Algérie

Concertations politiques, amnistie, Djezzy, relations algéro-marocaines : Les mises au point du Premier ministre



Lors de sa conférence de presse au lendemain de la 13e tripartite, le Premier ministre Ahmed Ouyahia a tenu à évoquer non seulement les questions économiques liées à cette rencontre gouvernement-UGTA-patronat, mais également «tous les sujets, y compris les questions de politique nationale et internationale».

Ouyahia a abordé la conférence de presse en revenant rapidement sur les résultats de la tripartite, mais également en dressant un tableau de la situation socioéconomique de l'Algérie. Pour lui, les «turbulences sociales» qu'a connues le pays au début de l'année ont «plusieurs raisons», malgré «tous les efforts consentis par l'Etat pour satisfaire» le front social. Parmi les raisons évoquées, la demande en logements, dont «120.000 pour la seule wilaya d'Alger», et les «centaines de milliers» de postes d'emplois à pourvoir au niveau national. Mais, a-t-il ajouté, ces troubles sont dus à des «lobbies dont les intérêts vont à l'encontre de l'économie nationale» et ceux qui «considèrent que c'est le moment ou jamais d'obtenir des avantages sociaux». A cela, il faut ajouter, selon lui, les «vÅ“ux de certains» de voir l'Algérie «vivre les mêmes événements que ceux vécus par certains pays d'Afrique du Nord».

A ce propos, Ouyahia estime que, pour «plusieurs raisons, l'Algérie est différente» des pays en question. «L'Algérie a plusieurs cartes. D'abord, elle n'a pas découvert la démocratie récemment. Nous avons plus de 40 partis politiques, plus de 80 quotidiens d'information et 60 syndicats. Ensuite, le peuple algérien a payé le prix lourd durant les années de troubles et de chaos ; et enfin, le développement en Algérie a été harmonieux sur l'ensemble du territoire national», a déclaré l'intervenant.

«Continuer le processus retardé en 1991»

La décision du président de la République est de «donner une plus forte impulsion aux réformes» en organisant, notamment, des «consultations politiques» en vue d'une révision constitutionnelle et de certaines lois régissant la vie politique, explique Ouyahia. «Après avoir retrouvé la sécurité, le fonctionnement normal des institutions et lancé les bases d'un développement économique, il nous faut continuer le processus qui a été retardé en 1991», affirme-t-il. Pour Ouyahia, l'Algérie mène ces réformes «sans pression», d'où le lancement des concertations politiques «pour dégager une vision de l'avenir». Il s'est dit étonné d'entendre «certains demander à l'institution militaire d'être le garant de la Constitution». «Pourquoi l'ANP doit-elle être le garant de la Constitution ?», s'est-il interrogé, considérant que «c'est aux politiques de prendre leurs responsabilités pour défendre la Constitution». «Nous n'avons pas besoin des chars pour défendre nos libertés», a-t-il ajouté. Ahmed Ouyahia a émis à l'épreuve le souhait de voir l'opposition «participer aux concertations politiques et qu'elle mette le pouvoir de mettre en application les propositions qui vont sortir de ces concertations». La révision de la Constitution sera-t-elle soumise au peuple ? Pour Ahmed Ouyahia, «l'ampleur attendue de la révision constitutionnelle fera que nous irons certainement vers un référendum après le passage par le Parlement».

Pas d'amnistie générale

«Je démens officiellement la rumeur concernant ce prétendu projet d'amnistie générale. Avec tous mes respects pour ceux qui ont donné cette information, car ces gens (allusion à d'anciens dirigeants du FIS-dissous, ndlr) avaient appelé à mettre le pays à l'abri des turbulences en 1991», a déclaré Ouyahia. Ajoutant : «L'Etat algérien a tout fait pour la réconciliation nationale, et l'Etat tend la main à tous ceux qui sont hors la loi pour qu'ils reviennent au droit chemin. En dehors de cela, il n'y a rien d'autre.

Pour rappel le 16 mai dernier, le prédicateur salafiste Abdelatif Zeraoui et un des fondateurs de l'ex-Fis Hachemi Sahnouni ont rédigé une lettre à l'attention du chef de l'Etat, «le remerciant et saluant sa décision d'élargir entre 7000 et 8000 islamistes.»

Interrogé sur les déclarations du général Khaled Nezzar à sa sortie des consultations politiques, et après avoir rappelé le rang et les positions occupées au sein de l'Etat par cet ancien officier supérieur, Ouyahia a estimé que ces déclarations ne peuvent êtres qu'à titre personnel. «Khaled Nezzar parle en son nom», a-t-il répondu.

Pas de suppression du service civil aux médecins

Abordant la grogne des résidents en médecine, le Premier ministre a estimé qu'il était inconcevable de supprimer le service civil, tel que revendiqué par les protestataires. Si, pour lui, certaines revendications peuvent êtres discutées, notamment celles concernant les moyens techniques, les conditions de travail (dont le logement) et les salaires, celle concernant la suppression du service civil ne l'est pas du tout. Il cite, à titre d'exemple, des wilayas du pays qui comptent en grande partie sur l'envoi de spécialistes en médecine dans le cadre du service civil. C'est le cas notamment de trois wilayas du Sud, Tamanrasset, Tindouf et Illizi, qui «dépendent à 80% du service civil». D'autres, comme Aïn Temouchent, Médéa, Djelfa et Constantine en dépendent à 50%, selon le Premier ministre.

