Le tango, passion humaine
c?est une salle comble qui a accueilli cette soirée prometteuse qui invite au voyage. Certains spectateurs ont été déçus parce qu?ils s?attendaient à des rythmes enivrants qui les propulseraient sur la piste de danse. Mais l?accordéoniste argentin, Raul Barboza, n?était pas là pour les faire danser. Tel un conteur, les notes de son instrument sont le début d?une histoire. Ses accords expriment tantôt la peur, tantôt l?amour. De l?accordéon, qu?il a connu très jeune, il en a fait la continuation de son esprit, un moyen d?expression qui remplace à merveille la parole. Et c?est ainsi qu?il en sort les divers sons de la nature : le chant des oiseaux, le trot du cheval, le souffle du vent... et ceux de la vie : le train, le klaxon d?une voiture ou d?un camion... Accompagné de quatre musiciens à la guitare, à la harpe et aux percussions, celui qu?on nomme l?Ambassadeur du chamame joue plusieurs morceaux dont il explique le sens et l?histoire. D?anecdote en souvenir, le public apprendra beaucoup de choses de cette terre si proche du poumon de la terre. Le Palmier sacré : selon les indiens ouarani, le grand esprit créateur, après avoir conçu la Terre, a posé un palmier pour marquer son centre, puis quatre autres pour délimiter les quatre points cardinaux (Nord, Sud, Est et Ouest). En arrivant au petit trot : en Argentine, le cheval est considéré comme un compagnon et non comme un animal domestique. Un ami qu?on emmène partout où l?on va. L?expresso : ces vieilles locomotives dont les sièges sont durs et le voyage qui dure de longues heures. Les spectateurs connaisseurs savourent des mélodies qui sonnent sur une tonalité tellurique. De l?accordéon et de la voix de Raul, qui laisse libre cours à sa mémoire d?Indien, se déploient une musique en couleurs, celles de la vie, des immenses forêts, des sourires avenants et de la générosité. Il joue avec beaucoup d?humilité, de simplicité, d?attention, de patience et de rigueur, comme il le ferait entre copains. Et c?est peut-être ce qui fait que sa musique est extraordinaire. Après l?entracte, c?est au tour de Barbara Luna d?investir la scène, vêtue de rouge et de gaieté. « Je suis heureuse d?être chez vous. On se connaît depuis longtemps, parce que dans mon pays, il y a beaucoup de gens qui viennent d?ici et nos musiques ont beaucoup de points en commun », commence-t-elle avant d?attaquer son concert avec tempérament, énergie et passion. Son côté latin se dégage de tout son être : le sourire qu?elle arbore, ses cheveux qu?elle remue, sa manière de se tenir et ses mains qui ne peuvent s?empêcher de gesticuler lorsqu?elle parle... Pourtant, elle n?a rien d?une furie et elle est loin d?être une caricature. C?est avec sa douceur et sa nature chaleureuse et humaine qu?elle s?impose. Ses musiciens changent constamment d?instruments : guitare/violon, batterie/percussions, clavier/basse. Quant à elle, selon les morceaux, elle pose et reprend sa guitare, sur des ballades latines aussi douces qu?orageuses. Barbara offre au public toutes les richesses des musiques d?Amérique latine : du son cubain aux rythmes de la salsa, en passant par le lando péruvien, le joropo vénézuélien, la chacarera argentine et le tango argentin et africain, puisque ce sont ses origines. Elle chante l?amour, parce que « la gaieté voyage sur les épaules de la douleur », elle chante pour ceux « qui veulent partir là où le soleil brille tous les jours »... Barbara, cette curieuse alliance entre la détermination et la fragilité, la séduction et le naturel, la modernité et le respect de la tradition, ne chante pas du tango pour touristes. Ses must, ce sont le milonga et le camdonbé : « styles aux origines du tango où les rythmes afro-cubains prennent le pas sur les cheveux gominés ». Pour le public, cette soirée, c?étaient trois heures de pur bonheur, d?envoûtement et de découvertes.
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Posté Le : 08/06/2005
Posté par : sofiane
Ecrit par : Zineb Merzouk
Source : www.elwatan.com