Commerce

Quandà temps il reçoit sa retraite, il se permet des petits caprices. Raisonnables,bien sûr. C'est ainsi que depuis une semaine, tous les jours, en plus dumasrouf quotidien, il s'achète une bouteille d'un brassé aromatisé au cassis.C'est un produit de chez nous, qui n'a rien à envier aux produits de là-bas.D'ailleurs, c'est parce que c'est un produit national qu'il l'a acheté. Leflacon est très beau. L'étiquette est bien faite et le produit je ne vous dispas. Epais, frais, onctueux, très très bon.Voilà,se dit-il, de quoi sont capables nos opérateurs économiques. Ils peuventconcurrencer les meilleurs sur leur terrain. Il est vrai que le produit n'estpas donné, mais le rapport qualité/prix y est. Il était heureux et fier d'enparler à tout son entourage. Dans tout le quartier. Au point que l'épicier voyaitsa demande s'accélérer.  Hier, comme à l'accoutumée, il prend sabouteille. Après la bonne bouffe digne des premiers jours de la pension deretraite, il se verse un bon verre de ce qui est devenu son dessert attitré. Ala première gorgée, surprise ! Il reprend le flacon pour s'assurer quel'épicier lui a bien servi la même marque. Il rejette un coup d'oeil sur ladate de péremption, des fois que... Non, tout était dans l'ordre.Ildécouvre un numéro de téléphone «service consommateurs». «C'est de l'arnaque»,se dit-il. Oh que non ! Aux premières sonneries, une douce voix, qu'on diraitsortie du paradis d'un aéroport étranger, lui répond. - Service consommateurs, j'écoute. - Voilà, j'ai entre les mains un de vosproduits aromatisé cassis. Il n'est plus ce qu'il était hier. Aucune épaisseur,pas de crème, médiocrement aromatisé... - Je vous comprends, monsieur. C'est uneproduction qui, en principe, ne devait pas être commercialisée. On est vraimentdésolé pour vous. Maintenant, si vous pouvez nous la ramener...Ilcoupe. Il aurait bien aimé la leur ramener. Il fait ses calculs. Unaller-retour par train coûterait 1.000 dinars. Comme un aller-retour, vu sonâge, ne peut pas se faire le même jour, il pourrait passer la nuit... Non, jene ferai rien ! J'en achèterai un demain pour en avoir le coeur net. La suite,on verra. Mais ne serait-ce que pour l'accueil du «service consommateurs», illes appellera pour la suite...