En guise de préambule...
Algérie et Maroc qui combattent côte à côte, Mirage 5 libyens pilotés par des Egyptiens, intervention militaire limitée envisagée contre la Libye, voire le Maroc par les Etats-Unis, volontaires d'Idi Amin Dada... Cette histoire méconnue ou en partie oubliée de l'Afrique et de la Guerre du Kippour (ou Guerre du Ramadan) mérite que l'on s'y attarde à l'occasion du quarantième anniversaire du conflit. Anniversaire qui est également l'occasion de faire le point sur les inventaires des forces armées, plus ou moins fortunées, de ces pays au début des années 1970... En annexe figure un ordre de bataille des forces africaines (hors-Egypte) dans la Guerre du Kippour.
La brève étude qui suit est également en ligne sur le Blog Défense de Jeune Afrique, dans une version moins spécialisée, plus courte, centrée sur l'Algérie et le Maroc dans le conflit, ici :
http://www.jeuneafrique.com/Article_ARTJAWEB20131106184654_nasser-israel-egypte-guerre-des-six-joursguerre-du-kippour-quand-le-maroc-et-l-algerie-se-battaient-cote-a-cote.html
Deux T-55A/T-55A modèle 1970 syriens détruits dans le Golan ; la brigade d'infanterie motorisée marocaine déployée aux côtés de la 7ème Division d'Infanterie syrienne, au nord du dispositif d'attaque, engerbe un bataillon de ces chars fournis par Damas. Ils seront parmi les premiers engagés lors du déclenchement de l'offensive, le 06 octobre 1973 à 14 heures 00. En face, bien qu'écrasés par la supériorité numérique des forces arabes, les Israéliens s'accrochent. Les Marocains subissent des pertes tout en en infligeant également. Un des premiers chars israéliens détruit au cours de ce conflit (un Sho't Kal du 74ème Bataillon attaché à la 7ème Brigade Blindée) l'est ainsi par un des T-55 de la brigade marocaine. (Photo via IDF Armor http://idf-armor.blogspot.fr/)
La Guerre des Six Jours : d'un affrontement à l'autre
Juin 1967 : en six jours, l'Egypte, la Syrie et la Jordanie sont battus par Israël. La défaite militaire est totale et les conséquences géopolitiques considérables. L'idée d'une revanche naît dans les mois qui suivent. Tout d'abord vague, elle se précise au fil du temps dans l'esprit du successeur de Nasser, le Président Anouar el-Sadate. En 1972, elle se transforme en certitude : la guerre aura lieu contre Israël. Elle aura pour but de bousculer l'Etat hébreu, de restaurer la fierté des pays arabes, de récupérer les territoires perdus en 1967. Le général Shazly, brillant chef d'état-major égyptien parvient à convaincre Sadate du bien fondé d'un soutien des pays arabes, y compris sur le continent africain. Il entame alors une tournée diplomatico-militaire qui le conduit de Moscou, à partir du 02 février 1972 à Tripoli le 12, en passant par Alger et Rabbat. Il rentre finalement en Egypte le 14 février 1972. Son compte-rendu, globalement positif, ne suscite qu'un intérêt limité chez Sadate. A l'évidence, le Président égyptien ne s'enthousiasme pas de voir d'autres pays que le sien (et, par nécessité stratégique, que la Syrie) tenir des rôles principaux face à Israël. Réticence qu'explique sa volonté de s'inscrire en leader incontestable du monde arabe. Malgré la défiance du Caire, l'Algérie et le Maroc assumeront correctement leur place d'alliés, tandis que d'autres pays « improbables » s'impliqueront également.
L'Algérie : un exploit de planification et logistique
Bien que prudent, Boumédiène se montre accueillant envers Shazli lorsque celui-ci arrive à Alger le 06 février 1972. Dans ses mémoires, l'officier égyptien cite le Président algérien : « (…)
lorsque la guerre éclatera, nous enverrons chaque soldat que nous pourrons afin de combattre aux cotés de nos frères égyptiens. » Durant deux jours, Shazly inspecte l'armée algérienne et, toujours dans ses mémoires, il se déclare impressionné par ce qu'il observe. Les forces algériennes seront donc de la partie... Néanmoins, Boumédiène pose une condition. Il veut être averti au moins trois mois avant le déclenchement de l'opération. Condition que Sadate rejettera catégoriquement dans un premier temps. Finalement, le 17 septembre 1973, Shazly est de retour : il informe Boumédiène que la guerre surviendra endéans trois mois... Le Président algérien se montre plus mesuré qu'un an et demi plus tôt. Il s'interroge notamment sur la destruction de 12 MiG syriens quelques jours auparavant. Evènement qui, selon lui, n'est pas le gage d'un bon état de préparation des forces arabes... Il accepte toutefois de prendre contact avec Sadate dans le but de mettre au point les détails de la participation de ses forces armées.
De fait, à l'aube de la guerre, l'aviation égyptienne est présente à proximité de la future zone des combats. Sont basés en Libye un escadron de MiG-21F-13 et un escadron de MiG-21PF qui protègent un escadron d'avions d'attaque Su-7BMK et un escadron de chasseurs-bombardiers MiG-17F, avec un poste de commandement avancé implanté en Egypte. Ces appareils entrent dans la danse dès le second jour de l'offensive (le 07 octobre 1973). Ils sont redéployés depuis la Libye jusqu'en Egypte entre le 09 et le 11 octobre. En tout, environ 80 appareils et un millier d'hommes de l'Armée de l'Air, commandés par Mohamed Tahar Bouzroub, sont mis à contribution. Lors de la signature du cessez-le-feu, les pertes s'élèvent à un MiG-17F et 2 Su-7BMK détruits en vol ; les deux pilotes des Su-7 ayant été tués.
