Algérie

Conscience enténébrée



Conscience enténébrée
L'âme tourmentée des assassins a toujours constitué un filon inépuisable pour les auteurs qui, sur le sujet, ont produit de grandes ?uvres. Dostoïevski, Camus et d'autres ont pénétré dans les tréfonds de ces hommes en conflit avec eux-mêmes et les autres. C'est Sigmund Freud lui-même qui préfaça une édition des « Frères Karamazov » du romancier russe.L'Algérie, qui a subi de plein fouet la violence de la colonisation puis celle du terrorisme, est un terrain fertile pour de telles introspections. Dans le registre des essais ou de la fiction, la production est abondante. Farid Bencheikh, connu pour ses nombreuses publications, quitte cette fois-ci les sentiers de l'académisme en criminologie pour nous proposer une ?uvre de fiction, « La Repentance »*. Cette dernière s'alimente aussi d'événements réels auxquels sa qualité d'expert auprès de la Sûreté nationale l'avait confronté. Comme l'écrit fort justement le professeur Xavier Raufer (responsable dans un institut de criminologie en France) dans sa préface, « il a des salafistes armés, la connaissance intime que le chasseur distingué de son gibier ». Le livre s'ouvre avec un accrochage dans un village près de Médéa où un terroriste blessé se refugie dans une mosquée. Il engagera alors un dialogue avec un imam avant qu'un avocat commis d'office ne prenne le relais à la prison. Ce sont les échanges entre ces hommes autour de notions controversées comme l'hérésie, l'usage de la violence, la conscience morale qui font la richesse de cet ouvrage. L'échange entre l'homme de religion et Faycal nous introduit dans l'univers mental et éclaire le processus de dénaturation de la religion musulmane sous l'effet de fatwas qui, écrit l'auteur à la fin de son ouvrage, sont un vecteur « d'endoctrinement des masses anonymes aux aguets de tout ce qui pourrait les définir, les reconnaître et articuler leur sentiment d'inquiétude et d'attente anxieuse à un signifiant quelconque et à quelque prix que ce soit » (P.156). L'imam, en s'appuyant sur de grands noms de la philosophie musulmane comme Ibn Rochd ou El Farabi, démonte tout le mécanisme de perversion d'un message. Et ramène habilement l'égaré sur le chemin de la rédemption. A travers la légende d'Antigone, l'auteur plaide aussi pour la réconciliation, « loi inscrite dans l'éternité et non utile pas sa seule utilité immédiate ». Le symbole serait celui d'un rempart contre la pulsion de mort. le tète-à tete avec l'avocat fourmille de détails sur la préparation et l'exécution des massacres collectifs qui ont endeuillé les villages de la Mitidja comme Bentalha ou Raïs. Outre cet aspect philosophique, le tête-à-tête avec l'avocat fourmille de détails sur la préparation et l'exécution des massacres collectifs qui ont endeuillé les villages de la Mitidja comme Bentalha ou Raïs. Les révélations de Faycal sur la vie au maquis et les pratiques sanguinaires de ses acolytes donnent froid dans le dos. Pour l'expert de la « chose terroriste », le combat contre ce mal ne suffit pas des prodiges technologiques. Il se mène et se gagne dans les méandres des consciences enténébrées.R. Hammoudi*« La Repentance » (dialogue entre le terroriste et l'imam), Casbah Editions, 157 pages, 800 DA.


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