Dans le cadre de ses conférences, l'ISA (Institut Supérieur Avicenne) a
reçu dans l'après-midi de mardi Cheikh Bouamrane, président du Haut Conseil
islamique. L'hôte de l'ISA a entretenu l'assistance, venue nombreuse l'écouter,
sur «La liberté du culte en Islam». Avant d'entamer son propos, le cheikh a
tenu à préciser que son intervention à Oran peut être considérée comme «une
introduction à la manifestation Tlemcen capitale de la culture islamique»
programmée pour 2011. D'autre part, il a exhorté les responsables de l'institut
de garder l'appellation Ibn Sina, parce que les transcriptions latines du nom
de ce savant musulman ont subi des altérations allant jusqu'à le déformer. Et
de rappeler que l'oeuvre de ce savant musulman, notamment «El Qanun Fi Ettib»,
traduite dans plusieurs langues occidentales, a connu un réel retentissement
durant le XVIIIème S.
Concernant sa conférence, Cheikh
Bouamrane, puisant dans sa thèse de doctorat, a abordé son sujet à partir de
l'école «mutazilite» qui, dès le 2ème siècle de l'hégire (correspondant au 8ème
S du calendrier grégorien), se sont posés la question «de la relation de l'être
avec ses agissements» ; autrement dit du libre arbitre. En Occident, pareil
questionnement s'est posé des siècles plus tard, au Moyen Age, avec Calvin et
Luther, note le cheikh. Celui-ci ne s'est pas trop étalé sur le sujet, surtout
en délaissant le contexte politique dans lequel est apparue l'école mutazilite,
où les Omeyyades étaient en face d'une crise de légitimité politique. Aussi, il
n'a pas évoqué tout le foisonnement intellectuel marquant l'Orient arabe,
notamment Baghdad, El Koufa et El Basra, revers des débats politiques de
l'époque. Il ne citera que l'école El Quadiria qui s'est illustrée par son
opposition aux mutazilites. Il insistera sur les références des mutazilites, à
savoir la raison, la logique et le texte coranique. Ailleurs, il réfutera la
thèse de l'emprunt de la logique aux Grecs en expliquant que le vaste mouvement
de traduction de la philosophie et pensée hellénistes, initié par Abderahmane
1er leur a été postérieur. Les mutazilites ont élaboré leur propre méthodologie,
insistera-t-il. Synthétisant la position des mutazilites concernant la question
du libre choix, Bouamrane dira qu'ils l'ont attesté et reconnu, mais dans un
cadre limité, ne débordant en aucun cas des dogmes de l'Islam.
Cheikh Bouamrane notera que ce
courant rationaliste dans la pensée islamique a été accusé d'apostasie.
Pourtant, un penseur de la trempe d'Ibn Taymiyya les a considérés comme
«proches de la vérité», souligne-t-il. Les oeuvres des grands maîtres de ce
courant rationaliste, tel El Qadi Abd El Djebbar, sont demeurées, jusqu'à une
date récente, méconnues notamment dans le Maghreb. Il citera le cas de quelques
manuscrits existant dans la Bibliothèque nationale de Rabat amputés
d'introductions et de conclusions et difficilement exploitables par les
chercheurs. Il affirmera que le patrimoine des mutazilites, éparpillé à travers
le monde arabe, a été édité bien plus tard, au courant du XXème S, grâce à la
Ligue arabe et quelques chercheurs.
Pour Cheikh Bouamrane,
l'évocation des mutazilites, et au-delà de tous les courants rationalistes en
Islam, est d'une brûlante actualité. Et d'expliquer que le monde arabo-musulman
est de plus en plus sommé par les Occidentaux de «réformer» sa religion. Et de
citer les déclarations du Pape accusant l'Islam d'ignorance et de barbarie. Le
conférencier expliquera que d'une manière générale, les Occidentaux ont
découvert l'Islam à travers les écrits des orientalistes. «Ceux qui nous
demandent de nous réformer sont étrangers à l'Islam», tonnera-t-il. Il rappellera
à plusieurs reprises que la question du libre choix (l'homme est responsable ou
non de ses actes ?) s'est posée aux trois religions monothéistes. Se prononçant
sur les vagues de dénigrement que subit de plus en plus l'Islam depuis quelques
années, il rappellera la proposition de l'institution qu'il dirige formulée à
Cordoue lors d'une rencontre sur le dialogue des religions. Cette proposition
consiste en deux points: promouvoir l'éducation pour permettre aux uns et aux
autres de découvrir les religions monothéistes et instituer des lois
internationales pénalisant toute atteinte aux religions. Lors des débats, le
professeur Yellès s'étalera sur le livre de Mohamed Assad (juif autrichien qui
s'était converti à l'Islam et qui se nommait Léopold Weiss) intitulé «La route
vers La Mecque» où l'auteur explique le cheminement qui l'a amené à épouser
cette religion.
Signalons que Cheikh Bouamrane se
trouve à l'ISA aussi pour discuter avec les responsables de cette institution
leur ambitieux projet d'organiser au début du mois d'avril prochain une
manifestation sur Cheikh Mohieddine Ibn El Arabi, soufi, père spirituel de
l'Emir Abdelkader.
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Posté Le : 03/10/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ziad Salah
Source : www.lequotidien-oran.com