Mercredi dernier,
au siège de l'Institut Cervantès d'Oran, une conférence sur l'Emir Abdelkader a
été donnée. Plus précisément, la conférence portait sur les rapports
qu'entretenait l'Emir avec l'Espagne, et cela via l'enclave de Melilla, au
Maroc. Animée par Chamyl Boutaleb, président de la fondation Emir Abdelkader,
la conférence a été suivie par un public venu très nombreux pour l'occasion.
C'est tout d'abord par la projection d'un documentaire d'une vingtaine de
minutes, retraçant la vie de l'Emir, que la conférence a débuté. Prélevées d'un
documentaire diffusé sur la chaîne française «Arte», les images projetées en ce
mercredi avaient pour but de rafraîchir la mémoire de l'assistance et de
rappeler ce qu'était l'Emir, c'est-à-dire un enfant précoce qui s'est mit à
lire et à écrire à l'âge de 5 ans, un jeune homme ayant accédé au pouvoir à
l'âge de 24 ans, qui a réussi à faire voir de toutes les couleurs à l'armée
française, l'une des armées les plus puissantes au monde alors, ceci par sa
seule intelligence. Un portrait d'un émir qui s'est retrouvé guerrier «par
accident», comme il le révèle dans ses correspondances, alors qu'en fait, c'est
un homme de paix et de tolérance, un homme qui traitait ses ennemis, une fois
capturés, avec humanité et respect. Un homme de religion aussi, éduqué dans la
culture de l'Islam, et initié à la voie soufie. Pour la parenthèse, on apprend
aussi, d'après le documentaire, que l'Emir était le précurseur du dialogue
entre les religions, et ceci par les correspondances qu'il entretenait avec
monseigneur Dupuche, évêque d'Alger, qui le considérait comme «le français le
plus proche de son cÅ“ur».
Après la
vingtaine de minutes de projection, place à présent à la conférence. Celle-ci,
pour ne pas parler de manière exhaustive de l'histoire de l'Emir Abdelkader, s'est
penchée sur l'année 1847. En cette année, cela faisait plus de 17 ans que
l'Emir combattait l'une des armées les plus puissantes du monde. Pour la jeune
nation algérienne, il avait même créé une capitale «mobile», appelé Smalah. Et
justement, après la prise de la Smalah, le voilà obligé de se retrancher au
Maroc; là-bas, depuis le décret du 10/03/1845, il est déclaré
«hors-la-loi»…d'où l'idée, comme une sorte d'ultime tentative, de recourir à la
médiation de l'Espagne. Avant cela, il avait bien essayé d'écrire à la reine
d'Angleterre, mais la rivalité franco-anglaise n'existant plus à cette époque,
cette dernière ne prit même pas le soin de lui répondre. L'Espagne est donc
l'ultime recours.
Il commence par
envoyer des émissaires dans l'enclave de Melilla et à correspondre avec la
reine d'Espagne Isabelle II. Au total, 23 documents, découverts par la suite,
relatent ces faits. Les échanges de correspondances entre L' émir et la reine
d'Espagne, ainsi que Joaquín Francisco Pacheco, Premier ministre et en même
temps ministre des Affaires étrangères, ou encore le colonel Dimitrio Maria Di
Benito ont duré en tout cinq mois.
L'Emir écrivait
pour réclamer de l'Espagne, avant toute chose, de rétablir la paix entre
l'Algérie et la France. Mais encore, du fait que la guerre perdurait, il
réclamait également une aide logistique, une aide qu'elle lui sera du reste
fournie. Cela dit, afin de remettre les choses dans leur contexte, il faut tout
d'abord avoir une idée sur la situation politique espagnole à cette époque-là :
L'Espagne n'avait pas de nouvelles visées colonialistes, mais était au sortir
d'une guerre civile. Ne s'étant pas encore ressaisie des pertes sud-américaines
et des guerres napoléoniennes, elle était très faible, militairement et
économiquement, pour plonger dans une aventure maghrébine. Et pour rien
n'arranger, le conflit pour l'accès au pouvoir s'entretenait toujours dans les
plus hautes sphères du royaume espagnol entre les isabellistes (les partisans
de la reine, les libéraux), et les carlistes (les traditionalistes, partisans
de Carlos, l'oncle de la reine, qui se réclamait aussi roi). Or, la France
était l'un des seuls pays au monde à avoir reconnu le règne d'Isabelle. D'où la
«gêne» de cette dernière à prendre une position franche dans le conflit
algéro-français. Elle se contenta seulement d'inviter les deux parties à
favoriser les solutions de paix. Lors de la conférence, on apprend aussi, à en
croire «le journal des opérations» qui paraissait à cette époque-là en Espagne,
que l'Emir Abdelkader a fini par se rendre en Espagne, mais seulement dans
l'enclave Melilla, où une foule nombreuse, avec à sa tête le gouverneur de la
ville, était venue l'acclamer. Enfin, pour conclure, comme on l'a relevé dans
le débat qui s'en est suivi, on peut dire que la correspondance entre l'Emir
Abdelkader et la reine Isabelle représentait le début des relations
diplomatiques entre l'Algérie et l'Espagne. Et le fait de choisir de
correspondre avec la reine Isabelle faisait que l'Emir avait, subsidiairement,
reconnut son règne. Cette dernière, de son côté, se trouvant dans une situation
délicate, avait tout de même favorisé la solution de paix. Et enfin, Javier
Galvan, le directeur du Cervantès, avait déclaré pour sa part, vouloir aimé
voir, pour bientôt, un monument érigé en Espagne, à la gloire de l'Emir… comme
cela existe en France, où des places portent son nom, mais encore au Mexique, à
Cuba, et même aux Etats-Unis, où toute une ville, dans l'Iowa, répond au nom de
: «Elkader», en hommage à l'Emir.
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Posté Le : 28/08/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : El Kébir A
Source : www.lequotidien-oran.com