Beaucoup de turbulences semblent jalonner le parcours des études médicales outre une durée longue de sept années pour les médecins généralistes et quatre à cinq ans supplémentaires pour les études de spécialité au bout de laquelle la délivrance n'est pas assurée source d'inquiétude et primum movens de la grève des étudiants dont des aspirations légitimes commencent à trouver écho auprès des responsables du secteur comme le rétablissement du carnet d'interne dans sa nouvelle mouture gage d'une formation qui répond aux objectifs pédagogiques, la promesse de revalorisation de l'indemnité salariale qui n'a pas été revue depuis des décennies, la possible instauration du numerus clausus dont l'absence est source d'une pléthore de diplômés, sans garantie de décrocher un poste de travail et surtout d'une dégradation de la qualité de la formation, enfin la levée du gel de l'authentification des diplômes ; une exigence de beaucoup de pays étrangers pour autoriser l'exercice médical ; cette dernière revendication qui au-delà d'une satisfaction acquise cache, hélas, une volonté d'un grand nombre d'étudiants d'aller voir ailleurs et c'est là que le bât blesse et c'est à cette situation qu'il va falloir réfléchir et trouver rapidement des solutions pour endiguer la saignée qui grève le pays financièrement et humainement, sans compter les conséquences désastreuses sur la santé de la population de plus en plus vieillissante et dont les besoins en soins augmentent inexorablement.
La santé ne peut être assimilée à une activité commerciale qui obéit aux lois de l'offre et de la demande ni être comptable d'une quelconque rentabilité pour juger de son efficacité; dans tous les pays, la jauge est l'intervention de l'Etat qui est décisive pour déterminer la qualité des soins; plus les pouvoirs publics sont impliqués et meilleure est la prise en charge sanitaire; ceci est particulièrement vrai même pour les pays classiquement capitalistes où l'Etat n'est pas, par principe, interventionniste selon la doctrine: «laisser faire laisser aller».
Et au contraire là où l'Etat est absent ou bien son intervention est minimaliste il en découle une médecine à plusieurs vitesses; celle des pauvres et celle des nantis ; une situation qu'il faudrait éviter au risque d'aggraver les disparités et de fragiliser la société.
L'Algérie a consenti d'énormes moyens depuis l'indépendance au secteur de la Santé; dans les infrastructures, la formation et dans l'équipement, des programmes nationaux coûteux ont été élaborés et mis en exécution comme, par exemple, celui de la vaccination, le programme anti-cancer ou de néonatologie; il serait vraiment insensé que tous ces sacrifices s'évaporent car on n'a pas su ou pas cru devoir se remettre en question et voir ce qui ne va pas ! La plupart des observateurs du secteur s'accordent à dire qu'il s'agit, surtout, de l'absence d'une stratégie concertée et par conséquent d'une gestion qui ne répond plus aux nouvelles réalités démographiques et économiques de la société qui aspire toujours à un meilleur statut.
Trouver des solutions implique la compréhension de l'évolution du secteur de la Santé depuis l'indépendance jusqu'à nos jours.
Au lendemain de l'indépendancele choix fait d'un régime social inspiré de l'idéologie socialiste a permis à la population d'accéder aux structures publiques de façon totalement gracieuse ; cette décision politique a été renforcée par l'instauration de «la médecine gratuite» aux objectifs louables mais dont l'application sur le terrain, au fil du temps, a rapidement mis en évidence ses effets pervers et parmi lesquels on peut constater, par exemple, que les plus nantis et les mieux introduits étaient les plus avantagés, les assurés et les non assurés, indépendamment de leur rang social, étaient au même pied d'égalité ; une injustice flagrante, la notion de «gratuité» a fait dévaloriser l'acte de gestion et de contrôle, aggravé le gaspillage et surtout fait marginaliser le secteur libéral qui ne faisait alors plus bon ménage avec les slogans du Socialisme.
Malheureusement toute tentative d'aborder cette question est vite contrariée par des réflexes hérités du temps du Parti unique qui divisa les activités de service, y compris la santé en secteur public dépeint comme étant éthique, social, désintéressé et un secteur libéral accusé de tous les maux ; avide de gain, inhumain, anti social et tous les adjectifs du lexique socialiste et bien qu'il soit vrai dans certains cas, ceci est la conséquence d'absence souvent de mécanismes régulateurs efficients.
Et ce qui a renforcé la perception de cette image ce sont les différentes politiques qui ont sciemment ignoré ce secteur en l'excluant carrément de la carte sanitaire et en le désignant comme un secteur concurrent et érigé comme tel et non complémentaire comme c'est le cas dans les pays où la médecine et la couverture médicale font envier tous les Algériens qui en rêvent de pouvoir en bénéficier, un jour, ou qui en profitent déjà pour les plus chanceux; beaucoup de nos concitoyens pensent faussement car souvent induits en erreur que dans ces pays la médecine est payante et sans le sous on crève ! Ceci est absolument faux ! Exception faite des États- Unis où ce problème est malheureusement assez véridique et constitue une bataille entre Démocrates et Républicains pour pallier à cette situation indigne d'un grand et riche pays; Sinon en Europe et dans la plupart des pays comme l'Espagne ou la France par exemple nous pouvons affirmer que la médecine pour le malade est vraiment perçue comme gratuite ! Au point qu'on ne fait pas de différence entre praticien public et praticien privé, dès lors qu'on dispose d'une protection sociale; certes la Sécurité sociale traine un lourd fardeau de déficit mais comme cité précédemment la santé n'est pas une dentée comptable ! Dans ces pays l'Etat consacre un budget conséquent par le biais des assurances maladie pour maintenir une qualité de soins et une justice face à la maladie au point que nous pouvons affirmer, sans être démenti, qu'un président est soigné de la même façon qu'un SDF !
Ceci n'a pas été possible sans l'exploitation de toutes les ressources humaines et matérielles disponibles sans distinction entre public et privé et sans une politique qui fait de l'excellence en matière de soins son principal et unique objectif. Alors il n'est pas honteux de s'inspirer d'un système qui a fait ses preuves et compte parmi les meilleurs au monde ; bien que nous ne disposions pas des mêmes moyens cependant nous pouvons rationaliser au mieux les nôtres et surtout revoir notre stratégie et façon de gérer.
J'insiste sur le secteur libéral parce que j'estime qu'il représente un puissant levier qui regorge de potentialités sûres pour pouvoir relever le défi, pour peu qu'il soit considéré à sa juste valeur et intégré, de plein droit dans la stratégie globale de prise en charge du malade loin des stéréotypes qui lui collent et qui ont la peau dure pour pouvoir disparaitre.
Ce secteur jadis florissant est en train d'agoniser et il ne faut pas se faire d'illusions quant à sa vitalité prétendue qui sans apporter les correctifs nécessaires à sa survie, disparaitra plus vite qu'on n'y pense ; ceux qui continuent à le fustiger sont en train de se tirer une balle dans les pieds ! Car à devoir analyser la situation actuelle, il devient évident qu'il est de moins en moins attractif et ne représente plus une alternative pour les futures générations de médecins qui aspirent, dans la grande majorité, à opter pour l'exil qu'ils soient de jeunes diplômés ou même exerçant de longue date.
Il est urgent d'organiser de vraies Assises sur la Santé où les principaux acteurs devront apporter chacun son eau au moulin loin de tout populisme ou manipulation quelconque afin de sauvegarder ce secteur vital et améliorer la prise en charge de la santé des citoyens.
*Docteur
Posté Le : 00/00/0000
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : un Président qui joue aux apprentis-sorciers
Source : www.lequotidien-oran.com