Le désarmement des pays «atomiques», notamment Israël, a été retenu par
la conférence comme une exigence absoluepour l'instauration de la paix et de la
sécurité dans les régions sensibles du monde, à commencer par celle du
Moyen-Orient. La révision du Traité de non-prolifération (TNP) devrait en être
un des instruments.
En organisant une conférence quelque peu «sélective», comme le confirment
les diplomates, sur le désarmement, l'Iran a réussi dans un premier temps à
prendre le pouls d'une partie du monde qu'il souhaiterait prendre comme allié
pour arracher son droit - et le leur par la même occasion - d'utiliser
pacifiquement le nucléaire.
L'Iran a choisi ainsi de mettre
de son côté notamment les pays d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine. Pays que
les puissants de ce monde regroupent, en quelque sorte, sous l'étiquette des
«damnés» de la terre.
Le pays d'Ahmadinejad a réussi le
pari d'avoir comme participants deux hauts responsables de deux pays détenteurs
du veto au sein du Conseil de sécurité. Il s'agit bien de représentants de haut
rang dans les gouvernements russe et chinois. D'autres invités, «non officiels»
ceux-là, mais européens, étaient aussi dans la conférence.
Il y avait en effet un ancien
diplomate autrichien, un autre italien et un troisième bulgare.
Samedi dernier, jour de
l'ouverture de la conférence, la teneur du discours prononcé par le président
iranien a semblé faire l'unanimité au sein des représentants de plus de 56 pays
qui ont bien voulu faire le déplacement à Téhéran. Pour preuve, toutes leurs
interventions ont convergé vers les mêmes grands principes énoncés par
Ahmadinejad. Principes que les organisateurs de la conférence ont synthétisés
en un seul et unique slogan, à savoir «la technologie nucléaire pour tous,
l'arme nucléaire pour personne». C'est en effet ce qui est ressorti avant-hier
des allocutions des ministres des affaires étrangères syrien, irakien,
libanais, omanais, et aujourd'hui celui de l'Indonésie.
L'Algérie a elle aussi fait
entendre sa voix par une déclaration dont la teneur ne diffère pas de celles
qui l'avaient précédée. Des responsables d'importantes institutions, à
l'exemple du chef de la sécurité de l'Organisation de la conférence islamique
(OCI), avait souligné en substance que « nous devons détruire l'armement
nucléaire, autrement, c'est lui qui nous détruira.»
La conférence a même fait lire
deux messages qui lui ont été envoyés vendredi dernier, l'un par le maire de
Kawasaki et le second par le maire d'Hiroshima, deux villes japonaises broyées
par les effets de la bombe atomique américaine. Le ministre libanais des
Affaires étrangères avait affirmé, un peu avant, qu'en 2002, les pays
«atomiques» ont dépensé plus de 1,46 milliard de dollars pour les besoins de
modernisation de leurs arsenaux nucléaires. «C'est énorme, mais les dégâts que
peuvent causer ces armes n'ont pas de prix », a-t-il souligné.
Avant lui, le MAE irakien a
prévenu que «toute menace contre ce voisin qui nous est cher, qui est la
République islamique d'Iran, va provoquer un désastre dans la région». Le haut
conseiller du Guide suprême de la révolution a, tout à fait à l'ouverture de la
conférence, affirmé que « l'Islam déclare ces armes illicites.
Le guide suprême (ayatollah
Khamenei) a d'ailleurs pris une fatwa à ce sujet». Le décor est donc planté
pour l'enclenchement d'un processus du repositionnement planétaire.
«Israël, un danger pour
l'humanité»
Seulement, pour pouvoir mettre en
Å“uvre le slogan de la conférence iranienne, il faut un certain nombre de
préalables, et non des moindres. « Faire du droit légitime de l'utilisation
pacifique du nucléaire un héritage pour l'ensemble des nations», comme l'a
souligné le MAE du sultanat d'Oman, exige une dénucléarisation du monde. Les
Etats-Unis et Israël sont eux en particulier, comme le confirme la conférence,
à qui incombe la responsabilité de la déstabilisation du monde par le moyen des
guerres, des injustices et de l'impunité. « L'obligation doit être faite à
Israël pour faire inspecter ses installations nucléaires par l'Agence
internationale de l'énergie atomique (AIEA)», entendons-nous dire tout au long
des travaux qui ont duré deux jours.
