Comme l’ensemble des grandes villes algériennes, Constantine souffre d’un déficit énorme en verdure, ce qui n’est pas fait pour rendre la vie agréable au Constantinois.
Pour parer à ce constat négatif et en l’absence d’une politique globale et intégrée, des opérations ont été inscrites ces dernières années, notamment dans le cadre de la manifestation «Constantine capitale de la culture arabe», mobilisant des fonds conséquents. Il est navrant de constater qu’à fin 2016, non seulement les superficies vertes n’ont pas évolué, mais qu’en plus, ce qui existe se trouve dans un état de dégradation avancé.
Dans cette enquête, nous avons tenté de comprendre où va l’argent injecté dans ces projets et notre point de départ a été un espace aménagé à proximité de l’aéroport Mohamed Boudiaf.
Comment cet espace a-t-il été conçu ?
Comment a-t-il été réalisé ?
Et qu’en est-il de son entretien ?
Qui fait quoi et comment ?
Ce sont les questions qui se sont posées à nous et auxquelles devraient répondre les autorités locales.
Octroyé à un groupement algérien avec un budget de 40 milliards de centimes, le terrain en question s’étale sur une superficie de 6.000 m². Les travaux consistaient à réaliser une stèle, aménager l’esplanade et placer une pelouse sur environ un hectare. Durant l’été, l’espace a attiré les familles, qui y ont trouvé une bouffée d’air frais et un lieu aéré pour les enfants. Mais à défaut d’un système d’arrosage adéquat, la pelouse de gazon (la plus importante) s’est vite transformée en champ de mauvaises herbes.
Tout le gazon, dont le coût du m² varie entre 1.000 et 1.200 DA, a été complètement «cramé». Les concepteurs du projet, ayant pourtant facturé le produit à des prix excessivement élevés, ont omis de prévoir un système enterré d’arrosage automatique. Les services de la commune, qui ont hérité de cet espace pour assurer son entretien, ont dû utiliser l’arrosage par citerne, ce qui affecte fatalement la pelouse. Ce jardin s’ajoute à un autre qui lui fait face de manière symétrique. Les deux étant coincés entre trois routes rapides, ce qui pose un dangereux problème de sécurité pour les usagers.
Dilution des responsabilités
Ceci n’est qu’un échantillon parmi d’autres dans la wilaya de Constantine. Les jardins publics, ou encore les barres de séparation des grands axes routiers, sont traités de la même façon. Quant à la ville nouvelle d’Ali Mendjeli, les urbanistes et les politiques ont simplement oublié de prévoir des jardins!
En fait, la création d’un espace vert dans une ville est comme la naissance d’un être humain. On doit passer par trois phases: la conception, la réalisation et l’entretien. Selon un expert ayant requis l’anonymat, ce genre de projet se fait souvent sur un coup de tête, parfois suite à des instructions d’un ministre en visite dans la wilaya. Pis encore, selon lui, les réalisations sont lancées la plupart du temps par des organes qui n’ont aucune connaissance dans le domaine, et sans concertation préalable avec les autres intervenants potentiels.
La direction de l’urbanisme et de la construction (DUC) a réalisé l’espace cité plus haut en solo, sans demander l’avis de la direction de l’environnement ou des services de la commune. La responsabilité est ainsi diluée entre plusieurs intervenants volontaristes.
«Il faut qu’il y ait un entonnoir qui réceptionne tout ce qui a été créé en matière d’entretien et de suivi d’espaces verts. Un seul organe doit englober tous ces projets», a-t-il précisé.
Et de poursuivre: «Ceux qui font la conception du projet, venant d’ailleurs, n’établissent pas des études sérieuses sur le sol et le climat de la ville. Le substrat qui va recevoir l’espace vert n’est jamais pris en compte au préalable. Il faut se poser la question de savoir où va cet arbuste et répondre avant de le planter! Il faut étudier où le taux de réussite sera à 100%. Rien de tout cela n’a été fait.»
Les résultats que nous avons aujourd’hui correspondent à ces défauts de conception. On plante n’importe quoi à Constantine, qui a ses propres caractéristiques climatiques et géologiques, et aussi ses périodes de floraison.
«La même maquette faite à Blida a été reprise à Constantine, pourtant les conditions atmosphériques ne sont pas les mêmes», a affirmé notre expert.
Un système d’entretien archaïque
Concernant le système d’entretien, ce dernier a soulevé le problème de la marginalisation des professionnels sur le terrain. Prenant toujours l’exemple du terrain à proximité de l’aéroport, il a affirmé qu’au début, les concernés pouvaient sauver la végétation.
«En cas de perte partielle, l’on pouvait utiliser la technique de replacage de la pelouse, en remplaçant la partie cramée et puis la laisser ramper toute seule. C’est une technique qui ne peut être faite que par des professionnels. Mais maintenant, dans le cas de perte totale, il faut tout refaire. C’est un problème d’engrais, de chaleur, de nature du sol, mais surtout d’arrosage», a-t-il expliqué.
Le système d’arrosage, d’après ses dires, est catastrophique et reflète les capacités des entreprises chargées de l’entretien. L’on n’arrose jamais la pelouse avec des canons de citernes. Selon lui, Il faut qu’il y ait un transfert d’humidité sur toute la superficie plantée, à travers un arrosage automatique.
«C’est un raccordement de point d’eau où l’on arrose avec un système de goutte-à-goutte. Par exemple on pouvait faire appel aux instituts d’agronomie, qui sont des spécialistes dans l’irrigation d'appoint. Rien n’est sorcier», a-t-il dit avec regret.
On ne peut être plus clair, on tourne dans un cercle vicieux, où on parle toujours de mauvaise gestion et par conséquent de gaspillage des deniers publics. Car l’on parle de milliards qui se sont vaporisés à cause de la négligence et du manque de rigueur de certaines autorités.
Photo: L’affluence des familles dans ces espaces démontre un besoin réel à combler
Yousra Salem
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Posté Le : 28/10/2016
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo: El Watan ; texte: Yousra Salem
Source : elwatan.com du mercredi 26 octobre 2016