Deux Su-7BMK photographiés au décollage en Egypte après la Guerre du Kippour ; en dépit de la faible charge offensive qu'ils sont en mesure d'emporter (seulement 2 000 kilos, alors que la charge offensive des A4 Skyhawk, avions d'attaque des forces aériennes israéliennes, est de plus du double) et d'un rayon d'action limité, les pilotes les apprécient pour leur maniabilité (notamment à basse altitude) ainsi que leur robustesse. (Photo : ?)
Des éléments terrestres sont également dépêchés alors que l'offensive a été déclenchée (probablement beaucoup plus tôt que ne le supposait Boumédiène). Dans ce but, tous les camions civils de transport de véhicules lourds (jusqu'à 65 tonnes) sont réquisitionnés dans l'est du pays. Ils serviront de porte-chars, permettant ainsi le déploiement de la 8ème Brigade Blindée (8ème BB) qui se prépare dès le 12 octobre. Au terme d'un long périple via la Tunisie puis la Libye, 3 000 hommes, 128 chars (des T-54 et T-55), 670 véhicules divers, 12 pièces d'artillerie et 16 pièces antiaériennes atteignent l'Egypte le 25 octobre. Ils prennent position dans les environs du Caire dans la nuit du 06 au 07 novembre, relevant des unités paramilitaires de la Garde Républicaine égyptienne. Leur arrivée est perçue avec soulagement : même si cela ne se produira pas, les Egyptiens craignent que les Israéliens, désormais victorieux, n'enfoncent le verrou de Suez (qui résiste pourtant, avec des combats de rue meurtriers pour les troupes de Tsahal) avant de progresser en direction du Caire... La 8ème BB apporte donc un peu d'oxygène à une armée égyptienne épuisée et amoindrie.
Le mouvement stratégique d'éléments irakiens qui viennent renforcer les forces syriennes, arrivant au contact des Israéliens le 12 octobre 1973, est considéré comme une réussite de planification et de logistique. Celui de la 8ème Brigade Blindée est un exploit. Si les effectifs et matériels n'ont pas le même volume que celui de l'armée irakienne, la distance est beaucoup plus grande, tandis que les moyens globaux de l'armée algérienne sont bien inférieures à ceux de l'armée irakienne (en 1973, le budget de la défense algérien est estimé à environ 100 millions de dollars alors qu'il est d'environ 338 millions de dollars en Irak). Ce n'est pas tout : début novembre 1973, Alger verse 200 millions de dollars à l'URSS pour financer des équipements militaires destinés à l'Egypte et à la Syrie... Enfin, deux équipes médicales sont signalées sur le front syrien.
Dans cette logique, le pourcentage de matériels, par rapport à ce que comprend alors l'inventaire algérien n'est pas négligeable. Son parc de blindés se constitue de 100 T34/85, 300 T-54 et T-55 auxquels s'ajoutent des canons d'assaut : 85 Su-100, 20 JSU-122 et 15 JSU-152 (6 selon SIPRI), 50 AMX13 (dont 6 fournis par le Maroc, à titre d'aide, en 1962), et enfin, 350 véhicules blindés de transport de troupes BTR-152. Les 128 T-54 et T-55 de la 8ème BB représentent donc plus de 30 % du nombre de chars modernes en service en Algérie. L'artillerie est dotée de pièces d'origine soviétiques : canons de 85 mm, 100 obusiers A19 et 60 M30 de 122 mm, 20 obusiers ML20 de 152 mm, 48 lance-roquettes multiples BM-14 de 140 mm et 30 BM-24 de 240 mm...
Ces matériels sont organisés en 1 brigade blindée, 3 bataillons de chars indépendants (probablement les T-34/85), 1 bataillon parachutiste, 4 brigades d'infanterie motorisée, 50 bataillons d'infanterie indépendants, 12 compagnies méharistes, 5 bataillons d'artillerie, 5 bataillons d'artillerie antiaérienne et enfin, 3 bataillons du génie.
La contribution des forces aériennes est également conséquente : Alger engage dans le conflit 100 % de son aviation moderne, à savoir ses 2 escadrons d'intercepteurs MiG-21 et son escadron de chasseurs-bombardiers Su-7BMK ; soit une quarantaine de MiG-21 et une vingtaine de Su-7. Les autres appareils de l'Armée de l'Air algérienne sont alors : 30 bombardiers Il-28 (2 escadrons), 70 MiG-17 (répartis en 4 escadrons), 25 MiG-15 (répartis en 2 escadrons), 26 Fouga Magister (2 escadrons) pour l'entraînement et l'attaque légère, probablement une vingtaine de Yak 11 et Bu-181 pour l'entraînement de base, 1 escadron de transport avec 8 An-12 et 5 Il-18, 4 escadrons d'hélicoptères avec 4 Mi-1, 42 Mi-4, 6 Hughes 269A et 5 SA-330 Puma. Enfin, la défense aérienne possède un petit bataillon de missiles sol-air SA-2 avec un stock de 100 missiles.
