C’est le «phénomène» urbain qui saute aux yeux, ces dernières années, à Constantine. La multiplication à une cadence effrénée des stations de lavage ouvertes dans les quartiers, et au milieu des habitations a pris des allures inquiétantes. Un impact sur l’environnement.
Reportage.
Dans les cités dites «huppées», comme c’est le cas à Sidi Mabrouk, la situation s’est complètement banalisée, alors que même certains quartiers, jusque-là épargnés, ont été eux aussi «contaminés», comme c’est le cas à Belle Vue.
Dans la périphérie de la ville, qui a connu une croissance tentaculaire en matière d’habitations, les stations de lavage sont devenues même une partie intégrante du tissu urbain au point où on peut trouver toute une artère spécialisée dans cette activité. Le cas le plus frappant est celui de Chaâba El Kahla, sur le Chemin de wilaya n°175 en allant vers El Khroub, à quelques kilomètres du campus universitaire de Chaâb Erssas.
Pourtant, il y a quelques années, les services de la direction de l’environnement de la wilaya avaient bien tiré la sonnette d’alarme au sujet d’une activité devenue complètement incontrôlable.
«Pour ouvrir une station de lavage, on ne passe pas par la direction de l’environnement, mais par les services de la commune où on délivre un papier ressemblant plutôt à un bon, en guise d’autorisation; c’est ainsi que n’importe qui peut ouvrir une station de lavage comme il veut et dans le lieu qui lui plait», a déploré Arezki Boutrig, directeur de l’environnement de la wilaya de Constantine.
C’est ainsi que l’activité est inscrite comme n’importe quelle autre activité commerciale. Il suffit de justifier d’un registre de commerce, avant de passer à la commune pour le déposer et pouvoir ouvrir une station de lavage, comme on ouvre une supérette, sans aucune contrainte et sans la moindre étude d’impact sur l’environnement.
Avec les années, et au vu des recettes importantes qu’elle peut rapporter, l’activité a connu un essor considérable au point de défigurer complètement le tissu urbain. Même des propriétaires de villas dans plusieurs cités de Constantine n’ont pas hésité à transformer leurs garages en stations de lavage, faisant fi des nuisances causées aux riverains.
- Dans l’anarchie totale
Il y a quelques mois, des voix se sont élevées contre cette anarchie devenue une source de «pollution urbaine» pour les habitants, surtout que les propriétaires de ces stations ne respectent même pas le voisinage en termes d’horaires d’activité, en été comme en hiver, sans parler des bruits des compresseurs à air utilisés pour les karchers.
«Nous avons reçu des plaintes émanant de citoyens déplorant les dégâts causés par ces stations. Nous étions obligés d’intervenir, et nous sommes tombés sur des cas de violation claire des lois régissant cette activité. Nous avons dressé des mises en demeure à l’encontre de certains gérants, alors que dans d’autres cas, nous avons même établi des procès-verbaux de fermeture de stations de lavage», a révélé Saïda Benyezzar, chef de service de l’environnement industriel à la direction de l’environnement de la wilaya.
«Nous avons toujours déploré que ces stations soient autorisées à ouvrir en milieu urbain, sans aucun dossier à fournir. Nous avions toujours réclamé que ces activités doivent passer par la direction de l’environnement qui donne son avis après visite des lieux et confirmation si cette activité est conforme à la réglementation. Nous avons un droit de regard sur ces activités; notre avis est important du point de vue de respect de la loi. Il devra précéder la remise de l’autorisation d’ouverture par la commune», a noté la même responsable.
«Nous avons même proposé au Centre national du registre de commerce -CNRC- de ne pas délivrer de registres pour ces stations, avant d’avoir l’avis favorable de la direction de l’environnement. un changement de procédure nécessaire pour faire respecter la loi, mais aussi protéger l’environnement et les citoyens; car si nous devons appliquer la loi, ces stations devront être toutes délocalisées en dehors du périmètre urbain, ceci en cas de conformité. Mais il se trouve que la plupart de ces stations sont appelées à fermer, si elles ne le sont pas toutes», a ajouté Saida Benyezzar.
Il se trouve que les autorités n’ont guère été exigeantes en matière de respect de la loi, surtout que seul compte le paiement de redevances résultant de cette activité qui seront versées au Trésor public.
