Algérie

Constantine, aux innocents les mains sales Dans une ville culturellement momifiée


Constantine, aux innocents les mains sales                                    Dans une ville culturellement momifiée
Photo : A. Lemili
De notre correspondant à Constantine
A. Lemili
Exception faite du conservatoire communal, il est pour le moins difficile, sinon impossible, de dénombrer des centres d'intérêt artistiques ou culturels destinés aux enfants, voire à la jeunesse. Cela étant, le conservatoire communal, comme son appellation ne l'indique pas, n'est pas accessible au jeune-lambda pour des raisons diverses. Il semble donc pour le moins injustifié de faire un quelconque reproche à des parents qui, par défaut, trouveraient consolation à savoir que leur progéniture s'essouffle à courir derrière un ballon dans la cour d'immeuble ou le terrain vague le plus proche. Il y a bien eu des tentatives, par ailleurs réussies et hélas très vite avortées, de matérialiser des projets consistant à «occuper» d'abord des enfants pour ensuite mettre à profit leurs capacités d'assimilation et exploiter leurs talents dans un domaine de l'Art qu'ils auraient à privilégier ; le meilleur moyen d'assurer une relève à une scène locale qui n'arrive plus à se renouveler en raison de son vieillissement et de son manque d'imagination. Une jeune et récente compagnie théâtrale, en l'occurrence «Mimosas», allait innover en ce sens, et en un laps de temps record, monter un projet de formation à l'endroit des enfants notamment. Un projet vers lequel se bousculeront après maintes hésitations des parents pour y inscrire les leurs jusqu'à la saturation des moyens d'accueil et de formation. Cette expérience ne survivra pas à son initiateur qui a préféré rejoindre les 'uvres sociales de la plus importante entreprise du pays. Une manière comme une autre, aussi légitime soit-elle, de mettre un terme à une vie de bohème en alliant l'utile à l'agréable. Bien d'autres associations naîtront pour disparaître telles des météorites ; des associations animées des plus belles intentions, et qui le resteront toutefois pour la suite de l'histoire. En fait, les enfants ne sont pas un créneau porteur pour les «créateurs» en raison, d'abord de l'investissement physique, du temps ensuite et des moyens enfin. En l'absence d'offre, la question de la demande ne se pose plus. Une réalité qui conduit à une déconnexion définitive et ce, jusqu'à l'amnésie générale. Ce qui, sans exagération aucune, est une réalité à Constantine, que seuls les évènements culturels et artistiques ponctuels comme le Printemps théâtral tirent de sa torpeur, voire de son hibernation. Or, des évènements comme ledit Printemps théâtral ont pour conséquence de laisser sur leur faim des centaines d'enfants qui n'aspirent qu'à passer de leur coté pour peu que l'opportunité leur soit offerte. C'est dire, par voie de conséquence la déperdition de potentialités très certainement incontestables. Et le plus anecdotique dans tout le décor demeurera sans doute cette vaste opération lancée conjointement par les ministères de la Culture et de l'Education au cours de l'année 2007 où il était question alors d'engager un prestigieux programme d'enseignement obligatoire de l'Art à l'école. Un grand établissement de la ville, le lycée Fadila Saadane pour ne pas le nommer, accueillait alors plus d'une centaine d'enseignants venant des wilayas limitrophes, et auxquels comédiens et scénaristes du Théâtre régional de Constantine (TRC) allaient, au cours de deux journées, inculquer des rudiments essentiels en matière d'art théâtral. Bien entendu, un aréopage de cadres des deux ministères, en plus des responsables locaux, ont glosé sans jamais tarir sur le sujet auprès de nos confrères. Le projet était réputé à long terme, et devait, en plus d'exploiter le talent caché d'écoliers prédestinés, débarrasser l'école de nouveaux dogmes qui la menaient droit vers l'inconnu. Evidemment, le projet, le programme et toutes les bonnes intentions des deux ministères additionnés ont vécu ce que vit la rose. Ce qui est quand même plus que grave pour deux départements ministériels qui, pourtant, ne manquent pas de moyens, loin s'en faut. Alors, de là à attendre qu'un individu-lambda vienne, à la manière d'un Charlie Chaplin des temps modernes, apporter du bonheur et de l'espoir à des milliers d'enfants, il y a un rêve que nul n'oserait s'autoriser.
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