Le Maroc : Hassan II tient (en partie) ses promesses
Le 09 février 1972, le général Shazly est au Maroc. Il explique au roi Hassan II que le Sinaï pourrait être reconquis par la force. Enthousiaste, le monarque répond «
Les forces armées marocaines sont à votre disposition ». Comme en Algérie, l'Egyptien demande alors à inspecter l'armée chérifienne, ce qui lui permet de déterminer quelles seraient celles utiles à l'opération. Puis, il retourne voir Hassan II en requérant un escadron de F-5A et une brigade terrestre. Le roi accepte. Septembre 1973 : immédiatement après avoir revu Boumédiène, Shazly retrouve Hassan II. Ce dernier lui explique qu'en raison de l'implication de pilotes de F-5 dans la tentative de coup d'état du 16 juillet 1972, tous sont aux arrêts... L'escadron de chasseurs-bombardiers F-5A n'est donc plus opérationnel. Sauf preuve (documentée) du contraire, aucun F-5A marocain n'est donc expédié en Egypte durant le conflit.
En revanche, la brigade promise est en Syrie depuis l'été 1973, sous les ordres du général Sefrioui. Sa mise en place n'a pas été facile : les relations entre Rabbat et Damas sont complexes. Le roi du Maroc aurait même forcé la main d'Hafez el-Assad en acheminant par avion en Syrie un élément précurseur, tandis que le gros des troupes est transporté par des navires soviétiques jusqu'à Latakieh où il débarque en juillet 1973 (juin selon d'autres sources). Les 30 chars T-55 sont fournis par l'armée syrienne, mais les équipages sont marocains.
Conscient de la valeur des forces marocaines, Shazly demande si d'autres unités terrestres pourraient renforcer le dispositif arabe. Hassan II répond favorablement. Il met à disposition de Shazly une seconde brigade d'infanterie motorisée, cette fois-ci pour le front du Sinaï. Dès le lendemain, les détails de son déploiement sont examinés sous l'égide Shazly. Le général égyptien soumet le 1er octobre comme date de départ. Hassan II refuse : il souhaite accorder une permission aux hommes qui la composent. Ils pourront ainsi passer du temps avec leur famille avant d'être envoyés à la guerre... Il choisit donc le 1er novembre 1973. L'Egyptien sait que la guerre est prévue pour octobre (la date définitive sera arrêtée que le 22 septembre). Cependant, pour maintenir secrète la période du déclenchement de l'opération, il ne peut rien dire. La brigade partira bien, en urgence, après le déclenchement de la guerre. Mais elle arrivera trop tard pour participer aux combats dans la zone du canal de Suez.
La brigade motorisée du Golan est attachée à la 7ème Division d'Infanterie syrienne. Elle livre de durs combats face aux Israéliens du 74ème Bataillon de Chars
Saar (attaché à la célèbre 7ème Brigade Blindée). Ses chars Sho't Kal (des Centurion modifiés par les Israéliens) sont supérieurs aux T-55, aussi bien en terme de blindage que d'efficacité des tirs (meilleure optique) mais aussi quant à l'ergonomie des engins. Ce qui n'empêche pas le T-55 d'Ahmed Ashan de détruire un Sho't Kal alors que les Marocains sont les premiers arabes à engager directement les forces israéliennes sur le plateau du Golan, dans les environs de Tel Shaeta. Des deux côtés, les actes de bravoure se multiplient. Pourtant la brigade marocaine n'avance pas : ne lui ont été assignés que des objectifs limités. En outre, elle a reçu la consigne de ne pas progresser sans en en référer à Damas...
Le 11 octobre, l'unité est face au 77ème Bataillon de Chars. Là encore, les combats sont acharnés. Le 20 octobre, elle est intégrée au dispositif de la 9ème Division d'Infanterie syrienne. Dispositif qui s'organise pour lancer une contre attaque dans le saillant de Saassaa. Prévue pour le 25 octobre, l'opération doit permettre de reprendre l'initiative face à des Israéliens qui menacent désormais Damas, après avoir rétabli une situation pourtant désespérée le 06 octobre. Cependant, Hafez el-Assad réalise parfaitement que la conjoncture militaire est devenue catastrophique. En conséquence de quoi il accepte un cessez-le-feu qui prend effet le 23 octobre 1973, à minuit... La contre offensive n'a donc pas lieu et là s'arrêtent les combats de la brigade d'infanterie motorisée marocaine. Malgré de très durs affrontement, elle a conservé sa cohésion tout au long de la guerre. En tout, 5 500 hommes sont expédiés dans le Golan et en Egypte.
Pour mémoire, lors du déclenchement de la Guerre du Kippour, le Maroc dispose de 120 chars T-54 ainsi que 25 canons d'assaut SU-100 et 50 M56 d'origine américaine (parfois surnommés « Scorpion »). S'ajoutent 120 chars légers AMX-13, 36 EBR-75, une cinquantaine d'AML 60 et AML 90, une quarantaine de vieilles M8. L'infanterie portée dispose de 40 M3 Halftrack et de 95 véhicules blindés de transport de troupes tchèques. L'artillerie se compose de pièces de différentes origines et de différents calibres, absence de standardsation qui ne facilite pas la logistique : 30 automoteurs AMX Mk61 de 105 mm, une centaine de canons de 76 mm, 85 mm et 105 mm, d'obusiers de 75 mm et 105 mm, de 30 obusiers ML20 de 152 mm, de 36 lance-roquettes multiples BM-21 de 122 mm les unités d'infanterie alignant des mortiers de 81 mm, 82 mm et 120 mm. La défense antiaérienne est insignifiante, avec une cinquantaine de canons de 37 mm dont 12 KS19 de 100 mm.
