Algérie

Constantine : «On aime partager»



Constantine : «On aime partager»
' Si le nombre de ces lieux de bienfaisance a diminué, celui des repas servis est quasiment resté le même avec une moyenne de 2 600 repas servis par jour. Contrairement aux ramadhans précédents, le nombre de restaurants «Rahma» a baissé cette année dans la capitale de l'Est. On est ainsi passé d’une trentaine de restaurants opérationnels d’habitude à 15 recensés officiellement. Cela s’explique par les mesures prises par les autorités locales (la direction du commerce, la direction de l’action sociale, la protection civile, la direction de la santé et même du wali) pour réglementer et mettre un terme à la pagaille qui a caractérisé cette activité durant des années. Et c’est essentiellement pour des raisons d’hygiène que les services concernés ont agi, ont expliqué les autorités locales.Ceci dit, si le nombre de ces lieux a diminué, celui des repas servis est quasiment resté le même avec une moyenne de 2 600.La demande reste quant à elle toujours aussi forte dans une ville qui compte plus d’un million d’habitants, comme en témoignent les longues queues qui se forment devant ces restaurants à quelques heures du f’tour. C’est parmi l’un d’entre eux que nous avons pu «arracher» quelques déclarations, car toutes les personnes que nous avons approchées pour recueillir leurs témoignages et ce dans plusieurs restaurants ont refusé notre demande. Une réaction surprenante qui se justifie toutefois par l’embarras des personnes concernées devant ce sujet qui reste malgré tout tabou.D’ailleurs les rares personnes que nous avons réussi à interroger ont toutes tenu à garder l’anonymat, et à commencer par le patron d’un restaurant se trouvant au centre-ville. Ce dernier, qu’on appellera par son prénom, Mahdi, nous explique d’entrée qu’il agit ainsi dans le seul but de protéger la centaine de gens qui viennent chaque jour prendre leur f’tour chez lui : «Je connais la plupart d’entre eux, ils viennent depuis déjà quelques années et chacun a son histoire. Il y a bien évidemment des gens avec qui je discute de temps en temps et d’autres qui ne m’ont jamais adressé la parole.C’est un peu normal, ils ont une dignité à protéger et n’ont pas envie qu’on fouine dans leur vie. Vous savez il n’y a pas seulement des mendiants ou des SDF qui mangent chez nous, souvent des hommes célibataires ou divorcés qui ont un travail et même un logement viennent parce qu’ils veulent partager un vrai f’tour avec d’autres personnes».Après cela, Mahdi nous invite dans son restaurant pour partager le f’tour de la “Nefka” (un repas qui marque le quinzième jour du ramadhan) parce que, dit-il, «chez nous, on aime partager». Mais pour cela, il nous recommande de ne pas se présenter comme journaliste mais comme un simple invité voulant prêter son aide à la bonne cause.Une fois le restaurant ouvert, à une vingtaine de minutes de l’adhan, une centaine de personnes prennent place et comme dans n’importe quel restaurant on discute de tout et de rien. Il y a certains habitués qui apparemment se connaissent, d’autres au contraire sont discrets et silencieux. Le restaurant sert uniquement les hommes et les enfants, quant aux femmes, Mahdi et son équipe (des cousins et des amis) leur servent le repas avant le f’tour qu’elle emportent chez elles. Le menu du jour est assez spécial ce soir-là (Nefka) avec chorba, salade variée et trida, sans oublier le dessert. Mahdi n’oublie pas de nous dire que son restaurant change en maison de “Rahma” depuis une dizaine d’années, une tradition héritée de sa famille (son père et ses oncles), ajoutant que beaucoup de commerçants lui fournissent des produits alimentaires de base (huile, viandes, fruits et légumes). Au moment de l’adhan, une partie des visiteurs pria, l’autre rompt le jeûne dans le silence.Nous décidons d’épauler les serveurs (bénévoles). Tout le monde s’active et enchaîne les plats, en dix minutes à peine, le dessert est déjà servi, puis les tables se vident peu à peu. En dernier lieu, on leur sert de la zlabia, des dattes et des boissons chaudes.Mahdi toujours aussi discret nous susurre : «Je le fais pour Dieu et pour ces pauvres gens. Je tiens toujours à ce que tout le monde sorte de chez moi le ventre plein».


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