«L'Etat algérien rachètera Djezzy»

Interrogé sur le dossier du litige opposant les pouvoirs publics à l'opérateur de téléphonie mobile Orascom Telecom Algérie (OTA), le Premier ministre a été très bref : «Je vous confirme que l'Etat algérien rachètera Djezzy. J'entends dire parfois oui, parfois non, je vous confirme que la procédure sera menée à son terme. Nous avons confié le dossier à un cabinet conseil, l'autre partie également, alors laissons la procédure se dérouler normalement», a-t-il ajouté sur l'affaire OTA.

En réponse à d'autres questions économiques, Ahmed Ouyahia a estimé que «le gouvernement algérien ne compte pas revenir aux années 70». «J'entends dire de temps à autre que l'Etat veut reprendre les entreprises privatisées, comme celle de Annaba (ArcelorMittal, ndlr)», affirme-t-il, annonçant, par là même, la fin de la grève à la suite d'un accord entre le syndicat et la direction d'ArcelorMittal.

Pour ce qui est de la protection du marché national, Ouyahia estime que c'est «une pratique internationale».

Concernant le programme des privatisations ouvert il y a plus d'une dizaine d'années, Ouyahia affirme que l'Algérie est «sortie du dogmatisme» et qu'il n'y a plus 1200 entreprises à vendre au privé. «Il s'agit, dit-il, d'un programme datant de 1996, lorsque nous étions sous les exigences du FMI. Il y a des entreprises ouvertes à la privatisation aux Algériens à des conditions avantageuses. Quant au partenariat avec les entreprises étrangères, la règle est celle des 49/51%. Il n'y a pas 1200 ou 150 entreprises à privatiser, mais nous ouvrirons selon la demande», a-t-il ajouté à ce propos.

L'économie informelle et la fraude

Sur la question de la lutte contre l'économie informelle, le Premier ministre estime que l'Algérie n'est pas le seul pays où il existe des activités «non déclarées». Il cite l'exemple de l'Italie où, selon lui, 50% de l'économie est dans l'informel. «Le problème n'est pas là, mais dans la fraude, dans les déclarations d'impôts ou dans les registres de commerce, pratiquées par des entreprises activant dans l'économie officielle. Nous avons des problèmes avec les trafics des conteneurs (fausses déclarations…, ndlr) et non pas avec les petits vendeurs», a-t-il ajouté à ce propos.

Libye : «Nous sommes liés aux décisions du Conseil de sécurité

Sur le dossier de la crise en Libye, Ahmed Ouyahia estime qu'il n'existe «aucune ambiguïté» dans la position algérienne. «Notre position est basée sur des principes. Le premier principe c'est que nous sommes liés et tenus par la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU, y compris concernant l'embargo sur la Libye», affirme le Premier ministre. Il révèle que l'Algérie a reçu des «demandes émanant d'opérateurs libyens pour l'achat de produits algériens». «Nous ne fournirons que des produits alimentaires et des médicaments, pas plus. Nous avons même présenté ce dossier au Comité du Conseil de sécurité chargé du suivi de la mise en Å“uvre des sanctions imposées à la Libye. Nous avons aussi suggéré à l'ONU d'envoyer des observateurs pour contrôler les opérations d'exportation vers la Libye des produits alimentaires et des médicaments à partir du poste frontalier de Debdab», ajoute Ouyahia.

L'autre principe de l'Algérie, «c'est d'appeler au cessez-le-feu immédiat et à une solution politique, en conformité avec les positions de l'Union africaine», précise encore le Premier ministre, affirmant, sur le même registre, en citant les relations en cours avec la Tunisie et l'Egypte, que «l'Algérie reconnaît les Etats et non pas les régimes».

«L'ouverture des frontières avec le Maroc n'est pas à l'ordre du jour»

Interrogé sur les rumeurs circulant à propos d'une probable ouverture des frontières algéro-marocaines, à la veille du match de football qui opposera les équipes nationales des deux pays, Ahmed Ouyahia a été catégorique : «Cette ouverture aura lieu un jour ou l'autre, mais elle n'est pas à l'ordre du jour actuellement». Profitant de cette question, le Premier ministre a reproché certaines déclarations provenant du côté marocain. «Il n'y a pas de problème bilatéral avec le Maroc. Nos frontières étaient ouvertes malgré l'existence de la question du Sahara Occidental. Mais leur réouverture nécessite un climat politique d'apaisement», a-t-il déclaré, regrettant que certaines déclarations quasi officielles ne plaident pas pour une accalmie. Selon Ouyahia, des déclarations ont été répercutées par l'agence de presse officielle marocaine, MAP, «de la part du lobby officiel marocain aux Etats-Unis, pour imputer à l'Algérie l'envoi de mercenaires et des armes en Libye. Je dis tout simplement que ce genre de déclarations n'est pas un facteur qui hâte l'ouverture des frontières».




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