L'Armée de Terre se structure en 1 brigade blindée, 1 brigade parachutiste, 1 bataillon de la Garde Royale, 3 brigades d'infanterie motorisée, 1 brigade d'infanterie légère, 9 bataillons d'infanterie, 5 bataillons méharistes, 3 bataillons de cavalerie du désert, 5 groupes d'artillerie et 2 bataillons du génie.
Sur le « front intérieur » le Maroc est synonyme d'inquiétude pour Washington... Le 08 octobre, un rapport de la CIA souligne le mécontentement d'Hassan II à propos du soutien diplomatique américain à Israël, notamment via les manœuvres des navires de la VIème Flotte. De manière plus générale, les analystes de l'organisme de renseignement mettent en garde : des réactions anti-américaines pourraient survenir si d'aventure « un désastre devait s'abattre » sur la brigade dans le Golan. Les bases américaines et en particulier Kenitra sont désignés comme des cibles potentielles de la vindicte populaire. Enfin, ils estiment que le roi pourrait être mis en difficulté, voire renversé, si sa politique ne se démarquait pas distinctement de celle de Washington. Ses détracteurs auraient matière à l'accuser de trahison vis à vis de la cause arabe, avec toutes les conséquences inhérentes... Au 21 octobre, les services de sécurité de Kenitra et des représentations diplomatiques au Maroc sont en alerte. Pourtant, il n'y aura aucun incident.
Les brigades algérienne et marocaine en Egypte : après la tempête ?
L'offensive égyptienne du 14 octobre qu'exige Sadate, contre l'avis de Shazly, échoue. Les pertes sont lourdes : 264 chars, 200 véhicules blindés divers sont détruits, 500 hommes tués. Les Israéliens exploitent aussitôt ce revers : il va conduire, quelques jours plus tard, à la traversée du canal de Suez, cette fois-ci par les forces de l'Etat hébreu. L'établissement d'une tête de pont ne se fait pas sans difficultés : si les Israéliens excellent à manoeuvrer et qu'ils ont désormais intelligemment corrigé les lacunes des premiers jours de la guerre, Egyptiens et Koweïtiens défendent bravement leurs positions. Ils n'empêchent pas les 143ème et 252ème Divisions Blindées israéliennes de franchir la large coupure humide, ils n'empêchent pas non plus l'isolement de la IIIème Armée égyptienne. Cependant, en dépit de l'atmosphère de défaite, ils gagnent du temps. Le temps nécessaire pour que s'activent les grandes puissances sur la scène internationale, avec en toile de fond, des frictions de plus en plus dangereuses entre les Etats-Unis et l'URSS. Sadate et Assad ont vengé l'humiliation de 1967 mais ils savent qu'ils ne gagneront pas la guerre. Il leur reste alors à ne pas la perdre catastrophiquement.
Or, sur le terrain la situation est mauvaise. Au nord, les forces arabes (dont la brigade marocaine) s'apprêtent à lancer une contre offensive pour tenter de stopper les Israéliens, mais les généraux syriens n'ignorent pas que les chances de succès sont minces, voire inexistantes. Aussi, à Damas, les vieilles armes en réserve sont-elles distribuées aux miliciens du parti Baath. S'il le faut, le régime se battra dans les rues de la ville que frappent les canons à longue portée M107 de 175 mm. Sur le front du Sinaï, le même état d'esprit prédomine. Il importe de causer le plus de pertes possibles aux troupes israéliennes, et ainsi, rendre insupportable la continuation de la guerre. C'est là une manière de contraindre Moscou à faire pression sur Washington qui à son tour obligera Israël à accepter un cessez-le-feu... Parallèlement peut s'organiser la riposte arabe avec la menace d'un embargo pétrolier.
Gagner du temps est devenu l'enjeu majeur du conflit. Dans ce contexte, les renforts algériens et marocains constituent un peu d'oxygène pour des forces égyptiennes aux abois.
Israël n'a aucun intérêt à combattre jusqu'aux portes des capitales ennemies ; ses dirigeants ne le souhaitent pas. Néanmoins, Sadate et el-Assad l'ignorent ; pire, ils redoutent ce cas de figure. Washington l'estime peu probable, mais envisage également la possibilité d'une « punition » trop sanglante de la part de Tel Aviv... De fait, si les batailles du Caire et de Damas n'ont pas lieu, la bataille de Suez préfigure ce qu'elles auraient pu être. Batailles dans lesquelles les contingents marocains et algériens auraient eu un rôle important (surtout en Egypte, puisque troupes fraîches). A Suez, donc, le 24 octobre, des éléments de la 500ème Brigade Blindée et de la 247ème Brigade Parachutiste (mécanisée) israéliennes se heurtent à des défenseurs égyptiens improbables mais pourtant bien là : volontaires civils intégrés à la Garde Républicaine, policiers, militaires d'unités de seconde ligne et de soutien...
