Algérie

Constantine-l'art des métiers manuels de la vieille ville : Sur les traces des maîtres artisans



Beaucoup d'artistes et d'artisans restent dans l'ombre, écartés par des philistins avides de profit. Nous voilà encore au c'ur de la basse vieille ville. La fameuse place de la Fontaine, à Sidi Djeliss, se vide peu à peu de ses artisans, qui faisaient jadis toute son animation et tout son charme. Les échoppes, quasiment toutes fermées, se côtoient, adossées les unes aux autres, à la façon biscornue et fantaisiste des vieilles constructions. La plupart des habitations sont déclarées sinistrées. Ce ne sont plus que des ruines, faute d'avoir été restaurées. En dépit du danger latent d'effondrement de ce qui reste des vieilles maisons, quelques irréductibles continuent de fréquenter cette place mythique de la médina : les dellalate qui s'obstinent à vendre des hardes, deux confiseurs, deux dinandiers et un artisan sculpteur sur bois. Ce dernier, Mostefa Benahmed, dit Borhane, 44 ans, est le héros d'un jour de ces lieux. Il aime l'odeur du bois depuis qu'il était tout petit. Orphelin, il n'a pu faire des études, mais accédera tout de même tardivement, dans les années 1980, à l'école des beaux-arts, pour une durée de quelque 18 mois, grâce à la générosité d'un mécène, en l'occurrence son maître, Mohamed Roubache, qui a reconnu en lui un artiste de talent. Il dessinait, puis sculptait des objets en bois, au gré de son imagination.Une famille constantinoise, les Bendjelloul, l'a beaucoup aidé dans le temps à subsister grâce à des travaux de décoration et de restauration de meubles anciens qu'il effectuait dans les maisons. C'est encore grâce à une âme charitable qu'il occupe aujourd'hui, pour un loyer symbolique, cette bicoque aux murs lépreux, qu'il tente d'égayer avec quelques plantes vertes. Seulement, et hélas, ce n'est plus pour s'adonner à son art, dont il n'a pu vivre en l'absence du moindre intérêt de la part des autorités ou même de la société. Il y fabrique des moules et des emporte-pièce, dont il crée le dessin et le sculpte en relief, à l'intention des ménagères constantinoises, pour confectionner des makroutes et autres pâtisseries à l'ancienne, mais avec d'autres motifs. C'est ainsi qu'il arrive à faire vivre sa petite famille, qui, avant cela, n'arrivait pas à joindre les deux bouts. « J'ai même concouru à réaliser la sculpture de la porte du palais Ahmed Bey », fait-il remarquer avec, dans la voix, une pointe de nostalgie. Mais n'ayant ni carte d'artisan ni aucune subvention' dont beaucoup de personnes, sans aucun talent d'ailleurs, et vivant en parasites, bénéficient' cet artiste est voué à la disparition.A présent, il est connu sur la place pour ses petites pièces originales, qu'il confectionne une à une à la main, et qu'il écoule à la demande. Son rêve était pourtant que l'Ansej le subventionne pour qu'il se remette à la restauration des meubles anciens et des instruments de musique, et à la création d'objets d'art sculptés, comme les coffrets à bijoux et autres. Qui prendra la relève de cet artisanat en déperdition ' « Nos décideurs préfèrent faire venir des Egyptiens et des Marocains pour les travaux de sculpture sur bois pour la restauration des édifices anciens, alors qu'on ne demande qu'à le faire et qu'à lancer des jeunes pour assurer la relève ; nous sommes capables de réaliser des merveilles », affirme-t-il. Oui, quand pourra-t-on espérer de la considération pour notre propre savoir-faire, bien algérien ' Avis à ceux qui aiment, un tant soit peu, la ville du Vieux Rocher !


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