Commerce de la fripe à mila

C'est en tout cas l'avis de plusieurs gérants de boutiques spécialisées dans la vente d'habits d'occasion, ainsi que des marchands vendant ces dits produits sur la voie publique. Aucun parmi les commerçants interrogés n'a hésité à tirer la sonnette d'alarme.«La filière de la fripe, qui enregistre depuis quelques mois une drastique récession, risque tout simplement de disparaître», s'est offusqué un fripier tenant magasin dans un quartier commercial à Chelghoum Laïd. A Téleghma, Grarem Gouga, Tadjenanet et Ferdjioua, le marasme et la sinistrose sont de mise chez la plupart des commerçants approchés. Dans les principaux marchés, nous avons constaté que les rayons, très fournis il y a quelque temps, se sont substantiellement vidés de leurs marchandises, laissant place à une infinité de tas de chiffons.Pour A. Aziez, qui exerce, non sans fierté, le métier de fripier depuis près de huit ans, la mise à mort du commerce de la fripe est synonyme de paupérisation de centaines de familles. «Que va-t-il advenir de mes cinq enfants dont trois sont scolarisés, moi qui touche une pension dérisoire de retraite de 17 000 dinars», s'est-il lamenté. Son inquiétude, somme toute légitime, est partagée par bon nombre de ses pairs.Cette appréhension tient la route et est loin d'être fantaisiste. D'autant plus, comme l'a si bien expliqué un grossiste constantinois selon lequel «les importations de balles et de lots entiers de vêtements via les réseaux de l'Est (Tébessa et Bir El Ater notamment) sont réduites à la portion congrue, pour ne pas dire qu'elles ont totalement disparu des décors». Dans la foulée, plusieurs boutiques versées dans le «décrochez-moi-ça» ont baissé rideau. En somme, des perspectives incertaines qui se profilent d'ores et déjà devant la corporation.Et il n'y a pas que les commerçants qui en subiront le revers de fortune. Des répercussions financières ne manqueront pas également de rattraper de nombreux ménages au revenu faible ou moyen. Le budget familial de ces derniers est appelé à être sérieusement grevé sachant les prix pratiqués dans les magasins d'habillement. L'achat au rabais des vêtements de qualité acceptable constitue une véritable bouffée d'oxygène en ces temps d'érosion effrénée du pouvoir d'achat. Mais, une aubaine dont devront désormais se passer de larges pans de la société.