Algérie

Commentaire : L'opposition revendique et éclaire



Dans un livre-testament qui vient de paraître, Ferhat Abbas, qu'on ne peut soupçonner d'accointances avec les gouvernants, écrit que «dans leur majorité, les Algériens confondaient indépendance et Etat-providence. Tout un chacun se mit à  attendre les pétrodollars». Plus d'un quart de siècle plus tard, le constat est toujours valable avec cette croyance que les caisses étant pleines grâce au pétrole, le moment est venu d'assurer à  chacun une rente. L'homme était dans son vrai rôle d'opposant. Il ne s'agit pas seulement pour les hommes et les femmes qui se donnent ce rôle de se complaire dans la seule vocation de franc-tireur. Dans le sillage de la révolte en Tunisie, l'occasion est aussi donnée de s'interroger sur le véritable rôle d'une opposition. Il y a quelques années, Nouredine Boukrouh dans un essai n'a pas hésité à  pointer du doigt les responsabilités des citoyens. La relecture d'un passage de son livre reste très instructive. «Chacun d'entre nous essaie de se prémunir de son prochain, d'échapper à  sa malfaisance mais aucun n'accepte de reconnaître lui-même qu'il est un agent du mal décrié. Nul n'est à  son aise et tempête partout contre l'incurie, la corruption, l'absence de recours mais se rappeler que chacun fait la même chose et traite autrui de la même manière». Le grand poète Ait Menguelet avait raison de déclamer que «celui qui veut que cela change doit se changer lui-même». L'opposition consiste, certes, à  révéler en premier les dysfonctionnements de la vie politique ou économique. Elle doit alerter, mettre en garde contre des dérives. Elle doit garder aussi ses distances avec le populisme qui nuit tout autant à  la démocratie et brouille les enjeux. Il en donne une vision manichéenne où à  l'incurie des dirigeants s'opposerait une société vertueuse. Il suffit pourtant de voir ou de tendre l'oreille. Trop souvent, ceux qui se plaignent du manque de travail sont les premiers à  rechigner à  la tâche. Qui ne connaît pas les pénuries de pain dans la capitale ' Il suffit du départ pour les fêtes des jeunes qui viennent de l'intérieur du pays pour que les boulangeries baissent rideaux et les restaurants s'obligent à  fermer. N'y a-t-il donc plus de dignité à  exercer le métier de mitron ' Ceux-là mêmes qui se plaignent du manque de loisirs ne sont-ils pas souvent les premiers à  refuser l'organisation de manifestations culturelles assimilées à  du gaspillage ' Le Panaf n'avait pas échappé à  ce refus de ceux qui rêvent d'aller vivre dans des sociétés qui valorisent ce qu'ils abhorrent, notamment la liberté de la femme et de conscience. Personne n'a le droit moral et encore moins le devoir d'accabler un peuple. Néanmoins, le rôle des intellectuels et des partis est aussi de lui indiquer qu'il fait fausse route. Un pays n'est jamais traversé par une ligne de démarcation où tous ceux qui sont au service de l'Etat sont des voleurs et des corrompus et les «masses» sans reproche. S'il ne faut pas se boucher les oreilles quand s'élèvent des clameurs de la rue, elles ne sont pas toujours le signe d'une clairvoyance. Ce sont des foules qui ont pavé la route d'accès du pouvoir aux nazis et en 1991, la démocratie a failli àªtre enterrée dans notre pays par des exaltations semblables. Un parti ou une association ont, certes, pour mission de revendiquer mais aussi d'éclairer. Elle ne doit pas courir toujours derrière le peuple. 


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