Suez, 24 octobre 1973, explosion et panache de fumée ; la bataille est un revers meurtrier pour la 500ème Brigade Blindée et la 247ème Brigade Parachutiste. (Photo : ?)
Un bataillon de chars de la 500ème Brigade tombe vite dans une embuscade qui lui coûte deux Sho't Kal. Les fantassins mécanisés (une compagnie par bataillon de chars) ne quittent pas leurs véhicules blindés pour rester à l'abri de la grêle de balles... Dix-huit sont tués. Les parachutistes, eux, giclent des OT-62 capturés, pour se retrouver isolés et assiégés dans un commissariat de police... L'attaque lancée sans véritable préparation (manque de renseignements et défaut de planification) ressemble à ce qui a été fait en 1967 (et à ce que prescrit la doctrine soviétique) : foncer le long des axes principaux d'une ville pour s'emparer de ses points névralgiques (bâtiments à caractère politique ou symbolique, etc). Les Israéliens le paient cher : plusieurs blindés sont détruits et 80 hommes périssent.
A l'inverse, les Egyptiens ont optimisé le peu de moyens dont ils disposaient. Ils ont exploité la nature particulière de l'environnement urbain. Moins bien entraînées, leurs équipes de RPG-7 et de voltigeurs ont un avantage : elles connaissent parfaitement bien le terrain. Par ailleurs, ces combattants improvisés sont « gonflés à bloc ». Ils défendent leur ville, leur quartier, leur famille, tout en étant façonnés par un nationalisme cultivé avant même le règne de Nasser. Ce qui se déroule à Suez se serait assurément reproduit au Caire et à Damas1, avec des militaires amalgamés à des forces paramilitaires affrontant les Israéliens2 en profitant du terrain.
Ces endroits auraient pu devenir autant de Stalingrad, cristallisant les efforts israéliens, obligeant Tel Aviv à pilonner des zones d'habitations (avec pour conséquences des dommages collatéraux et une réprobation internationale accrue). Batailles qui auraient garanti la survie des régimes égyptiens et syriens : le temps ainsi « grappillé » aurait permis aux Soviétiques de faire plus que taper du poing sur la table. Même si Brejnev ne veut pas d'une guerre, la tension est à son comble : le 25 octobre 1973, le niveau d'alerte des forces américaines passe en DEFCON 33.
C'est dans ce contexte de combats désespérés mais déterminés que se seraient battus les hommes des brigades algériennes et marocaines, étoffant des dispositifs arabes affaiblis mais efficaces dans la défensive. Si ces unités arrivent « après la tempête », elles ont néanmoins été dépêchées alors que la guerre était en cours. De part la proportion des forces qu'elles représentent, respectivement pour l'Algérie et le Maroc, elles n'ont rien d'anecdotique et, comme nous venons de le voir, à défaut d'un cessez-le-feu, elles auraient joué un rôle important dans une hypothétique « bataille du Caire ».
Equipe antichar de la Garde Républicaine, à Suez ; constituée d'un tireur RPG-7 et d'un pourvoyeur prêt à introduire une nouvelle roquette dans le tube... Aux côtés de voltigeurs légèrement armés, ces équipes causeront de lourdes pertes aux Israéliens lors de la bataille de Suez. (Photo : ?)
1Et se reproduira sous d'autres cieux, des années plus tard : Somalie, Tchétchénie, Syrie... A noter que d'importantes batailles en zones urbaines ont lieu au Moyen-Orient au cours des années 1970 et 1980 : Amman en 1970 (« Septembre noir »), Sidon en 1976 et Zahlé en 1980-1981 au Liban, Hama en 1982 (Syrie)...
2Qui cette fois-ci retiendront la leçon et sauront ne pas l'oublier en 1982, à Beyrouth.
3DEFCON : Defense Condition ; avec cinq niveaux d'alerte ; DEFCON 2 ayant été atteint lors de la crise des missiles de Cuba, DEFCON 3 le 25 octobre 1973 et le 11 septembre 2001...
La Libye : intervention militaire américaine envisagée
La guerre est peine déclenchée que Washington anticipe déjà des difficultés avec la Libye. Ainsi, lors d'une réunion de travail, le secrétaire à la Défense (ministre de la Défense), James Schlesinger évoque un éventuel renversement de Kadhafi, précisant ensuite qu'il importe de prévoir toutes les éventualités si la Libye se faisait menaçante. Un peu plus tard, dans l'après-midi du 06 octobre, Kissinger et ses conseillers réfléchissent à la perspective d'une action militaire en Libye (ainsi qu'au Liban et éventuellement au Maroc) afin d'évacuer les ressortissants américains qui y résident (environ 2 000 en Libye). Opération qui serait confiée aux éléments de la 82ème Division Aéroportée et de la VIème Flotte en Méditerranée. A ce moment là, les Etats-Unis envisagent donc bel et bien une action militaire limitée en Libye si la situation l'exigeait...
Craintes qui ne sont pas sans fondements... En effet, Kadhafi est extrêmement remonté contre Washington qui soutient Israël. Mais pas seulement... Quelques mois plus tôt, lors de la visite de Shazly, il affirme à l'Egyptien qu'Hassan II n'honorera pas ses promesses. Lui, en revanche semble prêt à donner beaucoup. Mais Shazly est pour le moins mitigé : l'armée libyenne, trop petite, ne peut pas apporter grand chose au projet. Elle possède toutefois un atout : des Mirage 5 acquis en France à partir de 1969. Or, le Mirage est perçu par les vaincus de 1967 comme une « arme miracle ». Il en faut donc.
