Algérie

CONSTANTINE



L’été de la déprime
La ville des Ponts est assimilée à un «grand centre de concentration de jeunes». Pas de théâtre, pas de cinéma, pas de galas ni de tournois sportifs. Sous une chaleur de plomb, des milliers de jeunes errent du matin jusqu’au soir, entre cafés et cybercafés. Manière de combler le vide et de se trouver une occupation. D’autres se terrent dans des cages en s’adonnant à une bonne partie de cartes.Un été à Constantine. Lourd et sans saveur. La convivialité a fuit la cité, laissant place à un climat monotone. «Hypocrite», euphémisme pour décrire une bien triste réalité que tout un chacun dénonce sans pour autant tenter d’y remédier. Au fil des ans, la ville, doublement millénaire, s’est transformée en un immense «ghetto». Un désert.La ville des Ponts est assimilée à un «grand centre de concentration de jeunes». Constantine est invivable. Les conditions climatiques ne sont pas les seules causes. Jadis ville conviviale, Constantine a complètement perdu ses repères pour avoir subi de plein fouet la dépression terroriste. Mais est-ce une raison pour expliquer la léthargie qui l’enveloppe chaque saison estivale?Les nantis de la société s’offrent des vacances à l’étranger. Et la Tunisie demeure l’endroit privilégié. Mais, l’écrasante majorité des jeunes Constantinois sont malheureusement contraints de supporter le poids de la canicule et l’absence totale de moyens de distraction. Un fait connu de tous et les élus, en premier lieu. Ces derniers s’affairent, tant bien que mal, à échafauder un quelconque programme. Mais ça reste pour le moins que l’on puisse dire superficiel sans jamais aller au fond des chose. Même le fameux «Plan bleu» accuse d’énormes insuffisances. Il est loin de répondre aux besoins réels d’une jeunesse privée de loisirs.Officiellement, Constantine s’obstine à relooker chaque été ses atouts culturels. En vain. Le résultat est lamentable. Les élus locaux, qui se sont succédé à la tête de ses Assemblées, n’arrivent pas à capter l’attention des milliers de jeunes branchés ailleurs.Dans ce contexte caractérisé par une chaleur torride, un environnement urbain choquant et hostile, un taux de chômage élevé, il paraît démesuré de parler de technologie. Les cybercafés offrent, certes, une petite ouverture aux nombreux initiés de l’informatique, mais cela reste limité, car des milliers de jeunes ne sont pas en mesure de manipuler un PC et leur rêve se dessine autour d’une piscine, une aire de jeu ou pourquoi pas, un terrain de football. Aussi, parler de loisirs à Constantine n’est pas une sinécure. Au risque d’être démenti, Constantine est devenue une ville déserte. Une sorte de «linceul» s’abat sur la ville à chaque coucher du soleil. Certains quartiers deviennent alors des lieux à haut risque. Les ruelles se transforment en «coupe-gorge».Plus question de s’aventurer dehors. Pour preuve, même les salles des fêtes évitent d’organiser des festivités nocturnes à cause de l’insécurité. Pour de nombreux Constantinois, les quelques timides manifestations organisées sont loin d’être à la hauteur des «Ponts». «On a grandi sans avoir eu la chance d’assister à la projection d’un film en scope dans la salle de cinéma. Où sont passées nos salles de cinéma?», une autre preuve de la décadence culturelle que pose ce jeune de 23 ans. Pas de théâtre, pas de cinéma, pas de galas ni de tournois sportifs. C’est la déprime totale. Il ne reste plus que la télé ou un «joint» pour échapper de la réalité en rêvant en silence. Alors l’aventure, virtuelle, commence. Une embarcation, la mer, une autre vie de l’autre côté de la Méditerranée ou de l’océan Atlantique.«Je rêve de Sidney, de Los Angeles, de Londres, de Paris. C’est certainement un autre monde. Mais nous sommes dans une ville qui ressemble plutôt à Guantanamo, à la seule différence que nous ne sommes pas enchaînés», admet un jeune universitaire, 28 ans, en chômage. Mais au réveil, le rêve «coule» comme coule l’espoir d’une jeunesse ayant sombré dans le chaos. Le malaise est profond. La ville n’offre aucune alternative. «Constantine ressemble plutôt à une grande prison. On étouffe. Mais que faire? subir et attendre, qui sait, peut-être tafradj alina» confie un jeune désoeuvré d’un air résigné.Nombreux sont les jeunes, notamment universitaires, qui sont dépourvus de moyens. Changer d’air exige des «ailes». Alors on voyage dans le virtuel. On se rabat sur les cybercafés. Le désarroi est énorme.


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