Algérie

Confession d'un «maltraité»



« Pour moi, j'appelle cette fausse pièce de Tartuffe une (tri) partie (s). C'est-à-dire que trois choses sont encore… parties. Ma dignité de retraité maltraité jusqu'à mes vieux os, ma pension qui rapetisse au point de mettre ma tempe grise à hauteur de ma semelle usée et ma famille appauvrie qui ne veut plus d'un homme-tacot, pas capable de mettre un croûton de pain rassis dans son panier dévidé. C'est pour toutes ces raisons, qui me font perdre le peu de raison qui habite encore ma vieille caboche, que j'ai décidé d'écrire cette lettre-testament à la place du 1er Mai ». Voici à deux syllabes près son contenu à ne jamais refiler à un syndicaliste trop autonome…
« Monsieur l'UGTA,
Je sais bien que même toi, tu es lassé de te voir faire changer de rôle comme de chemises délavées. Mais je crois avoir trouvé la solution pour permettre à mes vieux compagnons d'infortune et moi-même d'encaisser notre pension-obole à temps. Ma solution consiste à affecter tous les agents postaux au niveau des casernes de l'armée et de la gendarmerie, seul moyen de toucher nos sous au bon moment. L'autre solution « radicale » serait même, à mon avis à jeter dans une corbeille, d'affecter les agents des bureaux de poste au niveau des écoles, collèges et lycées pour augmenter nos chances de percevoir nos pensions avant de crever de dalle. Révolté de voir comment on ne respecte pas nos «maltraités», je veux, aussi, vous dire que faute d'une pension qui ne suffit même pas à me faire manger mon pain noir, j'entretiens le rêve impossible de te voir (un jour qui viendra !) renverser ce gouvernement qui nous chipe notre blé et prendre à sa place les commandes du pouvoir… d'achat. Et réussir, enfin, à imposer ton impartial et implacable verdict. Dieu, ce que les travailleurs, les faux-vrais mais aussi les vrais-faux, jubileront à creuser ton propre départ…volontaire ! Ils seront d'autant plus heureux que ton syndicat, le premier du pays, décidera d'organiser un méga-procès (pas prud'homal, non jamais !), contre tous ceux qui l'ont honteusement grugé. Surtout contre ceux qui auront blousé les «khadama», vidé leurs poches trouées, affamé leurs familles, renvoyé de l'école leurs enfants en nippes, bradé leurs outils de toutes les (im) productions, dévalué leurs salaires… Un procès juste, retentissant et à valeur d'exemple pour tous les damnés du pouvoir…d'achat si petit que l'on arrive à peine à brader ses vieilles chaussures pour pouvoir boucler une fin de mois digne d'un chien abandonné par son maître. De ses satellites déglingués et ses suppôts (en) fourgués. Un procès où les juges seront les premiers compressés et les jurés les tout derniers « empocheurs » de l'allocation de survie. Il est, alors, aisé d'imaginer ce que le box des accusés sera bondé de têtes noires et de cheveux trop blonds. Immensément spacieux. Aussi gigantesque que tous les coups fourrés, cassés sur le dos de la masse laborieuse, accusée de faire dans le beau rôle de la cigale râleuse face à la fourmi besogneuse. Y seront entassés, pêle-mêle, les affameurs par vocation, les « licencieurs » de profession. Les kidnappeurs du pain des autres. Les illusionnistes des bulletins de paie maquillés. Les castreurs de carrières sacrifiées. Les exploiteurs du lunpen-prolétariat. Les gestionnaires faussaires. Les diplômes d'officine. Les syndicalistes plénipotentiaires. Les consciencieux de pacotille. Les producteurs de clocher. Les détourneurs de la nuit. Les falsificateurs sous la lumière crue. Les supporters zélés de l'argent caché sous le manteau. Et, bien sûr, les défenseurs acharnés d'el-intadj oua el-intadjia. Bref, tous ceux avec qui l'UGTA a un gros compte à régler. Viendront s'ajouter à tout ce beau monde sur le banc gigantesque des assoiffés de justice et de vérité, les détenteurs de décisions de justice foulées aux pieds des big-boss haut juchés. L'armée sans grade ni galon des dépermanisés. Les gros bataillons de chômeurs. Et les tant de millions qui flirtent chaque jour avec la dèche dénudée. C'est qu'ils ont tous confiance dans le haut sens du devoir, jamais pris à défaut, de l'auguste UGTA. Tous, de la même voix, disent que le syndicat a promis de les venger un jour qui viendra. A l'annonce du verdict, tout le monde est blotti chez soi, à manger des cailloux bouillies dans une eau stagnée. A la lueur d'une bougie finissante. Mais il paraît qu'à la place du 1er Mai, la lutte continue…


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