Confiance, méfiance

«La confiance n'exclut pas le contrôle.» LénineLa parole donnée est sacrée dans toutes les cultures, c'est d'elle que découle la confiance. Ce contrat non écrit, en l'absence de tout notaire ou huissier de justice, scelle deux parties en présence. En politique, c'est plus grave, puisque les promesses des démagogues se font devant les micros et les caméras du monde entier. C'est souvent la confiance bafouée qui vide les bureaux de vote...Je me souviens toujours de ces marchés hebdomadaires riches en couleurs qui brisaient la monotonie des jours de Kabylie, ces jours calmes, paisibles, ensoleillés ou pluvieux, loin des enlèvements, faux barrages, rackets, exécutions sommaires, hold-up...Dans ces marchés dominés surtout par le négoce des bestiaux, les marchandages étaient âpres. Entre l'acheteur et le vendeur, c'était une joute qui pouvait durer des heures, chacun cherchant une faille dans les arguments de l'autre. Mais une fois le compromis trouvé et les termes du marché acceptés, les deux protagonistes se serrent la main, portent leur index à leurs lèvres et se quittent momentanément pour se retrouver à la fin du marché pour la concrétisation du négoce.Si par malheur l'un d'eux venait à faillir à la parole donnée pour une raison ou pour une autre, son vis-à-vis le dénoncera à l'entour et son nom sera colporté de marché en marché, et il perdra tout crédit. Cela se passait ainsi dans le négoce.Dans l'autre contrat qui s'appelle le mariage, c'est pire: un triste événement récent m'a remis en mémoire quelques anecdotes peu flatteuses pour la gent masculine. Car, dans la plupart des ménages, hélas, l'épouse est la fourmi et le mari la cigale.Une respectable collègue, n'ayant eu que deux filles au terme d'une vie conjugale bien remplie, acheta un appartement qu'elle destina à son aînée. Celle-ci se maria et occupa ledit logement avec son soupirant. Celui-ci ne tarda pas à subjuguer la douce colombe: il lui proposa d'aller vivre chez la mère et de louer ledit logement afin d'avoir des revenus respectables (c'était bien avant l'Aadl!). Pour ce faire, il obtint d'elle la procuration pour gérer l'appartement. Il vendit le logement et fila à l'anglaise, laissant la mère et la fille en pleine détresse. La mère succomba aussitôt à une crise cardiaque.Lors d'une veillée funèbre, j'eus à rencontrer un homme, parent du défunt: il s'exprimait avec une religiosité rassurante. On lui donnerait le Bon Dieu sans confession. Mais quand je fis la connaissance de son ex-femme, une sympathique dénuée de charme, je révisais mon jugement. Son ex-épouse, entourée de ses deux grands enfants, me raconta que son ex-mari avait voulu la déposséder du logement que la famille occupait, pour pouvoir convoler en justes noces avec une créature plus jeune. Seule la clairvoyance du juge et la présence d'un témoin permirent à la famille unie autour de la mère de garder un toit.Récemment, un mari enjoué se présenta chez un marchand de voitures pour retirer la voiture commandée et payée par son épouse: il prétend faire une surprise à sa tendre moitié pour l'anniversaire de leur mariage. Bien inspiré, le marchand refusa et éconduisit l'époux vexé qui avait trop insisté. Quand la dame en question se présenta le lendemain, elle confia au marchand qu'elle était en instance de divorce et que son époux est un drôle de numéro.Voilà trois exemples qui montrent que la confiance est souvent mal placée et qu'il faut réfléchir à deux fois avant de placer son argent dans une banque mal barrée, de donner sa voix à un syndicaliste pas très clair qui finira par être député avant de sacrifier l'argent des autres en échange de menus intérêts égoïstes. A cause de ces comportements, la méfiance s'installe et le personnel politique perd toute crédibilité.