Commentaire : Peut-on dire nos rues avec des fleurs '

A l’heure de la vitesse pour le gain facile et des calculatrices en guise de cœur, nos jeunots ont compris, bien avant nous, que la couleur du chat importe peu pourvu qu’il attrape la souris. Une philosophie de la Grande muraille qui s’applique à merveille à notre économie de bazar. Logiques avec eux-mêmes, et en plein dans leur temps, ces bambins, ne prêtent aucune attention aux plaques apposées au coin des rues qui, à leurs yeux, relèvent de l’ère des troglodytes. Que peut signifier «Hai el-wiam» pour un jeune qui est fâché avec les murs de sa ville ' Ou «cité des 12.548 logements» pour un adolescent qui s’entasse avec ses frères et sœurs dans un F2, perdu dans une cage à poule ' Que peut vouloir dire «Hai el Moustaqbal», pour un exclu de l’école et de la vie, qui s’accroche aux pans de sa mère, juste pour ne pas rester sur le carreau de l’existence ' Ainsi, certains jeunes, désabusés bien avant l’âge, n’ont pas trouvé mieux pour se venger de notre creux tutorat  envers eux, que de nous inventer un vocabulaire qui décape. Ainsi, Rue Ben Mhidi peut se transformer en «Trig-el-qant». Place Ben Badis en «Blacet el hallaba». Et nous en passons et des meilleures. En face, ceux qui sont payés pour dire avec intelligence et conviction, nos rues et nos quartiers semblent manquer terriblement d’imagination. Collant à l’histoire jusqu’à l’étouffer, ces sbires ajoutent de l’eau au moulin de nos jeunes en les dégoûtant complètement de leur identité. Traitant par-dessus la jambe nos martyrs et les dates phares de notre histoire, ils ne se rappellent de nos symboles que comme des numéros sur un calendrier. Entre deux dates anniversaires, c’est le vise sidéral. Ces jeunes qui courent indéfiniment, et souvent vraiment, derrière un travail, un logement, un visa, passent comme des comètes devant l’histoire des rues et des quartiers. Ils sont si désabusés par leur sort qu’il devient hasardeux de leur demander un devoir de mémoire. Quant à dire nos rues avec des fleurs !