Constantine entre histoire et imaginaire
S’il fallait «casser les moments magiques» où donc nos visions intimes auraient-elles trouvé la vérité de notre rêve primordial?
Contrairement à ce que Nedjma Benachour-Tebbouche écrit dans sa dernière publication Constantine et ses romanciers (*) extraite de sa thèse en Doctorat d’État intitulée Constantine, une ville en écritures (2002) - je cite: «Mais il fallait aussi trouver le bon équilibre et la juste mesure pour ne pas casser les moments magiques de cette lecture-critique, car à trop vouloir décoder et désambigüiser, ne brise-t-on pas des liens intimes, ontologiques qui attachent l’auteur à son texte (p. 216).»-, il me semble qu’il ne faut pas avoir de regret à aller jusqu’à l’intimité de l’auteur. C’est par là que se dessine pour nous l’identité algérienne et c’est par là que doit percer l’audace intelligente du chercheur, lequel, à son tour, doit se dire pour dire la transcendance de notre histoire (nationale ou personnelle) en imaginaire.Et nous savons qu’il y a beaucoup de vérité dans l’expression imaginante. L’art de l’écrivain est, à mon sens, de l’histoire pensée; c’est aussi valable pour le chercheur. Voyez les critiques étrangers, ceux qui sont devenus les spécialistes de notre histoire, de notre littérature, de notre foi, - ils nous donnent du tout cuit, sans le sel de notre Terre maternelle, nous fabriquent le miroir que nous n’aurions pas osé fabriquer nous-mêmes, pour nous-mêmes. J’entends parfaitement «l’ouverture», «les échanges», «les partages», quand les intérêts sont communs, se fructifient en commun, quand «les amours» ne sont pas truquées, n’ont pas un seul maître. Car enfin les Nedjma Benachour-Tebbouche n’ont pas besoin, n’ont plus besoin de béquilles pour que leur démarche intellectuelle soit libre, juste et tout entière la leur.En réalité, nous éprouvons la nécessité, aujourd’hui, de lire nos chercheurs, nos critiques, nos intellectuels, de produire «ce qui est nous», ici et maintenant. Les structures d’accueil étatiques ou privées existent, un rien de bonne volonté pourrait mettre en mouvement nos intelligences pratiques situées à tous les niveaux de l’entité culturelle nationale.A l’instar, par exemple, de Média-Plus de Constantine, avec son vigilant et énergique animateur, Saïd Hannachi, éditeur de Constantine et ses romanciers, la plupart de nos éditeurs ont, me semble-t-il, gagné quelque peu en compétence dans presque toutes les étapes de l’édition: découverte de jeunes talents, large éventail des genres, choix des auteurs, esthétique de la fabrication, amélioration de la communication, efforts persévérants en dépit de multiples difficultés vraies ou fausses,...Le cap est visible même à travers quelques restes ici de brume et là de brouillard.Après cette digression qui n’est peut-être pas inutile, quelle place ai-je gardé à l’essai de Nedjma Benachour-Tebbouche? Je pense qu’on l’aura compris: Constantine et ses romanciers est une publication intéressante par au moins cet aspect - et quel! -: on retrouve une ville algérienne chérie, une ville d’art et d’histoire qui a suscité chez de nombreux auteurs algériens et étrangers (des voyageurs, des géographes, des historiens, des ethnologues, des peintres, de bien des grands de la littérature universelle) des «écritures» diverses, et toutes pleines d’éloges et de riches découvertes pour «l’image de la cité» de tous les temps: Cirta-Constantine. Sont cités, rappelés, évoqués, étudiés, analysés, des textes-phares sur «Le Rocher de tant d’amour», ceux, bien sûr, de Kateb Yacine, et plus de Malek Haddad, de Malek Bennabi et des textes de témoignages romanesques, ceux de Ouattar, de Saâdi, de Mimouni, de Boudjedra, auxquels a été joint, avec raison, Rolland Doukhan, auteur de Berechit, un roman sur la vie sociale de la communauté juive séfarade dans «Le Chara», un quartier bien connu des Constantinois.Ainsi, réelle et fictive, Constantine est productrice de symboles multiples qui ne cesseront sans doute jamais de se raconter et de nous instruire sous la plume virtuose de nos écrivains, telle aussi la talentueuse et regrettée Najia Abeer dont j’ai eu le bonheur de présenter ici même le roman Bab el Kantara.Pour moi, le scrupule de Nedjma Benachour-Tebbouche est levé: «la familiarité», qu’elle affirme avoir eue avec Constantine, est précisément une chance pour elle non un handicap, une chance aussi pour son lecteur de devoir s’imprégner de la «mémoire et de l’expérience» de témoins exceptionnels «de divers pays, de diverses périodes». Ce ne sera certainement pas la toute dernière impression, parce que Constantine, ainsi que l’écrit Nedjma Benachour-Tebbouche, dans sa conclusion: «n’a pas fini d’interpeller la curiosité et la réflexion car aux dires de l’un de ses fils, Malek Haddad, elle «est un chef-d’oeuvre, elle a du talent» et que «Lorsque vous partirez, s’il vous plaît, ne vous retournez pas. Mais je vous rassure, on ne quitte jamais Constantine tout à fait.» Dans ces lignes brèves, mais justes et prenantes, je reconnais toute la douceur de l’amitié de Malek Haddad pour ceux qui l’ont approché, toute l’émotion qu’il avait pour sa ville natale et, à travers elle, pour son pays.(*) Constantine et ses romanciers de Nedjma Benachour-TebboucheMédia-Plus, Constantine, 2008, 231 pages.
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Posté Le : 04/06/2008
Posté par : sofiane
Ecrit par : Kaddour M´HAMSADJI
Source : www.lexpressiondz.com