Omagh (Irlande du Nord) 1989, Karachi 2002, Bagdad 2003, Madrid 2004, Le
Caire 2009... Un point commun : des victimes de ces attentats témoignent. La
conférence sur le terrorisme, organisée à Paris, en commémoration du dixième
anniversaire de l'attentat contre le DC10 de l'UTA en 1989, servait avant tout
à cela. «En parler pour ne pas oublier», disaient-ils en choeur. Et puis pour
savoir «qui est derrière...». Ou pour relever tout de même les «discriminations
dans la prise en charge des victimes », comme lors de l'attentat qui a visé
l'ONU à Bagdad, où, «les fonctionnaires occidentaux étaient mieux soignés que
les Irakiens», selon Nathalie Fustier, elle-même victime lors de cet attentat.
Remontant loin dans l'histoire, les organisateurs, en l'occurrence l'Afvt
(Association française des victimes du terrorisme) et le NAVT (European network
of victims of terrorism), ont même invité des victimes des brigades rouges
italiennes, un homme dont le père a été tué en 1976. Mieux, ils ont exhumé
l'attentat du Milk bar d'Alger en 1956. Nicole Guiraud, âgée alors de 10 ans, y
avait perdu un bras. Son témoignage, destiné à émouvoir le plus grand nombre, a
du coup éclipsé celui de Pierre-François Ikias, un Congolais qui a perdu sept
membres de sa famille lors de l'attentat du DC10, et qui n'a pas trouvé les
mots pour dire sa peine. «Pourquoi dans ce cas ne pas avoir invité des victimes
de l'OAS ?», interrogera une journaliste. «Pas le temps...», se justifie
maladroitement Guillaume Benoit de Saint-Marc, président de l'AFVT. Et celles
des attentats en Corse, questionnera un autre ? «Pas nombreux... Et puis en
Corse, il y a aussi la mafia (sic) », rétorque confusément le même
interlocuteur. Quant à Chérifa Kheddar, visiblement pas sur le même registre
dans ce panel, n'a pas réussi à porter le débat sur les thèmes qui la
préoccupent : l'impunité et le déni. «On assiste à une négation officielle de
ce qui s'est passé», a-t-elle déclaré. En ces temps de réconciliation forcée,
«personne ne veut nous écouter. Les victimes et les terroristes sont renvoyés
dos à dos. Les victimes ne sont pas reconnues en tant que telle parce qu'on
veut occulter l'histoire ; leur douleur n'est pas respectée. Pis, maintenant on
nous interdit même d'en parler. Ainsi, s'il n'ya pas de témoins, pas de
violence...».
Pourtant, si les victimes
arrivent, malgré tout, à décrire leur situation, le cafouillage est total
lorsqu'il s'agit de théoriser le phénomène du terrorisme. «Comment le définir
?». C'est la question à laquelle se sont heurtés tous les spécialistes, fonctionnaires
d'instances internationales fussent-ils ou chercheurs. «A la suite des
attentats de Londres et de Madrid, l'Europe a bien essayé d'élaborer une
stratégie pour lutter contre le terrorisme au niveau européen, mais elle n'a
pas réussi à se mettre d'accord sur un cadre juridique réel», avoue Marie-Ange
Balbinot, chef de secteur dans l'unité de lutte contre le terrorisme et
Directeur général Justice-Liberté-Sécurité à la Commission européenne. Elle a
en tout cas réussi à éviter l'écueil sur lequel voulaient la faire buter de
nombreux participants, à savoir désigner un coupable du terrorisme
international, lequel est évidement tout trouvé : La Libye et son président,
Mouammar Khaddafi. L'historienne et présidente du Mouvement pour la paix et
contre le terrorisme, Malka Markovic, n'a pas pris de gants, elle, pour
dénoncer la «réalpolitique qui consiste à réhabiliter le guide libyen sur la
scène internationale». Selon elle, «l'enjeu politique dépasse le cadre
européen...».
Interrogé sur ce que pense «la
rue arabe» du terrorisme, Henry Laurens, professeur au Collège de France,
spécialiste du Moyen-Orient et président de l'Association Samir Kassir,
rappelle que : «parmi les leaders arabes, personne ne reconnait être
responsable de terrorisme. Pour eux, il s'agit d'actes révolutionnaires ou de
guerre. Il y a un problème de vocabulaire. Les acteurs ont leur définition
propre de ces actes et les chercheurs en sciences sociales ont la leur. Toute
la difficulté est qu'il n'existe pas de définition juste». Il n'hésitera pas
toutefois à accuser indirectement El Djazira, «par sa façon de montrer
certaines images», d'encourager le terrorisme. Lors des attentats du 11
septembre, à Beyrouth, tout les Libanais, chrétiens et musulmans, étaient
contents parce que, pour une fois, c'étaient les autres qui étaient visés».
Même la charte universelle des Nations unies, qui a prévu dans son préambule le
recours au terrorisme comme «suprême recours», mais «comme il est difficile de
définir le suprême recours...». D'où l'interrogation de Jean-Pierre LLedo,
présent dans la salle : «Faut-il croire alors qu'il existe un bon et un mauvais
terrorisme ?». Si le cinéaste est convaincu que non puisque, selon lui, «rien
ne peut justifier le terrorisme», sa réponse est toute faite : «Pour certains
oui». Il en veut pour preuve l'attitude des autorités algériennes qui
«dénoncent le terrorisme des islamistes mais n'assument pas le terrorisme du
FLN pendant la guerre d'indépendance...».
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Posté Le : 22/09/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Baya Gacemi, Paris
Source : www.lequotidien-oran.com