Dans une
conférence donnée dans l'amphi du bloc pédagogique de l'EHU,
Mohamed Mebtoul, professeur d'anthropologie de la
santé, est revenu sur l'émergence du secteur privé dans le domaine de la santé.
Il a intitulé sa
conférence «Les enjeux de la privatisation des soins : le cas des cliniques
privées». Dans une précision, il rappellera qu'il serait plus exact de parler
de «réémergence» du secteur privé, puisque les cliniques privées existaient
entre 1962 et 1965. Avant d'entamer son sujet, il a tenu à souligner certains
préalables dont le plus important: «je me situe sur le registre de la
connaissance et non de l'opinion», autrement dit «je suis dans une logique de
recherche», dira-t-il. L'autre préalable qu'il tiendra à évoquer est que «les
médecins représentent un monde social hétérogène». Ce constat l'amènera à
affirmer que la profession ne jouit pas «de légitimité professionnelle
socialement ancrée». Se référant à des statistiques datant de 2006, le
conférencier avancera quelques chiffres composant le secteur privé dans le
domaine de la santé. Ainsi, l'on apprendra qu'après deux décennies après la
promulgation du décret 88-02 ouvrant la voie aux établissements privés, on a
recensé 161 cliniques, 57 centres d'hémodialyse, 5.600 cabinets médicaux et 6.500
généralistes exerçant à leur compte. Une autre statistique viendra donner du
relief à celles présentées : 60% des spécialistes exercent dans le secteur
privé, soulignera le conférencier.
Par ailleurs, il
indiquera qu'on relève 1 spécialiste pour 1.000 habitants dans dix wilayas et 1
spécialiste pour 5.400 habitants dans 34 autres wilayas. Ce dernier chiffre
permettra à M. Mebtoul de soulever une question
lourde de conséquence : «l'errance thérapeutique» des patients et «les
nouvelles formes sociales d'inégalité des soins». Mais la conclusion la plus
intéressante, tirée des données chiffrées et de l'enquête qualitative
entreprise par M. Mebtoul, est formulée ainsi : «le
secteur privé a participé à la refondation des rapports entre médecins du
secteur étatique et les pouvoirs publics». Il notera que, depuis 1994, le
département de la santé a pris une autre appellation «santé publique et réforme
hospitalière». Sur le plan social, ce changement a été précédé par la
perception du secteur privé, puisqu'on est passé «d'une logique de soupçon»
durant la période 1970-1980 à «une sollicitation de plus en plus forte par les
professionnels de la santé» à partir des années 90.
Le conférencier
soulignera au moins deux facteurs qui ont participé à l'émergence et au
renforcement du secteur privé. Le premier est l'insertion (ou «désaffiliation»)
des médecins spécialistes du secteur public au sein du secteur privé. Et le
second est «l'importance de l'importation de la technologie» opérée par le
secteur privé. Il avancera un chiffre concernant l'année 2006 : le secteur
privé employait 47 scanners contre uniquement 5 pour le secteur public. Cette
donne prendra tout son sens quand on apprendra «la place de l'imagerie
médicale» chez les patients, «faute d'écoute de ses usagers» au niveau des
établissements publics de la santé, affirmera-t-il. Dans ce cadre, on apprendra
que «le privé dispose actuellement du monopole des examens complémentaires».
En abordant le
deuxième volet de sa communication, consacré au fonctionnement des cliniques
privées, il qualifie ce genre d'établissement de «machine à soigner». Une
machine en mouvement, expliquera-t-il, se caractérisant par sa polyvalence, sa
mobilité. Le mode d'organisation de cette «machine» repose sur quatre éléments,
soulignera M. Mebtoul. «Prise en charge rapide du
malade ; gestion autoritaire du personnel de santé ; disponibilité et entretien
des objets techniques et mise en place des réseaux professionnels horizontaux».
Ce mode de fonctionnement permet de faire le parallèle avec celui régnant dans
le secteur public. Cependant, cette efficience n'empêche pas une certaine forme
de mépris des usagers des cliniques privées qui se plaignent de ce qu'il appelle
«leur étiquetage». Ils sont identifiés le plus souvent par le numéro de chambre
qu'ils occupent, indique-t-il comme exemple de cette forme de mépris.
Parce que
l'essentiel de la clientèle de ces établissements provient des couches sociales
défavorisées, les patrons et gérants de ces établissements plaident
actuellement pour leur conventionnement avec la sécurité sociale. C'est aussi
un autre indicateur de la place de plus en plus grandissante qu'occupe ce
secteur dans le système de santé national.
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Posté Le : 08/10/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ziad Salah
Source : www.lequotidien-oran.com