Algérie

Conférence de Genève sur le racisme : Ahmadinejad tombe dans le piège



Mahmoud Ahmadinejad n'est pas le meilleur porte-parole quand on parle de Droits de l'Homme. Même quand il joue de la modération.

L'opération a été menée de main de maître. Le pauvre président iranien Mahmoud Ahmadinejad n'y a vu que du feu. Lui qui avait l'intention d'être la vedette de la conférence de l'ONU sur le racisme, à Genève, s'est retrouvé attaqué de toute part, traîné dans la boue, pour être accusé d'avoir causé l'échec de la conférence. Pourtant, le président iranien avait préparé un discours relativement modéré pour cette conférence. Il a accusé les Alliés de la Seconde Guerre mondiale d'avoir « eu recours à l'agression militaire pour priver de terres une nation entière sous le prétexte de la souffrance juive». Pour lui, les Occidentaux « ont envoyé des migrants d'Europe, des Etats-Unis et du monde de l'Holocauste pour établir un gouvernement raciste en Palestine occupée ». Il a demandé que « des efforts soient faits pour mettre un terme aux abus des sionistes et de leurs partisans».

Il n'a pas utilisé les formules radicales traditionnelles, ni demandé qu'Israël soit rayé de la carte. Il n'a pas appelé au jihad, ni à une guerre des civilisations pour détruire un pays colonisateur et expansionniste. Il a simplement énoncé ce qui, aux yeux des Arabes et des Musulmans, apparaît comme une vérité historique incontestable.

Cette modération n'a pas payé. Elle a même été noyée sous l'effet d'une opération très bien orchestrée, visiblement montée de longue date avec beaucoup d'acteurs et complices. Personne n'aura retenu que le président iranien a été modéré dans ses propos. Il était condamnable et condamné avant même qu'il ne s'exprime. Des militants d'une organisation juive (ou sioniste, on ne sait quel est le terme admis) avaient été admis dans la salle alors qu'ils avaient pour objectif de perturber le discours du président iranien. Ils ont réussi à faire monter la tension, une tension déjà élevée, à cause du refus d'un certain nombre de pays occidentaux de participer à la conférence, et de la décision d'autres pays de la quitter si M. Ahmadinejad commettait quelque « dérapage ».

A la première phrase évoquant Israël, les représentants des pays occidentaux ont quitté la salle. Sans même analyser ce que venait de dire le chef de l'Etat iranien. Mais les jeux étaient faits. Le méchant avait été désigné à l'avance, le bon ne pouvait que gagner.

Aussitôt après, c'était le déchaînement. Nicolas Sarkozy a estimé que les propos du président iranien constituaient un «appel intolérable à la haine raciste», et appelé l'Union européenne à faire preuve d'une «extrême fermeté». Son ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, y a trouvé une occasion pour appeler à poursuivre la confrontation dans le style de l'ancien président américain George Bush. «Face à des attitudes comme celle que vient d'adopter le président iranien, aucun compromis n'est possible», a-t-il affirmé celui qui se présentait naguère comme un humaniste et un homme de gauche. La Grande-Bretagne a «condamné sans réserve» les propos «insultants et incendiaires du président iranien», pendant que l'ambassadeur adjoint des Etats-Unis à l'ONU, Alejandro Wolff, jugeait les propos du président iranien «honteux», «exécrables» et «haineux». Pendant ce temps, que se passait-il en Palestine ? Deux événements, suffisamment médiatiques, confirmaient sur le terrain ce côté raciste et intolérant d'Israël. D'une part, le militant français d'extrême gauche, Olivier Besancenot, chef du Nouveau Parti Anticapitaliste, était refoulé à l'entrée de la bande de Ghaza par l'armée israélienne. Il voulait s'y rendre pour «témoigner de sa solidarité avec la population palestinienne et avec ceux qui, en Israël, s'opposent à la politique criminelle de leur Etat».

D'autre part, l'envoyé spécial américain pour le Proche-Orient, George Mitchell, annonçait, à l'issue d'une rencontre avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, qu'Israël allait demander aux Arabes de reconnaître le caractère juif de l'Etat d'Israël avant toute négociation. Plus tard, Netanyahou avait démenti cette information, mais il était évident que son objectif était de rectifier ce qui était considéré comme une démarche maladroite à la veille de la conférence sur le racisme.

Au final, Ahmedinedjad a été applaudi par les siens, et sifflé par les Occidentaux. Sa mésaventure confirme le fait de dire des vérités historiques ne signifie pas qu'on a raison. Ensuite, défendre une cause sans savoir sur quel terrain on se trouve peut avoir l'effet inverse. Ainsi, la conférence de Genève a mis Israël en position d'accusateur alors qu'il était en position d'accusé. L'intervention du chef de l'Etat iranien a même fait oublier Ghaza et ses horreurs, la colonisation de la Palestine, le racisme de fait exercé contre les Palestiniens, et la négation de leurs droits. Enfin, les défenseurs de la Palestine se retrouvent dans la gêne, comme pour Omar El-Bachir, Robert Mugabe et d'autres. Défendre ces dirigeants lorsqu'ils ont raison peut apparaître comme de la complicité, ou au moins comme de la complaisance.

Ne pas soutenir ces alliés encombrants est encore plus gênant. Car on peut trouver meilleur porte-parole que le président iranien quand il s'agit d'évoquer les Droits de l'Homme. Mais la rue arabe et musulmane ne fait pas dans la nuance. Entre Bernard Kouchner et Ahmadinejad, son choix est fait.





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