Il n’y a pas que l’assèchement du sous-sol qui regorge de pétrole et gaz qui doit désormais donner à réfléchir aux dirigeants arabes, pourtant peu soucieux, eux-mêmes, des ravages de la mauvaise gouvernance dont ils sont responsables devant l’histoire.
Tunis.
De notre envoyé spécial
Car, désormais, le «ciel», lui aussi, dicte ses caprices. Une hausse de la température de 4° durant le XXe siècle, une augmentation du niveau de la mer de 3 mm en Méditerranée, la fréquence des nuits chaudes et des pluies plus violentes… La liste des bouleversements du climat est sans doute plus longue et variée selon les pays. De possibles extinctions d’espèces animales et végétales. Mais en tous cas, le changement en question va aggraver une situation, déjà préoccupante, liée à l’accès à l’eau potable. Le stress hydrique concernerait sérieusement 13 pays arabes sur 19.
Le dernier rapport de la Banque mondiale (BM) sur les changements climatiques met l’accent sur la nécessité vitale pour les pays de la région du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord de mettre en place des mécanismes d’adaptation à cette nouvelle donne.
«Le changement climatique fait partie du quotidien des habitants des pays arabes. S’il n’épargne personne, ce sont les plus pauvres qui en pâtissent le plus, car ils n’ont pas les mêmes moyens d’adaptation. Avec l’aggravation du phénomène, le bien-être des populations et leurs revenus vont se dégrader. C’est maintenant qu’il faut prendre des mesures nationales et régionales pour renforcer la résilience climatique», avait averti, en décembre de l’année dernière, Inger Andersen, vice-présidente de la Banque mondiale pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (Mena), à l’occasion de la publication du rapport sur ce thème.
A ce titre, un atelier sur les changements climatiques dans les pays arabes a été organisé, la semaine dernière, à Tunis, par l’association ANDDCVS en collaboration avec la Banque mondiale et l’appui financier du Fonds international pour le développement de l’agriculture (FIDA).
Invitées, des ONG des trois pays (Algérie, Maroc, Tunisie), dédiées à la lutte pour l’environnement, ont présenté chacune leur expérience (à l’exception de l’Algérienne, qui n’a pu être au rendez-vous), dans le domaine de la sensibilisation des tiers ou des pouvoirs publics. Les modestes actions de formation assurées dans certaines villes au Maroc ou les initiatives louables en Tunisie sont certes disproportionnées aux défis qui se posent avec acuité aux pays de la région. Qu’importe! La conviction de ces militants pionniers dans le domaine, leur dévouement et leur engagement dans les batailles «du surlendemain» compensent bien l’indigence des pouvoirs en place à laisser la société civile s’emparer de manière autonome des affaires, qui la concernent au premier plan. Changement climatique oblige, changement de gouvernance. Les errements politiques, dont se sont rendus coupables les dirigeants, sont vite rattrapés par une réalité de plus en plus menaçante. La soif! La pénurie d’eau reste le cauchemar le plus redouté.
A une situation déjà précaire, le changement climatique devra exacerber indubitablement le déficit en eau. Des études ont montré qu’en 2040, la région sera «probablement face à une réduction du ruissellement d’eau de 10%», en raison des bouleversements de la météo. Ainsi, adossée à d’autres défis, cette réduction, conclut-on, devra générer un écart de 50% entre l’offre de ressource renouvelable. Cette métamorphose du climat va, en effet, réduire les réserves d’eau naturelles dans une partie de la région, selon les conclusions d’experts.
«La plupart des modèles climatiques prévoient des précipitations plus faibles et des températures élevées dans nombre de pays arabes, conduisant à une réduction significative de l’écoulement des cours d’eau. Cette réduction du ruissellement entraîne un dessèchement global caractérisé par d’importantes réductions des réserves d’eaux naturelles. Sur la même période, une augmentation parallèle de la demande en eau de jusqu’à 60% devrait se traduire par un écart de 50% des ressources renouvelables en eau de la région».
Si les projections exigent une action immédiate en matière de gestion et de nouvelles politiques qui prennent en charge l’aspect d’adaptation, il n’en demeure pas moins, notent les experts, que d’autres cautions de coopération entre les pays doivent recueillir toute l’attention des politiques, si l’on veut épargner d’éventuels conflits inspirés par la pénurie. Le monde, en effet, ne connaît déjà que trop bien les affres de la guerre autour de la matière première et de son exploitation, pour courir le risque d’un conflit sinon annoncé dans certaines régions du monde, notamment au Moyen-Orient, du moins est-il redouté en raison des complications qu’il soulève.
Les ressources non partagées entre pays:
Les séminaristes ont mis l’accent sur le fait que beaucoup de pays de la région n’ont pas réussi à mettre au point des mécanismes sérieux, favorisant une meilleure gouvernance régionale des eaux en partage.
«Peu d’accords ratifiés sur les ressources en eau partagées existent dans le monde arabe et aucun n’a abouti à une gestion commune et efficace des ressources partagées.»
- La Medjerda, fleuve partagé entre la Tunisie et l’Algérie: aucun accord.
- Les aquifères du SASS (partagé entre la Libye, la Tunisie et l’Algérie): un mécanisme de concertation opérationnel 2008.
- L’Egypte et le Soudan ont conclu un accord en 1992 sur le partage de l’aquifère nubien. Les deux pays ont également signé un accord en 1957 pour partager les ressources en eau du Nil, bien que l’accord ait été contesté par les pays en amont, qui ont récemment signé un autre accord qui a, à son tour, été rejeté par l’Egypte et le Soudan
- La Syrie et le Liban ont conclu un accord sur le partage du Nahr Al Kabir Al Janoubi en 2002.
- La Jordanie et la Syrie ont signé un premier accord sur la rivière Yarmouk en 1953, qui a ensuite été remplacé par un autre en 1987, pour aboutir finalement à l’élaboration conjointe du barrage de l’Unité.
- Un accord global sur le bassin de l’Euphrate, le Tigre est toujours insaisissable, malgré plusieurs décennies de coopération technique et les accords bilatéraux parmi les trois pays riverains, l’Irak, la Syrie et la Turquie.
Indices :
- Les coûts annuels totaux, en 2050, pour combler le fossé de l’eau non satisfait de 199 km3 sont environ de 104 milliards de dollars
- Les pays où l’agriculture utilise actuellement la part du lion de l’eau (80%) nécessitent une stratégie multidimensionnelle
- La saison sèche va s’allonger d’environ deux mois, notamment en Irak et en Syrie, selon certaines prévisions
Ali Benyahia
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Posté Le : 14/09/2013
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo: El Watan ; texte: Ali Benyahia
Source : El Watan.com du mardi 3 septembre 2013