Algérie

Comment sauvegarder les musiques traditionnelles


La ville de Bou Saâda, à quelque 75 kilomètres du chef-lieu de la wilaya de M'sila, a abrité pendant trois joursla 7e édition du colloque international «Anthropologie et musique».
Un événement marqué par la présence de plusieurs ethno-musicologues, anthropologues et chercheurs de diverses spécialités venus aussi bien des pays voisins, comme le Maroc, la Tunisie, la Libye, l'Egypte et le Mali, que de France, d'Espagne, d'Iran ou d'Allemagne, à l'invitation du Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques que dirige le préhistorien Slimane Hachi.
La problématique du colloque s'articule autour de «la notation musicale à l'épreuve de la recherche dans l'étude et la sauvegarde des musiques traditionnelles dans le Maghreb».
En résumé, la question que l'on se pose est : «Comment écrire nos cultures musicales '». «Les civilisations anciennes du monde ont régulièrement fait usage d'iconographies et de divers systèmes de représentation afin de protéger et de perpétuer un répertoire ou une technique de jeu», souligne d'emblée l'anthropologue Maya Saïdani du CNRPAH. «Au Moyen âge, les premières notations musicales apparaissent en Europe et elles vont évoluer graduellement pour donner une lecture quasi parfaite de la musique européenne.
L'ethno-musicologie, ou anthropologie de la musique, a largement utilisé cette écriture pour décrire, transcrire et analyser les musiques du monde, avec ce qu'elles comptent de rituels, fêtes religieuses, mariages, festivals et autres manifestations.
Cependant, la notation de la musique européenne présente des limites quant à la représentativité des musiques traditionnelles», explique encore l'argumentaire élaboré par la chercheure Maya Saïdani. Cependant, il ne s'agit pas de musique savante ou universelle, mais de pratiques quelquefois millénaire.
Donc «la difficulté s'accroît lorsque la tâche consiste à analyser tout un système symbolique où s'entremêlent claquement des mains, gestuelles, émissions ponctuelles de la voix, textes chantés individuellement ou en groupe, avec toutes les spécificités phonétiques et rythmiques jeux instrumentaux, échelles, pas dessinés par le chef de cérémonie lors de danses rituelles».
Le «ayay» des steppes de Laghouat, le «staïfi» des Hauts -Plateaux sétifiens, le raï des hautes plaines de l'Ouest, les «Rehaba» des Aurès, les tambourinaires, avec tbel et avendayer de Kabylie, les pratiques musicales de l'Ahaggar, le tindé, l'imzad, le karqabou, le bédoui, l'ahellil du Gourara, les musiques de tradition orale du patrimoine algérien sont d'une richesse infinie.
A travers ses chants, ses danses, la fabrication d'instruments qui lui sont propres, chaque société dépose ses «marqueurs» validés par plusieurs générations de pratiques, souligne encore une fois Maya Saïdani. «Quelles seraient les méthodes qui nous aideraient à déterminer de possibles «marqueurs musicaux» propres à chaque tradition '
Cette démarche, si elle était validée, nous permettrait-elle d'aboutir à une traçabilité des musiques du terroir du Maghreb ' Toute la problématique du colloque réside dans cette équation.
Selon l'anthropologue Abdelmadjid Merdaci, qui a bien voulu nous faire part de sa vision des choses, il existe dans les sociétés maghrébines, particulièrement en Algérie, deux univers musicaux. Les univers musicaux citadins, avec des musiques intra-muros dans des espaces fermés, avec principalement des instruments à cordes, et il y a les musiques de plain chant, car il ne faut pas perdre de vue que les socles socio-économiques et politiques du Maghreb, c'est l'agropastoralisme, avec différentes déclinaisons des musiques du terroir, peu importe la langue vernaculaire utilisée, que ce soit le kabyle, le chaoui, le sahraoui, ou le bédoui, on a en commun d'être des musiques de plain chant, avec des instruments à vent et des instruments de percussion, qui sont liés au terroir, à la différence des musiques citadines. Il faut souligner que les journées d'étude sont suivies en soirée par des représentations musicales issues du terroir, ce qui permet de joindre l'utile à l'agréable.
A ce propos, Souad Matoussi, anthropologue de l'université de Sousse, en Tunisie, spécialiste de l'écriture de la danse, a également bien voulu nous faire part de ses sentiments à l'issue de la très belle prestation d'une troupe folklorique des Ouled Naïl.
«Je les connais par la lecture les Naïlia, ce sont des gens qui aiment la vie et la danse et au-delà de l'émotion de voir cette merveilleuse troupe des Naïlia sur laquelle j'ai beaucoup lu, je tiens à dire que nous avons un répertoire chorégraphique musical populaire vivant, chargé, capable de partager l'émotion avec de fabuleuses expériences esthétiques, comme celle qu'on vient de voir.
Vous avez cette chance en Algérie, qui est vaste et très riche, d'avoir des expressions du terroir très diverses, très riches et encore vivantes. La meilleure manière de perpétuer ces musiques du patrimoine est de ne pas les momifier, mais de les faire vivre pleinement et les partager. Il faut valoriser notre patrimoine, le regarder de près, le vivre. C'est une fierté».
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