Il faut admettre que l'Iran s'en
sort ainsi renforcé dans ses convictions et surtout dans ses politiques
stratégiques. Téhéran a réussi à les partager avec plus de 56 Etats en l'espace
d'une conférence. Il est clair qu'une fois rentrés chez eux, les gouvernants de
ces Etats auront la latitude de décider des suites à donner à ce qui a été
retenu en Iran et d'en déterminer les moyens, les niveaux d'intervention ainsi
que le choix des partenaires directs dans les négociations qu'ils seront
appelés à mener.
Si obliger Israël à se faire
inspecter par l'AIEA est un préalable à toute idée de paix et de sécurité dans
la région du Moyen-Orient et, par effet de conséquence, dans les parties
sensibles du monde comme l'Irak et l'Afghanistan, celui-ci ne peut être
concrétisé que sous d'autres conditions encore plus dures à réunir. Il s'agit,
comme le réclame la conférence, de la révision, «comme il se doit» du Traité de
non-prolifération, prévue par le Conseil de sécurité à New York le mois
prochain, pour en faire «un traité juste et efficace».
Aussi, les Etats demandent-ils à
ce que l'Asie et l'Afrique bénéficient d'un droit de veto pour pouvoir avoir «
droit à la parole et à la décision», ce qui implique une révision des textes
régissant le Conseil de sécurité et une réforme de ses structures comme
souhaité depuis longtemps.
Il est recommandé en plus la
redéfinition du rôle et des missions de l'AIEA, une agence qui «n'a pas réussi
dans sa tâche de dénucléariser le monde».
Les exigences pour un nouvel ordre mondial
La politique de deux poids deux
mesures que la conférence dénonce pourrait ainsi s'atténuer pour laisser place
à plus d'égalité et de justice dans le monde. Il faut aussi, autre demande,
obliger les pays réfractaires à adhérer au TNP. La conférence réclame au-dessus
de tout - comme l'a fait l'Algérie dans sa déclaration-la mise en Å“uvre d'un
mécanisme pour obliger les pays «atomiques» à se désarmer. Il s'agit d'un
instrument international que les nations doivent trouver par voie de
consultations et de négociations, qui leur permettra de faire le suivi,
l'évaluation et la vérification du processus de désarmement, une fois bien mis
en route.
Cette revendication est
nécessaire à l'exécution des accords Start signés entre les Etats-Unis et la
Russie et dont la mention «non contraignants» qui les accompagne sème de
profonds doutes quant à la volonté des deux pays de véritablement les
respecter.
A condition, bien sûr, qu'il soit
aussi fixé une date butoir à ce processus de désarmement nucléaire, comme c'est
le cas pour les armes de destruction massive (ADM) qui doivent en principe
disparaître d'ici à 2012.
Tout un programme, vaste,
complexe, compliqué et difficile à élaborer en raison des profondes divergences
des intérêts politiques et économiques des uns et des autres blocs.
La conférence de Téhéran s'est
bien voulue être «un message à Washington», comme l'a dit Ahmadinejad dans son
discours. A chacun son camp, à chacun sa cour, ses groupes de pression
conformément à ses visions et visées géostratégiques.
La conférence a déjà prévenu
qu'elle négociera la révision du TNP pour faire du désarmement, de la
non-prolifération et du droit à l'utilisation pacifique du nucléaire, deux
fondamentaux que l'ensemble des pays doivent respecter. Ceci pour faire en
sorte que les intérêts des uns et des autres ne s'entrechoquent pas.
En attentant que ces «nobles»
objectifs soient atteints, rien ne dit que la planète n'enregistrera pas
l'émergence d'autres puissances nucléaires. Les géostratèges l'inscrivent dans
la future reconfiguration de la planète. C'est aussi ce qu'ils appellent le nouvel
ordre mondial.
Né d'une histoire de plus de
6.000 ans, situé sur un plateau gorgé de ressources naturelles, renforcé par
des atouts géostratégiques immenses, l'Iran est bien placé pour prétendre en
être un acteur de premier ordre.
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Posté Le : 20/04/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Notre Envoyée Spéciale A Téhéran (Iran): Ghania Oukazi
Source : www.lequotidien-oran.com