Faute de suffisamment de pilotes, ceux de la Libye sont en partie cloués au sol. Shazly suggère alors que la Libye fournisse des passeports à des pilotes pilotes égyptiens qui iraient ainsi s'entraîner en France avec la nationalité libyenne. L'embargo sur les armes à destination des protagonistes de 1967, décrété par la France, serait ainsi contourné et l'Egypte aurait « ses » Mirage... Les instructeurs de l'Armée de l'Air française ne sont pas dupes : ils surprennent des conversations en russe entre leurs élèves. Or, à l'époque, la Libye n'a encore que peu de liens avec l'URSS. Les Français en déduisent que leurs ouailles sont des Egyptiens ! Néanmoins, les apparences sont sauves. Lors du conflit, l'Egypte alignera ainsi deux escadrons de Mirage 5 « libyens » pilotés par des Egyptiens (20 Mirage 5DE, 20 Mirage 5D et 2 Mirage 5DD) ! Outre cette aide, la Libye autorise l'édification de « maquettes » grandeur nature d'installations israéliennes (bases et centres de défense antiaérienne), dans le désert. Les pilotes de chasse égyptiens peuvent ainsi s'exercer à les attaquer avec des munitions réelles...
Kadhafi s'investit donc dans la préparation du conflit. Pourtant, il n'est pas prévenu (ou alors à la dernière minute) du déclenchement de la guerre. Ombrageux, il s'en offusque et, très rapidement, il exprime ses doutes quant aux motivations véritables des Egyptiens et Syriens. Selon lui, ceux-ci n'ont que leur intérêt personnel à l'esprit, mais ils se fichent de la défense du peuple palestinien. Il ne manque pas non plus de tancer la Jordanie qui n'est pas encore entrée dans la guerre, invitant les soldats du royaume hachémite à prendre eux-même l'initiative de l'affrontement !
Cultivant l'art de se faire des amis, Kadhafi est l'un des premiers responsables arabes à évoquer un embargo pétrolier. A cette date, les Etats-Unis reçoivent de Libye environ 300 000 barils par jour (BPJ), soit autant que l'Arabie Saoudite à la même époque. A priori, cette quantité est relativement faible par rapport aux 17 millions de BPJ nécessaires aux Etats-Unis, dont 4,85 millions importés. Cependant, la situation est beaucoup plus critique pour l'Europe ou pour le Japon. Washington pense aussi que Kadhafi n'hésitera pas à faire abattre un avion américain, s'il en a l'occasion. Le pont aérien américain en faveur d'Israël bat alors son plein...
Au même moment, la 3ème Brigade d'Infanterie Mécanisée libyenne se déploie à Tobrouk, non loin de la frontière égyptienne. Par ailleurs, certaines sources évoquent la participation d'un bataillon libyen d'artillerie automotrice, avec 18 obusiers M109, lors de la bataille de la « ferme chinoise ». Pour l'heure, l'auteur de ces lignes n'a pas été en mesure d'en avoir la confirmation. Quoi qu'il en soit, à compter du 20 octobre, le futur « guide libyen » se montre moins enclin à une action brutale en Egypte contre Israël. Une intervention militaire américaine, motivée par l'embargo pétrolier, lui semble probable... Il ne peut donc pas disperser ses forces.
Les troupes de Kadhafi disposent bien de matériels relativement nombreux, mais, le volume réduit de ses effectifs (environ 20 000 hommes pour l'Armée de Terre) ne permet pas d'absorber tout cet équipement (problème récurent de l'armée libyenne) : 6 Centurion Mk3, 100 T-54 et 100 T-55, 15 T-34/85 (sur 65 commandés), 40 Saladin, 20 AML-90, 15 blindés légers Shorland, 15 Ferret et BTR-40, 15 véhicules blindés de transport de troupes Saracen, de 170 à 220 M113A1, 50 OT-62A Topas, quelques BMP-1 pour les engins de combat tandis que l'artillerie compte 70 pièces de 122 mm, 75 M101A1 de 105 mm ainsi que 30 obusiers M114A1 de 155 mm. L'artillerie antiaérienne d'abord quasiment inexistante avec quelques Bofors L40/70 de 40 mm est renforcée par la commande de 110 M53/59 Praga, avec un bitube de 30 mm. Tous n'ont pas encore été reçus en 1973. Trois cents missiles Vigilant (ou Swingfire) apparaissent aussi dans l'inventaire (à noter qu'il s'agit du nombre de missiles et non de postes de tir).
L'aviation est la moins bien lotie avec la marine : ses 9 F-5A ne sont pas opérationnels (à cette date, ils ont peut-être déjà été vendus à la Turquie), ses Mirage 5 ont été transférés à l'Egypte. Ses capacités offensives sont donc nulles. Sa flotte aérienne vaut toutefois par ses 8 C-130E Hercules et ses 9 C-47. Le reste comprend 3 vieux T-33 d'entraînement, 12 Fouga Magister, 3 O-1 Bird Dog (pour l'entraînement, l'observation et la liaison), une poignée d'hélicoptères : 2 AB-206, 3 OH-13, 10 Alouette III et 8 ou 9 SA321 Super Frelon. Ces derniers peuvent mener des missions de lutte anti-sous-marine ou encore de transport d'assaut. Ses forces navales ne représentent alors pas grand chose en Méditerranée : 1 frégate, 1 corvette, 3 patrouilleurs lance-missiles (avec des missiles SS12), 2 dragueurs de mines, 2 patrouilleurs légers et 1 navire de soutien.
