Algérie

Conjoncture



La fin d?un sommet, le début d?une époque ? Le 17e sommet des Etats de la Ligue arabe s?est achevé mercredi 23 mars à Alger. Le rendez-vous d?Alger était différent des précédents. Même s?il y avait les couleurs et le folklore. L?envahissement policier et l?« esprit » du huis clos. La présence obsessionnelle du paraître des chefs arabes. Et, bien entendu, les inévitables bruits de coulisse. L?Algérie, en dépit d?une diplomatie encore hésitante, a réussi là où c?est généralement difficile de marquer des points : déverrouiller la machine arabe et mettre à nu des contradictions. Il apparaissait déjà, avant les retrouvailles du Palais des nations, que le rendez-vous de la ligue n?était pas une corvée à expédier. Une halte bureaucratique pour respecter l?agenda capricieux d?une charte aux rides apparentes. Les jeunes Arabes découvrent en 2005 que la ligue, qui se confond presque avec Le Caire et ses bâtiments officiels, a 60 ans. 60 ans d?échecs pour les pessimistes, 60 ans de réussites pour les optimistes. Et comme le pessimisme n?est pas oriental, les Présidents, les princes et les rois sont les premiers - et presque les seuls - à dire tout le bien qu?ils pensent d?El Djamiaâ, la ligue, qui, de temps à autre, leur permet de prendre un café ensemble. Et chacun, à sa façon, s?offre des fleurs et des mots. L?Egyptien Amr Moussa, secrétaire général de la ligue, ne s?est autorisé aucune autocritique. Que durant son mandat l?Irak ait perdu sa souveraineté n?est point important. Pas aussi important le drame des populations du Darfour soudanais ni le danger qui guette le Liban et la Syrie. Amr Moussa est, en revanche, scandalisé : la ligue manque d?argent ! La crise, en somme. Mais, au fait, combien coûte cette ligue à la communauté arabe ? Et combien coûtent les voyages interminables des principaux responsables de cette ligue ? Les Algériens savent au moins que les lignes vertes sur les routes, le carrelage rouge sur les trottoirs et la peinture blanche sur les murs d?Alger ont coûté 200 milliards de centimes. Cela a fatalement fait le bonheur des habitants d?Alger, ravis de se retrouver dans une ville propre et lumineuse, et, bien entendu, celui des entrepreneurs. Amr Moussa, qui, au passage, a bien man?uvré pour évacuer la question du secrétariat tournant de la ligue de l?ordre du jour, a salué, cité par l?APS, la réussite du sommet d?Alger. Compréhensible, même si l?Egypte a perdu des plumes en n?obtenant pas un soutien franc des pays arabes pour la candidature au Conseil de sécurité de l?ONU. Tous les dirigeants arabes ont dit, ou presque, la même chose que Amr Moussa. Il n?y a que Washington qui trouve à redire. « Le communiqué final ne semble pas réaffirmer le soutien vers une plus grande démocratisation et vers une plus grande liberté au Moyen-Orient », a souligné, mercredi soir, le porte-parole adjoint du département d?Etat, Adam Ereli, repris par les agences. L?attitude des Etats-Unis, qui n?ont envoyé aucun responsable à Alger, peut se comprendre par la fin de non-recevoir à l?offre jordanienne de « normaliser » les relations avec Israël et par le souci de faire la promotion du projet stratégique du Great Middle East (Grand Moyen-Orient). La thèse néoconservatrice, qui domine à la Maison-Blanche et qui recadre, depuis un certain temps, la politique extérieure des Etats-Unis, ne reconnaît pas le poids des ensembles du type Ligue arabe. Au-delà de ce fait, qui témoigne que le climat international n?est plus le même, la grande question qui préoccupe les observateurs est de savoir si les réformes à introduire à la Ligue arabe, réduite depuis sa création à un appareil d?exécution qui échappe au contrôle populaire, vont entraîner celles des mentalités qui dominent les Palais moyen-orientaux et nord-africains. C?est simple : les réformes sont-elles possibles sans libertés ? « (...) Poursuivre le processus de développement et de modernisation dans le monde arabe afin de consacrer la pratique démocratique, l?élargissement de la participation politique, la promotion des droits de l?homme et du rôle de la femme dans la société », est-il écrit dans la Déclaration d?Alger. Ce contenu paraît bien généreux par rapport à la réalité terrible des régimes arabes. Inutile de s?étaler sur l?absence presque totale des libertés dans la région arabe et sur les atteintes permanentes aux droits humains. Alors, la Déclaration d?Alger annonce-t-elle le début d?une nouvelle époque ? Et y a-t-il réellement volonté de dépasser l?encre, le papier et la promesse pour du concret ? Ou faut-il croire simplement Mouammar Kadhafi, aux commandes de la Libye depuis 36 ans, qui a déclaré à Alger que « les Arabes sont des gens sans valeur » ? Avant Khartoum 2006, lieu du prochain sommet, la ligue et ses membres passeront un véritable test de vérité. Il sera le dernier. Peut-être. Car, au-delà, personne ne prendra au sérieux cette ligue.


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