Comment sortir de l?anonymat ?
A quelques minutes du centre-ville de Constantine, sur l?avenue du 20 Août 1955, dans le quartier Aouinet El Foul, une file de voitures jaunes attend d?éventuels passagers. Ici, le lieu est plutôt calme, par rapport aux autres stations, on ne se bouscule pas pour avoir une place dans un taxi. Malgré le nombre réduit, les chauffeurs de taxi, ayant choisi de servir sur la ligne reliant Constantine à la commune de Messaoud Boudjeriou, devront patienter longtemps avant de faire le plein. La route vers cette localité de 17 km au nord-ouest du chef-lieu de wilaya, rarement encombrée, garde toujours une vocation rurale en dépit d?un cachet de route nationale. Une odeur de terre cuite se dégage des champs en cette journée chaude de l?automne. Retranchée à quelques kilomètres de la RN 27 reliant Constantine à la commune d?Ibn Ziad et menant vers la ville de Mila, traversée par le chemin de wilaya n°102, sa seule artère principale, la paisible commune de Messaoud Boudjeriou donne l?impression de vivre un isolement qui semble durer pour prendre l?allure d?un véritable handicap pour son développement, bien que des efforts louables soient consentis depuis quelques années par l?APC. Si l?entrée de la commune laisse apparaître aux visiteurs une extension en îlots de bâtiments à trois étages, fraîchement peints, la majorité du tissu urbain est formé par des constructions rurales dont certaines remontent à l?ère coloniale. La commune n?offre pas grand-chose au niveau de ce qui ressemble à une artère principale sauf des commerces dispersés, une station de bus improvisée et quelques bâtisses administratives. Pourtant, l?histoire de cette bourgade connue publiquement aussi par Aïn Kerma, son ancienne appellation remonte à 1886, date de sa naissance administrative durant l?époque coloniale. Ce qui fait d?elle l?une des plus anciennes communes de l?Algérie. Rétrogradée à une agglomération secondaire dépendant de la commune de Mila en 1964, elle reprendra son statut de commune dépendant de la daïra de Zighoud Youcef juste après le découpage administratif de 1984, appliqué le 1er janvier 1985, pour porter officiellement le nom du martyr Messaoud Boudjeriou avant d?être rattachée finalement à la daïra d?Ibn Ziad. Commune à vocation purement agricole, elle n?abrite sur son territoire aucune unité de production, malgré l?existence d?un important gisement de terre rouge où la matière première se trouve exploitée par une unité implantée au chef-lieu de daïra Ibn Ziad. « Le travail de la terre demeure une affaire de personnes âgées. La plupart des jeunes de la commune ne s?y intéressent plus, préférant plutôt les activités commerciales ou les services, alors que d?autres ont choisi de gagner leur pain à Constantine. Même le marché hebdomadaire, qui s?installe chaque dimanche, n?est pas pour rapporter des ressources notables pour la localité », s?exprimera Gouassem Ahcène, P/ APC de Messaoud Boudjeriou. La commune d?une superficie de 106 km2 comptant 9000 habitants répartis sur le chef-lieu de commune et les agglomérations de Kef Beni Hamza, Aïn Kebira, Bouhsane, Darsoun, Mecida, Bougsiba Arch, Ouled Boukhalfa, Nouassra et Dar El Oued, demeure tributaire du fonds des collectivités locales où elle bénéficie d?une enveloppe de 9 millions de dinars répartis entre les budgets de fonctionnement et d?équipement. Elle bénéficiera au titre de l?année 2005 de 15 millions de dinars alloués dans le cadre du plan communal de développement PCD et 5 millions de dinars grâce au budget de la wilaya, en sus des aides financières programmées dans les projets sectoriels et le budget de l?Etat. Une sérénité retrouvée Ayant souffert durant la décennie noire du terrorisme, la région n?a jamais été gâtée par sa position géographique à proximité des frontières de la wilaya de Mila, où les groupes armés, incessamment pourchassés par les unités de l?armée et les groupes de légitime défense avaient de nombreux fiefs et refuges dans les douars. Le sentiment de peur et d?insécurité a poussé les populations à abandonner terres et biens. « Des familles entières terrorisées n?avaient d?autre alternative que de se réfugier au chef-lieu de commune où elles vivaient d?une aide substantielle allouée par l?APC », apprend- on auprès des autorités. Même le siège de l?APC n?a pas été épargné. La population de Messaoud Boudjeriou n?oubliera pas de sitôt la journée du mardi 20 octobre 1994 où le défunt Maâzouzi Youcef, directeur exécutif communal, a été abattu froidement par un groupe armé dans son bureau de l?actuel siège de l?APC. Le retour progressif au calme avec l?