Algérie

Confinement : entre le haram religieux et l'interdit politique


Il y a muselière? et muselière ! Il y a masque? et masque ! Dans le monde arabe comme en Afrique du Nord, le confinement ne dépend pas uniquement d'une pandémie ou d'une épidémie : le choléra, la peste, la lèpre et enfin le coronavirus? Depuis des siècles, le citoyen de cette région géopolitique du monde vit, et continue à vivre, muré dans un confinement politique ou religieux. Et souvent, les deux ensemble !À travers l'Histoire contemporaine, les populations arabes et nord-africaines se trouvaient constamment condamnées, malgré elles, à vivre en confinement perpétuel. D'un confinement à un autre ! Le concept "confinement", dans le discours des pouvoirs arabes ou nord-africains, signifie le dépouillement de la liberté de circuler, de communiquer, de s'organiser? Aux yeux des pouvoirs politiques, tout peuple libre, tout peuple qui rêve d'un monde meilleur doit être confiné, parce qu'il représente un danger pour l'ordre établi !
Le citoyen dans le Monde arabe ou en Afrique du Nord est né avec un bâillon sur la bouche. La femme est née avec une muselière religieuse sur le visage. Et cela s'appelle le confinement à vie, politique et religieux. Le citoyen est né avec une muselière religieuse où tout est haram ou presque. Et il est né avec un bâillon politique où tout est interdit ou presque. Du haram religieux à l'interdit politique, le citoyen arabe ou nord-africain traverse sa vie, vit sa vie, en confinement !
Entre le prêche de l'imam et le discours du politique, le citoyen est appelé au confinement ! Manger sa langue. Casser sa plume. Asphyxier ses idées. Cacher ses convictions. Dissimuler son culte. Frappé en permanence par la force du prohibé, il est obligé d'avancer avec une muselière, un masque, un bâillon sur le visage et sur "la raison". Vivre en déguisement !
D'ailleurs, le mot "confinement" renferme un sens purement politique. Les intellectuels et les opposants politiques internés en Sibérie, à l'époque de Staline, étaient considérés comme "confinés" ! Les déportés algériens vers la Nouvelle-Calédonie n'étaient, aux yeux du colonisateur, que des "confinés" !
Les historiens de la révolution algérienne, les vrais historiens, nous ont instruits sur un bon nombre de leaders du mouvement national algérien qui ont été mis en confinement, dans des villes ou villages. Une personne mise en quarantaine, dans le discours politique, signifie qu'elle est privée de toute liberté d'expression et de tout mouvement sociétal.
Un militant mis en confinement, dans le jargon politique, désigne : mis en résidence surveillée. Interdit de tout contact politique ou syndical. Dans le lexique politique, "le confinement" n'est que le frère jumeau de la prison. Un en cache un autre !
Les intellectuels algériens ont goûté au "confinement politique et religieux", de Bachir Hadj Ali à Mohamed Arkoun... Et parce que c'est aussi le 29e anniversaire de la disparition du poète et militant Bachir Hadj Ali, décédé le 8 mai 1991, je rends hommage à ce confiné politique exceptionnel ! Un confinement pas comme les autres, celui d'un poète, d'un militant, d'un moudjahid. D'un intellectuel complet ! Evoquer Bachir Hadj Ali le confiné politique forcé, c'est aussi parler du grand poète peu connu de cette génération sans repère culturel.
Musicologue négligé par cette génération sans éférences patrimoniales. Militant oublié par les douktour historiens des sentiers battus. Bachir Hadj Ali est le moudjahid de la première heure de la révolution algérienne du 1er Novembre 1954, qui a négocié avec Sadek Hadjrès l'intégration à titre individuel dans l'ALN des combattants de la libération, l'aile militaire du Parti communiste algérien (PCA).
Après l'indépendance, il est l'un des fondateurs, aux côtés de Mouloud Mammeri, de Jean Sénac, de Mourad Bourboune, d'Ahmed Azghar, de Moufdi Zakariya, de Kaddour M'hamsadji... de l'Union des écrivains algériens. Un intellectuel qui n'a jamais cru en le divorce entre le politique et le culturel.
Entre l'homme politique et l'artiste. Opposé au putsch militaire dirigé et commandé par le colonel Houari Boumediène, le poète Bachir Hadj Ali est jeté en prison. Libéré de la prison Lambèse en 1968, il est mis en résidence surveillée à Saïda, puis à Aïn Sefra, dans le Sud-Ouest algérien. Dans une Algérie indépendante, le poète a été mis en confinement, appelé à ne pas quitter son lieu de séjour.
Contraint à signer quotidiennement la justification de sa présence sur le lieu de résidence. Il ne regagne Alger qu'en 1974. La vie de Bachir Hadj Ali l'intellectuel, le militant et le poète illustre clairement ce que signifie le "confinement politique". Ce que signifie le bâillon ou la muselière dans le monde arabe et en Afrique du Nord !
Depuis la nuit des temps, le citoyen dans les pays arabes et en Afrique du Nord est né condamné au confinement politique ou religieux, souvent les deux ensemble. Et voici qu'il se trouve, aujourd'hui, face à un troisième confinement, celui du coronavirus ! Trois muselières en une !


A. Z.
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