- Des déchets spéciaux dangereux
Sinon, comment expliquer l’indulgence des autorités vis-à-vis des ces stations qui représentent un véritable problème pour le voisinage et l’environnement. Pour les services de l’environnement, ces stations n’ont aucun respect pour l’hygiène et les conditions d’exploitation.
«Ces lieux servent pour le lavage et la vidange des véhicules. Ils dégagent des huiles, des graisses et même des hydrocarbures qui sont considérés comme des déchets spéciaux dangereux faisant l’objet d’un régime de déclaration spéciale. Ces rejets vont directement vers le réseau d’assainissement urbain pour le polluer avec toutes les incidences qui en découleront par la suite, et comme il n’y a aucun contrôle, c’est à une catastrophe qu’on devra s’attendre», explique Mme Benyezzar.
Au vu de la loi, les déchets spéciaux dangereux sont «tous des déchets issus des activités industrielles, agricoles, de soins et de services et toutes les autres activités qui, en raison de leur nature, et de la composition des matières qu’ils contiennent, ne peuvent être collectés, transportés et traités dans les mêmes conditions que les déchets ménagers et assimilés. Des déchets qui par leurs constituants ou par les caractéristiques des matières nocives qu’ils contiennent, sont susceptibles de nuire à la santé publique et/ou à l’environnement».
Ce qui s’applique parfaitement aux produits résultant des activités des stations de lavage. Malgré cela, des mesures préventives ont été recommandées par la direction de l’environnement à ces gérants pour prévenir contre toute pollution.
«Nous avons demandé aux gérants l’application de certaines mesures de protection comme l’installation d’un bassin de récupération des huiles et autres produits nocifs dégagés lors des opérations de lavage; des produits qui devraient être récupérées par la suite pour être traitées ou revalorisées, mais comme il n’y aucun suivi ni entretien régulier de ce bassin, la situation demeure inchangée», conclut Mme Benyezzar.
- Des lois non appliquées
Dans le volet de la législation, les textes traitant cette activité existent et sont même très fermes. On cite la loi 01/19 du 12/12/2001 relative à la gestion, au contrôle et à l’élimination des déchets, la loi 01/20 du 12/12/2001 liée à l’aménagement et au développement durable du territoire, ainsi que la loi 03/10 du 19/7/2003 ayant trait à la protection de l’environnement dans le cadre du développement durable.
Ceci sans compter neuf décrets exécutifs publiés dans le Journal officiel en 2006, 2007 et 2009, ayant bien fixé la nomenclature des déchets, y compris les déchets spéciaux dangereux, la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement, tout en définissant la réglementation applicable aux établissements classés pour la protection de l’environnement et celle de l’activité de collecte des déchets spéciaux.
En faisant une lecture sommaire de la première loi 01/19 du 12/12/2001 publiée dans le Journal officiel n°77 du 15/12/2001, on notera que la responsabilité du «générateur de déchets», est engagée dans le chapitre II relatif aux obligations, notamment dans l’article 8 que le concerné est «tenu d’assurer ou de faire assurer à ses frais l’élimination des déchets de manière écologiquement rationnelle, conformément aux dispositions de la présente loi et de ses textes d’application». Mais dans la réalité, ces mesures ne sont jamais appliquées, bien qu’il y ait des dispositions pénales très sévères allant jusqu’à des peines d’emprisonnement en cas d’infractions avérées.
Entre temps, beaucoup reste à faire en matière de contrôle et de suivi des stations de lavage à Constantine et dans les principales villes de la wilaya. Une mission qui n’est pas aussi simple pour la direction de l’environnement.
«Ces lieux se sont multipliés d’une manière anarchique; ils échappent à tout contrôle. A ce jour, nous n’avons même pas le nombre exact au niveau de la wilaya; nous avons commencé par un inventaire exhaustif et nous sommes en train d’œuvrer pour établir d’ici 2021 un recensement et une cartographie de leur implantation pour opérer à des visites de contrôle, ce qui nous permettra de dresser un état des lieux bien détaillé», a conclu Arezki Boutrig, directeur de l’environnement de la wilaya de Constantine.
Constantine. S. Arslan
environnement@elwatan.com
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Posté Le : 17/12/2020
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : S. Arslan
Source : elwatan.com du jeudi 17 décembre 2020