élimination de réseaux terroristes activant dans la région après des années d?instabilité et de misère semblent rassurer des habitants qui reprennent leurs activités surtout dans les fermes de Dar El Oued, El Mina, Nouassra et Bougsiba où l?Etat a mis tous les moyens à la disposition des agriculteurs. Toujours est-il que nombreux parmi ces derniers, nonobstant toutes les assurances données, hésitent encore, pour des raisons évidentes, à s?installer définitivement en attendant des jours meilleurs. « Nous essayons avec les moyens disponibles d?assurer une présence permanente des groupes de légitime défense dans les zones affectées pour aider les populations à gérer leurs biens en toute quiétude », nous affirme le P/APC. La sérénité retrouvée a incité les autorités de la commune à réactiver les projets en instance avec une volonté de vouloir rattraper un retard de développement considérable. Le programme de logement social et rural ayant stagné durant des années sera ainsi relancé. Si pour le premier, la commune bénéficiera d?un quota de 130 logements pour le plan quinquennal 2005-2009, elle aura droit à 190 logements ruraux pour la même période. Des acquisitions qui s?ajouteront aux 375 logements ruraux réalisés entre 1993 et 2004 et les 218 logements sociaux distribués entre 1997 et 2004. Alors que l?assainissement du tissu urbain a atteint le taux de 90% et le raccordement au réseau d?alimentation en gaz avoisine une couverture de 95%, le point noir de la commune demeure l?état déplorable du réseau routier très affecté par les chutes de neige enregistrées durant l?hiver dernier. L?entretien des chemins communaux nécessitera un important financement qui dépasse les capacités de l?APC. Cette dernière compte toujours sur une aide conséquente de la wilaya. En dépit de tous ces aléas, la municipalité de Messaoud Boudjeriou aura profité surtout du budget du Plan communal de développement (PCD) de l?année 2005 pour la réalisation d?une salle de soins et la rénovation de la station de pompage au profit des habitants de la localité de Bouhsane, l?assainissement de l?agglomération de Kef Beni Hamza mais surtout la réfection de la route de Bougsiba Arch et celle de Mecida inférieure. Une santé mal gérée Dépendant du secteur sanitaire de la cité El Bir situé dans le chef-lieu de la wilaya, la commue Messaoud Boudjeriou se trouve toujours mal lotie en matière d?infrastructures sanitaires. La polyclinique, unique structure sanitaire notoire, dont les services s?avèrent défaillants, n?assure pas une permanence médicale durant la nuit et les week-ends et ne dispose même pas d?une ambulance pour les évacuations d?urgence vers Constantine. Cette situation, qui continue d?inquiéter les habitants, ne manquera pas de susciter la colère du wali de Constantine lors d?une récente visite d?inspection à la commune où il aura pris connaissance des carences d?un secteur moribond. Avec un seul généraliste pour 9000 habitants, on ne peut guère demander la qualité. Les habitants affirment qu?ils sont souvent obligés de se déplacer jusqu?à Constantine pour une consultation, cela sans évoquer les conditions difficiles vécues par les femmes enceintes évacuées dans des véhicules particuliers et qui ne trouvent pas de places à l?hôpital El Bir, alors qu?on refuse catégoriquement de les prendre en charge au niveau du CHU de la ville de Constantine. Pour les citoyens des localités, dont certaines sont distantes de plus de 10 km, les choses sont beaucoup plus délicates. Les salles de soins qui manquent déjà d?équipements ne sont bonnes que pour des premiers soins ou des injections. D?autres construites à Mecida ou à Darsoun à une quinzaine de kilomètres de Messaoud Boudjeriou ne sont toujours pas opérationnelles faute de matériel. Même si les autorités de la wilaya semblent avoir pris en charge les soucis majeurs de la population en décidant d?