ailleurs peut-on vraiment parler de villas ' Pas si sûr, car même les architectes ont du mal à attribuer une appellation exacte et formelle à ces constructions.  Dans ces pseudo villas, le ridicule et le comique ne font qu’un': beaucoup de moyens, beaucoup d’espace et pas d’idées, on improvise sa maison. Manque d’imagination ou de civisme, peut-être les deux.    Déjà les étrangers arrivant par avion, auront la désagréable surprise de découvrir à deux pas de l’aéroport Mohammed-Boudiaf sur les hauteurs de la ville, un immense plateau, celui de Ain El Bey qui abrite une population plutôt aisée, mais malheureusement qui loge dans un tas de maisons inachevées. Le décor y est déparé d’inesthétiques ornements : des étages de briques rouges à perte de vue scellés au ton gris du ciment et du béton. Rien à voir donc avec les quartiers des grandes villes européennes ou mêmes tunisiennes. Dans certains quartiers, c’est encore pire, un paradoxe à la brésilienne où ces grandes villas font face à des bidonvilles, le cas de Bentchicou notamment. Cette cité est entourée de quartiers chauds (Daksi, Oued El Had et El Guemmas), les trottoirs et la route sont dans un état déplorable, l’insécurité est permanente, et les habitants, pour ajouter encore de la misère à leur vie, laissent leurs maisons nues. PAUVRETÉ CULTURELLE Et comme si cela ne suffisait pas, voilà que cette fâcheuse tendance est en train de s’étendre aux rares beaux endroits qui restent à Constantine. Les jolies ruelles des quartiers des Combattants et de Sidi Mabrouk par exemple, ornées de petites villas datant de l’ère coloniale, se défigurent  de jour en jour. Des bulldozers rasent les petites villas pour que des maisons en cube de trois ou quatre étages enlaidissent le lieu. Les nouveaux propriétaires sont souvent riches et étrangers à la ville.  La ville de Constantine perd de son charme d’autrefois, le beau se fait très rare. Mais alors pourquoi des gens souvent aisés érigent de telles maisons ' Pendant des années, on a pensé que la seule explication c’était l’exemption des impôts (la taxe du bien mobilier annuelle).  Donc pour quelques milliers de dinars par an, des chefs d’entreprise, des pseudo hommes d’affaires et des importateurs, refusent de revêtir et de colorer leurs «villas».  Mais pour l’architecte Mme Belidir, c’est plutôt un état d’esprit, c'est-à-dire une pauvreté culturelle qui domine et non une pauvreté économique. En Europe, explique-elle, les projets urbains enveloppent une vision globale du quartier, on pense avant de construire et dans certains cas l’esthétique extérieure est exécutée avant la fin des chantiers. Elle pense aussi que le laxisme ne paye pas, il faut alors sortir le bâton et éduquer les gens.LE WALI PROMET DE SÉVIRLors d’une visite officielle à Zighoud Youssef il y a de cela près d’un mois, le wali, Abdelmalek Boudiaf, avait clairement manifesté son mécontentement à l’égard des centaines de maisons qui entourent la ville de Zighoud. Il avait notamment rappelé que le président de la République avait lui-même évoqué le problème lors d’une visite dans la capitale de l’Est. Le commis de l’Etat a promis que dorénavant l’Etat s’impliquera dans le contrôle de ces bâtisses en briques rouges «qui font honte à la ville», soulignant que les propriétaires devront achever leurs travaux, et dans le cas contraire des brigades séviront contre les fraudeurs. Contrôler et même réprimer s’il le faut, sont des solutions qui peuvent arrêter l’anomalie, selon Mme Ben Abbès : «Le certificat de conformité n’existe pas en Algérie, parce qu’on n’a pas laissé les architectes faire leur travail. L’Etat n’a pas les moyens de détruire toutes les constructions donc il vaut mieux orienter tout cela et prendre en charge ces maisons pour espérer au moins régler une partie du problème. Je pense que la seule solution viendra de la loi». 


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