En dépit de la situation de son armée, le Libyen ne cesse pas pour autant les provocations. Ainsi, à la mi-novembre 1973, la radio nationale diffuse un communiqué décrit comme étant les paroles de Kadhafi, dans lequel il est affirmé que le combat aurait du se poursuivre même au corps à corps, le futur « guide » expliquant : «
Je ne peux pas dormir avec ce qui se passe au Kilomètre 101, ou peut-être suis-je endormi et c'est un cauchemar particulier et terrible. » Il fait référence aux négociations entre Egyptiens et Israéliens qui se déroulent alors.
Le Soudan et la Tunisie : participations symboliques
Dès le 06 octobre, Khartoum propose des troupes et des équipements à Sadate et à el-Assad. Cette proposition se concrétise avec une brigade d'infanterie mécanisée constituée – semble-t-il pour l'occasion – de 1 600 hommes issus des troupes parachutistes, des brigades d'infanterie et de la police militaire, engerbant aussi une compagnie de 10 chars. Cette brigade déployée sur le front du Sinaï ne rentrera qu'en juillet 1976. Par ailleurs, le 19 octobre, la CIA rapporte qu'un régiment de chars T-55 se prépare à être envoyé sur le front syrien via l'Arabie Saoudite et l'Irak. Déploiement qui n'a finalement pas lieu, probablement en raison du cessez-le-feu entre Israël et la Syrie. Enfin, le général Gafar Mohammed Nimeiry qui dirige le pays offre aussi aux forces arabes de pouvoir utiliser ses aéroports et ports.
En octobre 1973, l'Armée de Terre soudanaise, forte de 37 000 hommes, se structure en 1 brigade blindée, 1 brigade parachutiste, 7 brigades d'infanterie, 3 régiments d'artillerie, 3 régiments d'artillerie antiaérienne et 1 régiment du génie qui servent 50 T-55, 60 T-54 et quelques Type 59 (copie chinoise du T-54 ; 50 ont été commandés en 1971), 20 T-34/85, 16 Type 62 (un total de 70 a été commandé selon SIPRI, mais en 1973, seule quelques-uns semblent avoir été livrés), un grand nombre de véhicules blindés à roues (50 Saladin, 45 V100 Commando, 60 Ferret). Les véhicules blindés de transport de troupes sont également relativement nombreux : 50 BTR-50, jusqu'à 50 BTR-152, 49 Saracen, 40 OT-64C et 25 OT-62A Topas. L'artillerie possède 55 25 Pounder, 40 pièces de 105 mm (dont 6 obusiers de montagne Modello 56) et 24 M30 de 122 mm, des canons antichars de 85 mm, 30 mortiers M43 de 120 mm. L'artillerie antiaérienne est forte de 80 Bofors L40/70 et de pièces de 37 et 85 mm.
Son aviation mélange appareils chinois, soviétiques et britanniques : 20 MiG-21, 17 F6 et MiG-17PF (le F6 étant la copie chinoise du MiG-17) ; pour l'entraînement et l'attaque légère : 5 BAC 145 et 8 Jet Provost Mk52, 4 FT2 (version chinoise du MiG-15UTI), une dizaine de FT5 (version chinoise du MiG-17 d'entraînement) ; pour le transport : 3 Pembroke et 5 An-24 ainsi que 10 hélicoptères Mi-8. La défense aérienne aligne enfin quelques lanceurs SA-2 avec un stock de 125 missiles.
Aussi bien pour l'Armée de Terre que pour l'Armée de l'Air, cette diversité quant à l'origine des équipements complique considérablement leur maintien en bonne condition opérationnelle (gestion des pièces de rechange, approvisionnement en munitions des pièces d'une multitude de calibres)... En revanche, on constate que l'armée soudanaise est fortement motorisée, avec un total de pas moins de 214 véhicules blindés de transport de troupes (259 si l'on inclut les V100). Conjoncture qui doit sans doute beaucoup à l'héritage britannique de l'armée soudanaise.
Peu après le déclenchement du conflit, des déclarations musclées anti-israéliennes sont attendues de la part de Bourguiba. Néanmoins, les analystes de la CIA anticipent que le régime s'efforcera de rester en-dehors du conflit, comme le veut la « doctrine Bourguiba ». De fait, l'engagement militaire de la Tunisie reste très symbolique, en la forme du 8ème Bataillon d'Infanterie qui regroupe environ 500 hommes. Les militaires qui partent pour l'Egypte sont décrits comme peu enthousiastes, avec un mauvais moral. Leur avant-garde est aérotransportée au Caire par des C-130 libyens aux alentours du 14 octobre. Le reste de l'unité gagne l'Egypte en camions. L'organisation et les équipements de l'armée tunisienne en 1973 sont mentionnés, dans le détail, ici :
http://conops-mil.blogspot.fr/2013/10/revue-de-details-les-forces-armees.html
D'autres forces inattendues : Ouganda, Somalie... et Burundi !