équiper la polyclinique d?une ambulance en attendant le renforcement du personnel médical pour assurer une permanence tant souhaitée avec la programmation de visites de médecins désignés pour les salles de soins, beaucoup reste à faire pour atteindre une couverture médicale répondant aux normes dans une commune qui ne compte déjà qu?une unique pharmacie et qui a fortement besoin pour se refaire une santé. Le transport et ses soucis Pour bon nombre de Constantinois, le nom de la commune de Messaoud Boudjeriou n?évoque pas grand-chose, contrairement à d?autres communes situées sur les routes nationales à forte densité de circulation et qui ont connu une croissance importante de la population suite aux multiples mouvements de relogement. Ce ne sera pas le cas de l?ex-commune de Aïn Kerma qui ne semble pas figurer parmi les localités ayant bénéficié des avantages des programmes de développement durant la décennie précédente. On remarquera surtout que la commune demeure toujours mal servie en matière de moyens de transport. Les habitants se font trop de soucis pour se déplacer vers Constantine où seulement 15 taxis et 4 bus assurent une navette de 17 km. Un déficit qui se fait remarquer le matin et tard le soir. Alors qu?un minibus assure la liaison avec la commune de Hamma Bouziane, un unique véhicule de marque Peugeot J9 permet aux citoyens de rallier la commune d?Ibn Ziad, chef-lieu de daïra, distante de 8 km, pour le retrait d?un passeport ou d?un acte de naissance ou se faire rembourser les frais médicaux au centre payeur de la CNAS. Les autorités de la municipalité rappellent à ce sujet le calvaire des 208 lycéens de la commune, qui, en attendant l?ouverture un jour d?un lycée à Messaoud Boudjeriou, se trouvent obligés de se déplacer vers Ibn Ziad et même vers la ville de Grarem dans la wilaya de Mila, alors que d?autres, habitant les localités de Mecida et Boukhalfa, font jusqu?à 20 km pour rejoindre les classes. A noter la contribution louable de l?APC qui a pris en charge le transport des élèves des contrées lointaines répartis sur l?unique CEM et les 11 écoles primaires de la commune. Une zone d?activité en quête d?investisseurs Avec un taux de chômage des plus élevés dans la wilaya notamment parmi les jeunes, la commune Messaoud Boudjeriou n?espère son salut que dans sa zone d?activité commerciale. Malgré tous les appels à l?investissement lancés depuis des années et qui continuent de l?être, cette zone forte de 75 lots n?aura finalement intéressé qu?une vingtaine d?investisseurs. Les lots attribués, dont la plupart n?ont pas été exploités, abritent essentiellement des unités opérationnelles de fabrication de fournitures scolaires et des matériaux de construction alors que d?autres devront servir pour des projets de produits agroalimentaires et des activités commerciales. « Depuis quelques années, nous avons même reçu des investisseurs nationaux et leurs partenaires étrangers qui se sont dit intéressés par l?installation des unités productives. Après les traditionnelles prospections, les choses sont restées sans suite », nous expliquera le vice P/APC chargé du patrimoine. Selon lui, les raisons des réticences de certains n?ont plus droit d?exister aujourd?hui avec le retour au calme dans la région. Un grand pas a été réalisé par les autorités par la viabilisation de la zone déjà dotée d?électricité, d?un réseau d?alimentation en eau potable et en gaz. L?existence d?un gisement de terre rouge dans la région devra inciter de nombreux industriels à venir s?y installer, surtout que la municipalité Messaoud Boudjeriou, qui ne manque pas d?afficher son optimisme se dit prête à assurer toutes les facilités administratives pour les investisseurs intéressés, avec en sus un prix alléchant pour l?acquisition de lots de terrain pour 500 DA/m2. Ce qui ne manquera pas de créer, enfin, le saut tant attendu pour faire sortir la commune de l?anonymat.
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Posté Le : 05/11/2005
Posté par : sofiane
Ecrit par : S. Arslan
Source : www.elwatan.com