Souk El Assar, l'un des trois marchés phares du centre de la ville de Constantine, avec les marchés Bettou et Boumezzou, est resté à la lisière du temps. Sérieusement, il n'y a pas lieu de l'aborder sous cet air nostalgique qui accompagne généralement la mémoire millénaire de ce lieu, puisque l'environnement est devenu lugubre ces derniers temps, depuis les évacuations successives des habitants de la vieille ville et la récente décision de mise à l'arrêt du téléphérique, notamment. Et, on n'oubliera pas de parler sur un ton plein d'amertume de cette longue fermeture pour réhabilitation de la mosquée ‘Sidi El Kettani' (construite par Salah Bey durant l'année même de sa nomination, en 1771, à la tête du beylik), une mosquée qui réussissait à drainer, à longueur de la journée, une foule de fidèles qui se transforment pour la plupart d'entre eux en clients potentiels à leur sortie de la mosquée.Les commerçants en activité à l'endroit, spécialisés en fruits et légumes et en tissus, parlent avec un c?ur serré par l'angoisse de lendemains incertains. «Le marché Souk El Assar rend ses derniers souffles», selon l'expression des commerçants qui ont pris attache avec notre rédaction pour lancer un véritable SOS aux autorités locales.
«C'est presque une asphyxie en bonne et due forme du marché, car en sus des opérations de relogement des habitants, qui ont vidé les lieux de leur âme, il y a cet arrêt du trafic du téléphérique qui a mis KO toute notre activité, renchérissent nos interlocuteurs. D'habitude, explique-t-on, les habitants des hauteurs de la ville de Constantine se déplacent facilement à l'aide de ce moyen de transport vers Souk El Assar, situé à quelques pas de la station principale Tatèche Belkacem (ex- rue Thiers), pour faire leurs courses au marché et reprendre le chemin du domicile aisément, maintenant ce n'est plus possible de courir derrière les taxis clandestins avec des sachets pleins de denrées alimentaires, surtout pour les ménagères», soutiennent les concernés.
Petit à petit, les commerçants eux-mêmes commencent à déserter les lieux, donnant des airs fantomatiques à ce marché naguère brouillant et plein de vie jusque tard dans l'après-midi. D'une part, il y a le fait que les commerçants ne peuvent pas trop résister à la sécheresse des affaires, comme ironisent les concernés, et d'autre part on signale que la relève n'est pas assurée, puisque les jeunes ne semblent pas intéressés par l'activité au sein d'un marché où les clients se font de plus en plus désirer. Enfin, certains penchent plutôt vers l'activité du commerce informel, qui ceinture tout le marché.
Sur un autre plan, les commerçants dénoncent la marginalisation de ce marché par les autorités communales, qui n'oublient jamais de les inviter mensuellement à régler les quittances des loyers mais ne se donnent pas la peine de venir voir la situation déplorable dans laquelle patauge Souk El Assar.
«Je vous assure qu'en hiver, lance un commerçant, il est presque impossible de résister plus d'un quart d'heure debout devant le stand. Ce dernier marché est le parent pauvre de tous les marchés de la commune de Constantine. Les responsables du patrimoine de la commune s'occupent périodiquement de l'état des marchés Bettou, Boumezzou ou celui de Sidi Mabrouk, qu'on réhabilite de temps à autre, mais pas de Souk El Assar !», s'indignent nos interlocuteurs. Ajoutant qu'il est grand temps de s'occuper de Souk El Assar pour éviter sa disparition pure et simple de la carte de Constantine. Doit-on mettre de côté le fait qu'une réhabilitation de Souk El Assar a été programmée et annoncée peu de temps avant l'évènement «Constantine capitale de la culture arabe, 2015» ' Une fiche technique a été installée à l'entrée de Souk El Assar, se rappellent les commerçants, et c'était très beau comme projet selon cette fiche technique, puis rien, tout est tombé aux oubliettes. Plus personne ne parlera de cette réhabilitation, ni de cette étude technique, remise en silence dans les tiroirs !' Laissant un marché à l'agonie, et tant de commerçants dans le désarroi.
On ne peut y croire, mais les commerçants de Souk El Assar n'ont ni eau ni électricité. Une misère incommensurable. Les commerçants éclairent les lieux à l'aide de fils électriques ramenés des domiciles environnants. L'eau y arrive également à l'aide de longs tuyaux. «Voilà ce qu'on réserve au patrimoine de la ville, qu'on laisse périr dans l'indifférence», dira d'une voix émouvante un ancien commerçant qui a passé sa vie à l'endroit.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 11/07/2018
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Abdelkrim Zerzouri
Source : www.lequotidien-oran.com