Algérie - Ben Azouz

Complexe pétrochimique prévu à Guerbes Sanhadja: Un drame écologique



Complexe pétrochimique prévu à Guerbes Sanhadja:  Un drame écologique




Cette année, l’Algérie s’apprête à célébrer l’environnement. Sur la scène internationale, notre jeune nation ambitionne même d’être dans ce domaine un des leaders du continent africain. N’a-t-elle d’ailleurs pas été consacrée en 2010, par une étude américaine, «le pays le plus propre écologiquement» du monde arabe ainsi que le deuxième en Afrique?

Par Karim Tedjani, militant écologiste et administrateur du portail web «Nouara»

Depuis quelques années, les événements dédiés à faire la promotion du développement durable, de l’économie verte ainsi que l’exploitation des énergies renouvelables font de plus en plus école et ce, un peu partout à travers le pays. Un pertinent programme «Deved» a même été décidé afin de donner une part plus belle au concept d’économie verte dans le développement de notre économie, qui a grand besoin de se diversifier et surtout d’anticiper avec confort l’inéluctable « après pétrole » qui annoncera la fin d’une Algérie mono-rentière. Il est même très sérieusement question de munir Alger d’un centre Onusien du développement durable. Un programme «Deved» pour le développement durable en Algérie afin de favoriser notamment le développement des métiers «verts» dans notre pays.

Pourtant, en 2013, l’Algérie a également décidé de s’investir dans une exploitation très controversée, à cause notamment des impacts très néfastes pour l’environnement dont elle est responsable: le gaz de schiste…

Si notre pays possède potentiellement la septième réserve mondiale de cette ressource fossile, il peut également se targuer d’avoir à sa disposition un potentiel en énergies renouvelables «considérable» selon les propres termes du représentant permanent de l’Algérie aux Nation Unies. Son taux d’ensoleillement parmi les plus importants au monde ainsi que certains gisements de silicium présents dans ses sols, font du Sahara algérien «Le» site idéal pour produire à grande échelle de l’électricité grâce au rayonnement du soleil. Pour faire face à une demande croissante d’énergie dans, notre pays, si prompt à s’afficher comme un défenseur de l’environnement national et mondial, on aurait pu accélérer le développement des énergies renouvelables ainsi celui que des technologies permettant de réduire sensiblement la consommation d’énergie.

L’Algérie, notre pays, va apparemment encore faire preuve de son engagement si particulier pour la préservation de l’environnement. Elle va sûrement céder le droit à la Sonatrach d’installer un complexe pétrochimique à la périphérie d’une zone humide de renommée internationale qui joue un rôle écologique local, régional et méditerranéen de premier ordre. Pour information, 14% de la biodiversité algérienne a élu domicile dans ce parc naturel de 42.000 hectares ainsi que de nombreux oiseux migrateurs en villégiature hivernale.

Mais il serait injuste de réduire cette région à un complexe de marais et d’étangs, aussi précieux pour l’environnement soient-ils. Guerbes Sanhadja c’est aussi la plaine de Messoussa qui flirte avec l’Oued El Kebir venu mourir, en beauté, dans la majestueuse baie de Guerbes quasiment vierge. Que dire des paysages époustouflants qu’offrent les alentours des monts Filfila et «Bonne affaire» qui narguent la mer de leurs flancs boisés par des forêts luxuriantes…

Guerbes Sanhadja c’est aussi la plus importante pépinière hors sol de chênes d’Algérie, capable de produire jusqu’à 2 millions de plants par an. La forêt de Guerbes de chênes liège et vert, de pins maritime est une véritable mine d’or. Les performances éoliennes et photovoltaïques de la baie de Guerbes ne sont plus à prouver et cette dernière n’a pas encore accès à l’électricité alors qu’elle souffre de cette lacune pour développer un tourisme de qualité.

Les potentiels à mettre en valeur ne manqueraient pas. Des milliers d’emplois directs mais aussi indirects peuvent être crées avec un esprit moderne, c’est-à-dire en prenant soin de répondre non seulement aux contingences écologiques qui incombent à un site naturel si rare, mais avec toujours le souci de créer de la richesse économique et sociale.

Skikda, responsable de ce site, est d’ailleurs une wilaya qui aurait un grand intérêt à tourner avec panache la page de son histoire industrielle, elle, qui est avant tout une perle de savoir vivre, une zone agricole et artisanale prolifique, ornée de côtes sublimes et de montagnes en flanc de mer. En tentant l’expérience du développement soutenable pour les hommes et leur environnement d’un site aussi précieux pour l’Algérie et l’environnement mondial, Skikda pourrait non plus être un poumon de notre industrie, suffocant à petit feu au passage toute une population, mais bien le «troisième poumon» d’un souffle nouveau pour l’Algérie.

Ce que la Nature d’une région a mis des millénaires à offrir à notre pays, un bijou de la biodiversité méditerranéenne, un climat agréable, un air parfumé par les fleurs et les plantes médicinales, une population affable, gastronome douée pour le tourisme, voilà ce que Skikda pourrait vendre à l’Algérie, et pourquoi pas au reste du Monde. Il faudra encore construire des complexes pétrochimiques en Algérie, c’est indéniable. Mais pourquoi, sur une côte de 1.200km, le faire dans une zone naturelle rare? Ce que Sonatrach veut installer dans cette nature va la défigurer en quelques années…

Le cas de Guerbes Sanhadja n’est pas seulement une affaire régionale ; à vrai dire, c’est un symbole: celui d’une Algérie qui doit à présent bousculer ses habitudes pour ne pas être prise en défaut par le cours de l’Histoire. C’est la vision de deux futurs pour notre pays qui ne doivent pas se confronter, mais plutôt se compléter. Si les complexes industriels ont encore leur place dans notre système économique, les complexes de zones humides doivent y trouver leur importance également.

Ce n’est donc pas seulement un choix écologique mais aussi un postulat socio-économique qui m’oppose au projet de Sonatrach à Guerbes: le développement de l’Homme et de la Nature ne sont pas incompatibles, bien au contraire, ils s’avèrent interdépendants. Comme, rappelons-le, cette année, l’Algérie célèbre l’environnement, reste à espérer que certains de nos dirigeants s’en rappelleront et qu’ils conseilleront vigoureusement à Sonatrach de construire son méga-projet là où on en a peut-être le plus envie et besoin…

* Photo: Guerbes est une région féerique dont je ne suis jamais lassé de me laisser envoûter . Malgré plus de vingt-ans de randonnées à travers mon pays de coeur, je suis toujours étonné par les trésors de beauté naturelle autant que sauvage qui s'offrent chaque jour à mon regard. J’espère sincèrement que la tranquillité des lieux sera préservée, mais cela est loin d'être gagné si des solutions à la fois rentables et au service de la protection de cet espace naturel ne sont pas proposées...(En date du 25 octobre 2010 par Karim Tedjani).

K.T.



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