A l'instar de Kadhafi, le fantasque chef d'Etat ougandais Idi Amin Dada ne s'économise pas pour apparaître sur le devant de la scène internationale. Avec cependant moins de succès que son homologue libyen. Quoi qu'il en soit, le 14 octobre, la CIA relève qu'Amin Dada est arrivé en Arabie Saoudite d'où il s'envole pour Bagdad. Il s'agit pour lui de discuter de l'envoi de 2 000 « volontaires » des forces armées ougandaises en Syrie ou en Egypte. Dans les rangs des intéressés, la détermination n'est pas aussi prononcée ! En effet, une vague de désertions est signalée parmi les officiers, sous-officiers et hommes du rang qui ne veulent pas combattre dans le conflit en cours (d'autant que beaucoup ont été formés par des Israéliens...).
Idi Amin Dada, devant un OT-64B du bataillon d'infanterie mécanisée, explique en 1974 comment il compte reprendre le Golan avec ses forces armées... ! (Image extraite d'un édifiant documentaire sur l'individu, "People must love their leader", par Jean-Pierre Rassam et Pierre-Henri Favrod)
A cette date, l'arsenal de l'armée ougandaise n'a rien d'impressionnant : 12 Sherman M4A1(76)W (canon de 76 mm), 15 Ferret, 20 BTR-40 et BTR-152, 36 OT-64B (dont seule une partie est considérée comme opérationnelle). Matériels que se partagent 2 bataillons commandos, 1 bataillon d'infanterie mécanisée, 2 brigades d'infanterie, 1 bataillon de garde-frontières, 1 régiment d'artillerie. L'aviation comprend 7 MiG-15 et MiG-17, 14 Fouga Magister qui servent pour l'essentiel à l'attaque légère, 12 L29, 1 DHC-4, 1 P149D et enfin, 10 Piper, 2 AB-206 et 2 Westland Scout. Evidemment, aucun de ces équipements n'est « projetable » ; l'on devine que les « volontaires » d'Amin Dada auraient été déployés avec, au mieux, de l'armement léger.
Courant octobre, l'ambassade de Somalie à Paris indique que des volontaires sont rassemblés, en Somalie, le gouvernement national se chargeant de les acheminer jusqu'en Egypte. Le pays propose aussi l'envoi de matériel. Ici, la problématique dépasse le cadre de la Guerre du Kippour. Elle concerne une région que se disputent Ethiopie et Somalie : l'Ogaden. Les analystes américains le perçoivent d'ailleurs parfaitement. En soutenant la cause arabe, les autorités somaliennes cherchent à obtenir les faveurs des pays exportateurs de pétrole, à commencer par l'Arabie Saoudite, ainsi que de l'URSS, dans l'éventualité d'un conflit avec l'Ethiopie. L'empereur ne s'y trompe pas et devant le succès que remporte la manœuvre somalienne, il se voit contraint, à son tour, de prendre ses distances avec Israël. La guerre pour l'Ogaden éclatera toutefois, mais quatre ans plus tard... Enfin, jamais évoqué en dehors des rapports de la CIA, le Burundi propose lui d'envoyer un corps expéditionnaire pour combattre aux côtés de l'Egypte...
Annexe : ordres de bataille des unités africaines (hors-Egypte) impliquées dans la guerre du Kippour (les documents qui suivent sont réalisés par l'auteur de ces lignes)
Sources
Outre une multitude de rapports déclassifiés de la CIA (de septembre à novembre 1973), outre les bases de données du SIPRI, ont notamment été consultés les ouvrages suivants :
Différentes éditions de
The Military Balance de 1968 à 1974 par The International Institute for Strategic Studies
Différents ouvrages de
Jane's (de 1971 à 1974)
Arab MiG-19 and MiG-21 units in combat ; par David Nicolle and Tom Cooper ; Osprey Publishing 2004
Arabs at war, military effectiveness, 1948-1991 ; par Kenneth M. Pollack ; The University of Nebraska Press 2004
Armies of the Middle East ; par Otto von Pivka ; Patrick Stephens limited 1979
Duel for the Golan, the 100-hour battle that saved Israel ; par Jerry Asher et Eric Hammel ; Pacifica Military History 1987
Elusive victory, the Arab-Israeli wars 1947-1974 ; par Trevor N. Dupuy ; Harper & Row Publishers 1978
La guerre israélo-arabe d'octobre 1973, une nouvelle donne militaire au Proche-Orient ; par Pierre Razoux ; Economica 1999
The crossing of the Suez ; par le lieutenant général Saad el Shazly ; American Mideast Research, édition révisée 2003
The heights of courage, a tank leader's war on the Golan ; par Avigdor Kahalani ; Praeger 1992
The lessons of modern war, volume I, the Arab-Israeli conflicts, 1973-1989 ; par Anthony H. Cordesman et Abraham R. Wagner
The Yom Kippur War, the epic encounter that transformed the Middle East ; par Abraham Rabinovich ; Schocken Books 2004
World Armies (première et deuxième éditions) ; sous la direction de John Keegan ; Facts on File (édition de 1979) et MacMillan Publishers (édition de 1983)
Publié par Laurent Touchard
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Posté Le : 13/10/2015
Posté par : chouhada
Ecrit par : Publié par Laurent Touchard
Source : http://conops-mil.blogspot.com/