Tous les bibliophiles se retrouvent à la bibliothèque de Béjaïa. Inauguré en 2005 après des travaux de restauration, cet espace culturel est avant tout un lieu chargé d'histoire. Alors qu'un nouveau décret vient de revoir le statut des bibliothèques annexes à la bibliothèque municipale, Hala, la responsable, nous fait découvrir les coulisses de cette ancienne mosquée. « Cette bibliothèque est plus qu'une salle de lecture ordinaire. Nous nous trouvons dans un haut lieu de l'histoire et des sciences humaines. Quand je viens ici, je ne peux qu'être émue et fière. » Inspirée, Amel Bahi, étudiante à l'Institut international de management (Insim) de Béjaïa ne rate pas une occasion de venir y étudier et profiter du lieu. « Pour changer un peu des livres de ma spécialité, je lis des livres de psychologie et de sociologie que propose la collection de la bibliothèque. » Située au c'ur de la Casbah de Béjaïa, la bibliothèque est en réalité une mosquée connue pour ses illustres passeurs de cultures, notamment, l'auteur de L'Histoire des Berbères, Ibn Khaldoun qui y donna des cours de jurisprudence aux tolbas. « La bibliothèque est le lieu où je me sens le plus en paix pour travailler avec mon amie. Nous sommes lycéennes et nous fréquentons souvent la salle de lecture, surtout à l'approche des examens ou parfois pour lire des livres des spécialités qu'on aimerait étudier plus tard », explique Lydia, 17 ans. « Le fait de se dire qu'Ibn Khaldoun est passé par là, est impressionnant ! » poursuit-elle. Saïd Guedmi, anthropologue rencontré à la cité universitaire de Béjaïa, explique pourquoi il est si important de préserver ce lieu. « Ibn Khaldoun a longuement vécu à Béjaïa, où il a eu de nombreux maîtres et élèves, c'est une partie de l'histoire qui est décisive pour la ville. Ibn Khaldoun a fait connaître l'algébriste de Béjaïa Al Qurashi, qui était d'origine andalouse, poursuit-il. Le savant a utilisé dans ses écrits le livre perdu de l'histoire de Béjaïa rédigé par Ibn Hammad, historien descendant des princes ayant régné à Béjaïa, et mort en 1230. Toutes ces informations, que j'ai pu collecter auprès de chercheurs de la région, m'aident à me constituer une base de données importante pour mes propres recherches. La bibliothèque de Béjaïa vient apporter ce petit plus. A travers les livres, il demeure le lieu de toutes les vocations. » Les rayons de la bibliothèque sont chargés de livres d'histoire, d'anthropologie, de jurisprudence, de mathématiques, de littérature, de géographie et autres disciplines scientifiques et sociales. Au total, plus de 100 000 ! L'aménagement s'est fait avec beaucoup de respect pour le lieu, et le mobilier est soigneusement installé pour ne pas altérer le pavé et les murs. La grande porte conduit directement sur une grande salle. Des poutres en bois, rehaussées de lanternes en cuivre sculpté, maintiennent l'ossature du toit. En longeant la partie extérieure, on aperçoit une petite porte, par laquelle entrait l'imam -et sans doute Ibn Khaldoun'- Elle est restée intacte, ainsi que la voûte où se plaçait l'imam. Sur les murs, on remarque qu'il n'y a pas de climatiseurs, parce qu'il est interdit de percer les murs, de ce fait la bibliothèque s'est munie de climatiques mobiles, afin d'assurer une fraîcheur continuelle pour les usagers, surtout en période estivale.GratosL'ambiance est tout aussi étudiée, on peut ainsi distinguer deux types d'éclairages : des néons encastrés dans les poutres pour la partie lecture et recherche, et un éclairage tamisé pour les espaces de débat. La responsable de la bibliothèque, Hala Amokran Mahoui, a le souci du détail. « Nous veillons chaque jour à préserver les lieux pour pérenniser sa vocation d'espace culturel dont Béjaïa a besoin, afin d'établir une vie culturelle digne de ce nom. Nous en avons réellement besoin. »Pour avoir accès librement aux ouvrages de la bibliothèque, une inscription rapide auprès du réceptionniste suffit. Le lecteur se verra remettre une carte d'adhérent, qui lui permettra non seulement de se faire prêter des livres, mais aussi d'assister aux conférences-débats, récital de musique'etc. « On trouve dans les rayons toute une collection de beaux livres et d'histoire de l'art. Depuis que je fréquente la bibliothèque, je m'instruis dans ce domaine. Les livres d'art sont les plus coûteux en librairie, à la bibliothèque de Béjaïa on peut y avoir accès librement, ce qui n'est pas négligeable », s'enthousiasme Hocine, 27 ans, peintre en bâtiment et fervent lecteur. « Je me forme toutt seul à la peinture et sculpture grâce à ces ouvrages, même si parfois les mots sont compliqués, je peux faire appel à un lecteur ou un universitaire pour m'expliquer. » C'est également le cas de Marwa. « Les dictionnaires dont dispose la bibliothèque m'ont aidé a perfectionner mon français. Ce n'est pas gagné, mais je m'accroche. » Pour Chérifa, une jeune économiste au chômage : « venir à la bibliothèque une fois par semaine, me permet de retrouver un semblant d'activité. Je viens chaque mardi de Sidi Aïch, j'avoue que l'endroit est enchanteur, chargé d'histoire, ça ne me laisse pas indifférente. » Si la bibliothèque, où travaille une bonne dizaine d'employés, attire les lecteurs, étudiants ou chercheurs, elle gagne également les faveurs des grands promeneurs. Taibi à 51 ans, boulanger depuis l'âge de 15 ans, vient ainsi régulièrement. « Je n'ai jamais mis les pieds à l'intérieur de la bibliothèque, mais je viens de temps en temps profiter de la vue et du jardin qui fait face à la mer, on peut apercevoir d'ici la porte Sarrasine. Ça me change de la chaleur de mes fourneaux ! »Un café littéraire par moisEn octobre dernier, la bibliothèque a organisé un café littéraire qui a réuni plusieurs personnalités de la région, mais également d'Oran, notamment Brahim Hadj Slimane, venu exprès pour débattre de la situation du théâtre algérien et de la pénurie en matière de texte théâtral. Une lecture poétique, ayant pour thème le Liban, a également beaucoup plu. « Nous tentons d'organiser au moins un café littéraire par mois. Ce rendez-vous permet aux acteurs de la culture de s'exprimer et de créer un échange tangible », explique la responsable de la bibliothèque. De nouvelles bibliothèques municipalesUn décret du 26 juillet a été envoyé à toutes les annexes de la Bibliothèque nationale d'Algérie stipulant, que les douze annexes ne lui seront plus attachées. Le même décret annonce la création de bibliothèques municipales dans les villes suivantes : Béjaïa, Tébessa, Béchar, Mascara, Tizi Ouzou, Tlemcen, Constantine, Annaba, Tiaret, Aïn Temouchent, et Djelfa.
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Posté Le : 13/11/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Faten Hayed
Source : www.elwatan.com