Algérie

Connectivité réussie, impact économique manqué



L'asymétrie dans les tarifs d'interconnexion entre opérateurs éloigne davantage la perspective d'une mise en place d'une concurrence saine et loyale sur le marché de la téléphonie mobile.Le développement des nouvelles technologies avec, notamment, la digitalisation ne profite pas ou très peu à l'Algérie, pourtant donnée comme pays à fort potentiel. C'est que l'évolution dans les chiffres, surtout en termes de parc d'abonnés, s'avère être sans grande incidence sur l'économie à cause de l'inertie des autorités à développer un écosystème favorisant l'économie numérique. Le monopole de l'opérateur historique Algérie Télécom, sous l'?il bienveillant de la tutelle, freine l'instauration d'une véritable concurrence entre opérateurs particulièrement en l'absence, entre autres, d'un dégroupage de la boucle locale. Et pour couronner le tout, les catalogues d'interconnexion approuvés récemment par l'ARPT ne favorisent, nullement, l'instauration d'une concurrence saine et loyale dans un marché caractérisé par la destruction de la valeur.
Il a été décidé, en ce sens, 0,95 DZD HT/minute pour Ooredoo et Djezzy, et 1,38 DA HT/minute pour Mobilis soit 45% plus cher que les deux autres opérateurs (tarifs d'interconnexion voix). En plus clair, lorsqu'un abonné d'Ooredoo et de Djezzy appelle un numéro Mobilis, les deux premiers opérateurs payent 1,38 DA/minute (en hors taxe). Inversement, lorsqu'un abonné Mobilis appelle vers Djezzy ou Ooredoo, l'opérateur mobile public verse 0,95 DA/minute (en hors taxe). Quant aux tarifs des terminaisons d'appels entre Ooredoo et Djezzy, ils sont symétriques à 0,95 DA HT/minute. Le plus curieux, c'est que la différence est trop élevée, puisque les tarifs d'interconnexion de Mobilis restent 45% plus chers, alors que l'opérateur est aujourd'hui dans une situation de leader du marché avec 19,4 millions d'abonnés, annoncés il y a quelques semaines par son P-DG lors d'un déplacement à Sétif. Au lieu d'?uvrer pour une concurrence loyale, l'ARPT donne l'impression de favoriser Mobilis puisque la validation de tels tarifs ne servira qu'à financer l'opérateur en question.
Liaison sous-marine avec les Etats-Unis : le câble de trop
Dans cette période de transition qui permet aux opérateurs d'aller au-delà de leur vocation initiale pour se transformer en entreprise numérique, les conditions ne sont pas encore réunies pour permettre ce saut qualitatif. Houda-Iman Faraoun, ministre de la Poste, des Télécommunications, des Technologies et du Numérique, a annoncé, récemment, "la signature, d'ici à la fin de l'année, d'un accord visant l'amélioration du débit de l'internet en Algérie grâce à un câble sous-marin reliant Annaba aux Etats-Unis avec des droits d'exploitation de l'ordre de 34 millions de dollars", et ce, en plus de celui reliant "Oran à la ville de Valence en Espagne". À ce rythme l'Algérie se retrouvera dotée de cinq câbles sous-marins si l'on ajoute aux deux premiers déjà cités, celui qui nous relie à la Tunisie ainsi que ceux d'Annaba-Marseille, d'Alger-Palma avec tout le coût que cela suppose et sans aucun changement ni sur la qualité de la connexion ni sur les tarifs. Or, l'un de nos opérateurs, en l'occurrence Djezzy qui appartient à l'Etat algérien via le Fonds national d'investissement (majoritaire avec 51%), dispose d'un câble (Med Câble), et ce, depuis 2007 et dont l'exploitation vers l'international est interrompue depuis 2010. Cet opérateur ira jusqu'à proposer de le partager avec Algérie Télécom, afin que cela puisse profiter au pays aussi bien en termes de structure de secours (redondance) qu'au niveau des dépenses dès lors que le gouvernement prône "la rationalisation des ressources".
La ministre de la PTICN, qui, dans un passé récent, avait reconnu que l'absence de concurrence à Algérie Télécom expliquait les prix élevés en Algérie comparativement à d'autres pays de la région, a proposé "l'établissement d'un schéma directeur à même de mieux définir le maillage", et ce, depuis déjà 2015. Une stratégie qui n'est pas près d'être mise en ?uvre.
Nabila Saïdoun


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